Saisine du Conseil constitutionnel en date du 7 décembre 2017 présentée par au moins soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2017-756 DC

JurisdictionFrance
Record NumberJORFTEXT000036339493
Date de publication31 décembre 2017
Publication au Gazette officielJORF n°0305 du 31 décembre 2017
Enactment Date07 décembre 2017


LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2018


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
En application du second alinéa de l'article 61 de la Constitution, les députés soussignés ont l'honneur de vous déférer, l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et, spécialement, ses articles 8, 15, et 58.


I. - Sur le domaine des lois de financement de la sécurité sociale


Les auteurs de la saisine rappellent leur attachement au respect de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. A cet égard, il vous appartient d'exercer une vigilance particulière sur les dispositions de la loi qui n'entreraient pas dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale afin qu'elles ne deviennent pas des lois portant diverses dispositions d'ordre social. Ils vous demandent donc de déclarer contraires à la Constitution toutes les dispositions de la loi déférée qui n'entrent pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale tel que défini, pour l'application de l'article 34, alinéa 5, de la Constitution, par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale et, spécialement, ses articles 8, 15 et 58.
Sur l'article 8 :
L'article 8 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution au motif qu'il n'entre pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
Tout d'abord, le régime de l'assurance chômage n'est pas un régime de sécurité sociale. Il n'entre pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
Le champ de compétence des lois de financement de la sécurité sociale (loi organique du 2 août 2005 en son article ler, L. 111-3) n'insère pas l'UNEDIC dans le périmètre de la sécurité sociale.
La décision n° 2005-519 du Conseil constitutionnel confirme cet état de fait et du droit.
Ce qu'une loi organique de financement de la sécurité sociale ne prévoit pas dans ses dispositions de principe, aucun projet de loi de financement de la sécurité sociale ordinaire ne saurait le prévoir et se substituer ainsi à la hiérarchie de la norme du droit législatif.
Au surplus, la loi organique de financement fixe le principe en son article 5 d'un droit de contrôle parlementaire sur les régimes entrant dans le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale ce qui n'est pas le cas avec l'assurance chômage.
De ces seuls faits, le Conseil constitutionnel ne saurait considérer autrement les dispositions de l'article que comme un cavalier législatif et doit être censuré conformément aux règles d'établissement des lois de financement de la sécurité sociale et à la jurisprudence du Conseil.
Sur l'article 15 :
Cet article est relatif à la suppression du régime social des indépendants et porte modification des règles d'affiliation à la CNAVPL (Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales).
Il comporte un quart du périmètre en volume du projet de loi de financement de la sécurité sociale (34 pages sur un total de 130) et se caractérise par une réforme majeure d'un pan entier de la protection sociale de 7 millions de bénéficiaires soit 12 % de la population.
Pour autant, l'essentiel des dispositions ne porte pas sur les règles financières inhérentes à ce régime et aux relations qu'il entretient avec les autres régimes de sécurité sociale.
La lecture des dispositions lui confère le caractère indéniable d'un projet de loi ordinaire de réforme d'un régime national de sécurité sociale.
En effet, selon l'étude d'impact, la disposition relève « du champ de la loi de financement de la sécurité sociale en application des 1° du B et du C du V de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale » qui disposent que :
« B. - Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de l'année comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, outre celles prévues au C du I, les dispositions :
1° Ayant un effet sur les recettes de l'année des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, ou relatives, sous réserve des dispositions de l'article 36 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée, à l'affectation de ces recettes ; (…)
C. - Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l'année à venir, outre celles prévues au D du I, les dispositions :
1° Ayant un effet sur les dépenses de l'année des régimes obligatoires de base ou sur les dépenses de l'année des organismes concourant à leur financement qui affectent directement l'équilibre financier de ces régimes ; »
Cependant, le 4° du Il de l'article 8 consacre quatre pages à la définition des missions du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants : « Les articles L. 612-1 à L. 612-6 sont ainsi rédigés : « Art. L. 612-1. - Le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants a pour rôle : ».
Or, les dispositions énoncées par cet article portent essentiellement sur l'organisation, la gouvernance, la représentation des assurés ou encore les règles d'affiliation. Ce qui contredit la justification de la place de la mesure apparaissant dans l'étude d'impact.
Le Conseil doit, entre autres, « veiller, sans préjudice des prérogatives des organismes mentionnés aux articles L. 641-1 et L. 723-1, à la bonne application aux travailleurs indépendants des règles du présent code relatives à leur protection sociale et à la qualité du service rendu aux travailleurs indépendants par les organismes assurant le recouvrement des cotisations et le service des prestations ».
En effet, si l'article LO 111-3 de la loi organique du 2 août 2005 dispose que « peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l'année à venir, outre celles prévues au D du I, les dispositions : (…) 3° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ainsi que les règles d'organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale », certaines dispositions de cet article dépassent clairement le périmètre de cet article.
Ainsi, les dispositions relatives au Conseil de la protection sociale des travailleurs ne concernent pas directement les règles d'organisation ou de gestion d'un régime obligatoire de base, ou d'un organisme qui concourt à son financement. D'autant plus que la majeure partie d'entre elles sont des règles relatives à l'organisation et à la gouvernance du Conseil lui-même et non des régimes.
Par conséquent, les dispositions du 4° du II de l'article 15 n'entrent pas dans le champ d'une loi de financement de la sécurité sociale tel que défini à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
Par voie de conséquence, étant donné que le Conseil de la protection sociale des travailleurs, a vocation à être l'organe représentant les intérêts des travailleurs indépendants, la censure de ces mesures fragilise juridiquement l'ensemble de l'article 15 puisque la représentation des travailleurs indépendants ne serait plus assurée. L'article 15 doit donc, pour ces raisons, être supprimé dans son ensemble.
L'ampleur de ces mesures et leur objet étranger au champ des lois de finances au sens de l'article LO 113 du code de la sécurité sociale font donc de l'article 15 un cavalier social d'importance majeure. Ce qui est contraire aux règles de la loi organique de financement et a déjà fait l'objet de nombreuses censures strictes de la part du Conseil constitutionnel.
On peut d'ailleurs noter, à ce titre, que même la création de la « Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales » dont le rôle est, entre autres, « d'assurer la gestion du régime d'assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves du régime » (article L. 641-2 du code de la sécurité sociale), cité dans l'article 15 de la présente loi (« sans préjudice des prérogatives des organismes mentionnés aux articles L. 641-1 et L. 723-1, » (al. 60), participant pourtant à la gestion du régime obligatoire de base, avait fait l'objet d'une loi à part par le législateur en 2003, considérant l'ampleur de la réforme et de ses effets.
En outre, la précipitation portée à cette réforme par le Gouvernement méconnaît le « devoir de tempérance » s'agissant de la garantie que la représentation nationale doit apporter aux bénéficiaires des droits sociaux. Compte tenu du caractère particulier inhérent à la procédure d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, le Parlement n'a pu exercer son rôle dans des conditions habituelles de sérénité et d'approfondissement. Si le « devoir de tempérance » n'est pas, à proprement parler, un objectif à valeur constitutionnelle dégagé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n'en est pas de même des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Le Conseil constitutionnel a, à ce titre, considéré dans une décision que « lorsqu'une durée maximale est décidée pour l'examen de l'ensemble d'un texte, cette durée ne saurait être fixée de telle manière qu'elle prive d'effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire » (Décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009). Or, on peut légitimement considérer qu'une réforme d'une telle ampleur discutée dans le temps législatif restreint inhérent aux lois de finances va à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Pour toutes ces raisons, les dispositions de l'article 15 ne peuvent être considérées comme relevant d'une loi de financement de la sécurité sociale et doivent par conséquent être déclarées inconstitutionnelles.
Sur l'article 58 :
L'article 58 du projet de loi...

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