Décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0019 du 23 janvier 2022
Record NumberJORFTEXT000045062874
Date de publication23 janvier 2022
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Enactment Date21 janvier 2022


(LOI RENFORÇANT LES OUTILS DE GESTION DE LA CRISE SANITAIRE ET MODIFIANT LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE)


Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, sous le n° 2022-835 DC, le 17 janvier 2022, par Mme Mathilde PANOT, MM. André CHASSAIGNE, Bertrand PANCHER, Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Jean-Philippe NILOR, Moetai BROTHERSON, Mmes Manuéla KÉCLARD-MONDÉSIR, Karine LEBON, Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MÉLENCHON, Mme Danièle OBONO, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN, Mme Bénédicte TAURINE, MM. Jean-Félix ACQUAVIVA, Jean-Michel CLÉMENT, Paul-André COLOMBANI, Charles de COURSON, Mme Frédérique DUMAS, MM. François-Michel LAMBERT, Jean LASSALLE, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Mme Jennifer De TEMMERMAN, MM. Michel ZUMKELLER, Pascal BRINDEAU, Grégory LABILLE, Mme Agnès THILL, MM. Jérôme LAMBERT, Guillaume CHICHE, Mmes Delphine BAGARRY, Émilie CARIOU, MM. Aurélien TACHÉ, Régis JUANICO, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Albane GAILLOT, M. André VILLIERS, Mme Nicole SANQUER, MM. Olivier FALORNI, Michel CASTELLANI, Xavier BRETON, le 18 janvier 2022, par M. Pierre MOREL-À-L'HUISSIER et, le 19 janvier 2022, par Mme Martine WONNER, députés.
Il a également été saisi, le même jour, par MM. Patrick KANNER, David ASSOULINE, Joël BIGOT, Hussein BOURGI, Mme Isabelle BRIQUET, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Yan CHANTREL, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, MM. Hervé GILLÉ, Jean-Michel HOULLEGATTE, Éric JEANSANNETAS, Bernard JOMIER, Éric KERROUCHE, Mme Annie LE HOUEROU, MM. Jean-Yves LECONTE, Jean-Jacques LOZACH, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Mme Michelle MEUNIER, M. Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, M. Sebastien PLA, Mme Angèle PRÉVILLE, MM. Christian REDON-SARRAZY, Lucien STANZIONE, Jean-Pierre SUEUR, Jean-Claude TISSOT, Mickaël VALLET, André VALLINI, Yannick VAUGRENARD, Maurice ANTISTE, Mmes Viviane ARTIGALAS, Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, M. Denis BOUAD, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mmes Marie-Pierre de la GONTRIE, Frédérique ESPAGNAC, M. Rémi FÉRAUD, Mmes Corinne FÉRET, Laurence HARRIBEY, M. Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, M. Patrice JOLY, Mmes Gisèle JOURDA, Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Jacques-Bernard MAGNER, Franck MONTAUGÉ, Mme Émilienne POUMIROL, M. Claude RAYNAL, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Rachid TEMAL, Jean-Marc TODESCHINI et Mme Sabine VAN HEGHE, sénateurs.
Le 18 janvier 2022, le Premier ministre a demandé au Conseil constitutionnel de statuer selon la procédure d'urgence prévue au troisième alinéa de l'article 61 de la Constitution.
Au vu des textes suivants :


- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;
- le décret n° 2021-1828 du 27 décembre 2021 déclarant l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires de la République ;
- le décret n° 2022-9 du 5 janvier 2022 déclarant l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires de la République ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-819 DC du 31 mai 2021 ;


Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 18 janvier 2022 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :


1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 1er. Les députés requérants contestent également son article 16.


- Sur certaines dispositions de l'article 1er :


En ce qui concerne les dispositions subordonnant l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un « passe vaccinal » :


2. L'article 1er de la loi déférée modifie le A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 mentionnée ci-dessus afin notamment de permettre au Premier ministre de subordonner l'accès à certains lieux à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit « passe vaccinal ».
3. En premier lieu, les députés et sénateurs requérants font valoir que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'aller et de venir, la liberté de se réunir et le droit d'expression collective des idées et des opinions. Les députés requérants soutiennent en outre qu'elles méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée, le droit de mener une vie familiale normale, le droit à l'emploi ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant.
4. Au soutien de ces griefs, les députés requérants estiment que ces dispositions doivent être regardées comme instaurant une obligation vaccinale qui, au regard des effets et de l'état d'avancement des vaccins, ne serait ni nécessaire ni proportionnée. A cet égard, ils soutiennent en particulier que l'application de ces dispositions aux mineurs de plus de seize ans ne serait pas justifiée dès lors que ces derniers ne développeraient que rarement des formes graves de la maladie. Ils estiment également que le « motif impérieux d'ordre familial ou de santé » qui permet, par exception, d'accéder aux transports publics interrégionaux sans présenter un justificatif de statut vaccinal serait imprécis et trop restrictif, en particulier pour les déplacements de ces mineurs et les déplacements professionnels.
5. Au soutien de leurs griefs, les sénateurs requérants font valoir que ces dispositions conduiraient à exiger la présentation d'un justificatif vaccinal par des personnes qui ne sont pas en mesure de se faire vacciner pour avoir déjà contracté le virus ou présenter une contre-indication à la vaccination.
6. En second lieu, les députés requérants soutiennent que, en renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des cas dans lesquels un certificat de rétablissement ou un justificatif d'engagement dans un schéma vaccinal pourrait se substituer à la présentation d'un « passe vaccinal », ainsi que des cas dans lesquels il pourrait être exigé à la fois un justificatif de statut vaccinal et le résultat négatif d'un examen de dépistage virologique, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence.
7. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous … la protection de la santé ». Il en découle un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
8. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration.
9. Les dispositions contestées prévoient que le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées des activités de loisirs et des activités de restauration ou de débit de boissons ainsi qu'aux foires, séminaires et salons professionnels, aux transports publics interrégionaux pour des déplacements de longue distance et à certains grands magasins et centres commerciaux.
10. Ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l'accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions.
11. Toutefois, en premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre l'épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
12. D'une part, le législateur a estimé que, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait et qui sont notamment corroborées par les avis du comité de scientifiques du 24 décembre 2021 et du 13 janvier 2022, les personnes vaccinées présentent des risques de transmission du virus de la covid-19 et de développement d'une forme grave de la maladie bien plus faibles que les personnes non vaccinées.
13. D'autre part, les mesures permises par les dispositions contestées ne peuvent être prononcées que jusqu'au 31 juillet 2022, période durant laquelle le législateur a estimé, au regard de la dynamique de l'épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination et de...

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