Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances rectificative pour 2012

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0190 du 17 août 2012
Record NumberJORFTEXT000026289343
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication17 août 2012



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la deuxième loi de finances rectificative pour 2012.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. ― Sur l'article 3


A. ― Les sénateurs et députés requérants soutiennent que les dispositions de cet article, qui procède à l'abrogation partielle du dispositif issu de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 d'exonérations de cotisations sociales et fiscales des heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés, seraient contraires à la Constitution sur quatre points :
― la suppression des avantages résultant des exonérations antérieures porterait atteinte à la liberté d'entreprendre et à l'exercice du droit à l'emploi par un plus grand nombre, garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
― l'abrogation des exonérations d'impôt sur le revenu à compter du 1er août 2012 serait rétroactive, la loi devant être promulguée postérieurement à cette date ;
― le dispositif serait inintelligible ;
― les dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant l'impôt dans la mesure où elles procèdent à l'abrogation des avantages à compter du 1er septembre 2012 pour les salariés dont le temps de travail n'est pas annualisé et à compter du 31 décembre 2012 pour ceux dont le cycle de travail est annualisé.
B. ― Le Gouvernement considère qu'aucun de ces griefs n'est fondé.
1. En premier lieu, la suppression d'avantages fiscaux ou sociaux ne saurait porter atteinte à la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (voir, pour la suppression d'une exonération fiscale : décision n° 89-268 DC, 29 décembre 1989, cons. 40, rec. p. 110). Le chef d'entreprise reste libre de créer ou de conduire son activité. Il doit le faire, comme vous le jugez de manière constante, « dans le respect du cadre social et fiscal ».
Le législateur dispose, dans cette matière, d'une marge d'appréciation importante. Il a pu en particulier estimer que la suppression de mesures ayant pour effet d'inciter les salariés et les employeurs à recourir aux heures supplémentaires, loin de méconnaître les objectifs énoncés par le cinquième alinéa du Préambule de 1946, pouvait au contraire contribuer à mieux les atteindre en favorisant le recrutement de nouveaux salariés.
2. En deuxième lieu, l'abrogation des exonérations d'impôt sur le revenu à compter du 1er août 2012 n'est pas rétroactive, même si la loi sera promulguée postérieurement à cette date. En effet, conformément à une jurisprudence constante, le fait générateur de cette imposition est constitué au 31 décembre de l'année de perception des revenus. Quand bien même elle aurait retenu une date d'application à compter du 1er janvier 2012, la mesure contestée n'aurait pas été entachée de rétroactivité dès lors qu'elle sera promulguée avant le terme de la période de référence pour le calcul de l'impôt sur le revenu. En retenant une date d'effet au 1er août 2012, postérieure à la présentation du projet de loi et même à son adoption définitive par le Parlement, le législateur a pris soin d'éviter toute application rétrospective des règles nouvelles.
3. En troisième lieu, le dispositif n'est pas inintelligible et ne rompt pas l'égalité devant les charges publiques.
Il faut en effet bien distinguer, au sein de cet article, deux dispositifs qui ont chacun leur logique et leurs exigences propres.
a) D'un côté, l'article modifie des exonérations d'impôt sur le revenu.
Comme il a déjà été dit, une date unique a été choisie : le 1er août 2012. De même, les dispositions de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 qui avaient créé les exonérations avaient opté pour la date unique du 1er octobre 2007. Aucune différence n'est faite, dans ce cas, entre les personnes dont le décompte du travail est mensuel ou calculé selon des cycles plus longs, parfois annuels. En effet, dans cette configuration, le système propre à l'impôt sur le revenu, de déclaration l'année suivant celle où les revenus ont été perçus, permet d'avoir une vision générale. Il autorise notamment le calcul d'un prorata d'heures supplémentaires ou complémentaires effectuées sur un cycle long ou annualisé en fonction de la date d'entrée en vigueur de la loi.
En 2007, une instruction administrative était venue commenter, comme il est d'usage pour les réformes fiscales significatives, les modalités d'application pratiques de la loi selon les différents cas de figure susceptibles de se présenter. La méthode d'application de loi déférée, qui a opté pour un mécanisme comparable fondé sur une date unique, sera similaire. Dans ces conditions, la loi ne peut être regardée comme inintelligible sur ce point.
Précisons qu'il était permis au législateur de décider que les nouvelles règles d'imposition des revenus ne concernent que les revenus perçus à compter d'une certaine date à l'intérieur de l'année civile d'imposition, sans méconnaître le principe d'égalité. S'il a choisi le 1er août 2012, c'est dans le souci de ne pas remettre en cause le traitement fiscal dont ont bénéficié les heures supplémentaires ou complémentaires déjà effectuées au moment du vote de la loi.
b) D'un autre côté, l'article modifie des exonérations de cotisations sociales.
Dans ce cas, une différence est faite entre les heures comptabilisées en rythme mensuel ou plus long. Pour les premières, la fin des exonérations sera effective au 1er septembre 2012 ― pour les autres, c'est à la fin du cycle, et au plus tard le 31 décembre 2012. Cette différence s'explique précisément par le souci d'assurer l'égalité. Ce qui est possible pour l'imposition sur le revenu, compte tenu du caractère rétrospectif de son calcul, ne l'est pas pour les cotisations sociales, qui doivent être constatées et calculées au moment de la rémunération. Une proratisation serait excessivement complexe à gérer par les entreprises. Elle pourrait par ailleurs être source d'injustice, car il est le plus souvent impossible de déterminer les heures supplémentaires ou complémentaires effectuées avant le 1er septembre dans le cas où leur calcul se fonde sur un rythme long.
C'est pourquoi il a été jugé nécessaire que les salariés et agents publics en cycle long ou annualisé bénéficient du dispositif le plus favorable, jusqu'à la fin de leur cycle ou au plus tard le 31 décembre 2012. De cette manière, ils ne perdent pas l'avantage, que les personnes dont le temps de travail est mensuel conservent, des exonérations pour les heures antérieures au 1er septembre 2012.
La disposition attaquée, fondée sur deux logiques distinctes, est par conséquent parfaitement intelligible et, loin de méconnaître l'égalité devant les charges publiques, vise au contraire à respecter ses exigences.


II. ― Sur l'article 4


A. ― Les sénateurs et députés requérants estiment que cet article, qui crée une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012, porte atteinte à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la DDHC de 1789 et méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt. Sont particulièrement mis en avant le fait que cette contribution serait dégressive et que, en l'absence de tout plafonnement du montant de cet impôt en raison des revenus, des contribuables, qui doivent acquitter d'autres impôts (impôt sur le revenu, impôts locaux, CSG, CRDS), pourraient être astreints à vendre une partie de leur patrimoine. Ce résultat serait en outre confiscatoire car il ferait peser sur certains contribuables une charge excessive, contraire à l'article 13 de la DDHC et au droit de propriété.
B. ― Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
Il rappelle d'abord que, selon votre jurisprudence constante, l'égalité devant l'impôt ainsi que le respect de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'apprécient impôt par impôt, au regard des caractéristiques propres de cet impôt et de l'objectif du législateur.
C'est dans ce cadre qu'il faut apprécier la constitutionnalité de la contribution exceptionnelle sur la fortune.
1. Créée au titre de la seule année 2012, il s'agit d'un impôt autonome. Il est distinct de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont l'économie a été modifiée en dernier lieu par la loi de finances rectificative pour 2011. Le fait générateur de la contribution est, en l'absence de précision de la loi, l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative.
Le caractère autonome et non rétroactif de cette contribution est d'ailleurs souligné par le fait que les personnes devenues non résidentes entre le 1er janvier et le 4 juillet 2012 seront imposées non en raison de leur patrimoine mondial mais de leur patrimoine situé en France. S'applique alors la règle habituelle de détermination de l'assiette applicable aux contribuables non résidents en matière d'impôt sur la fortune.
Quant à l'assiette de cette contribution, elle est déterminée par référence à celle de l'impôt de solidarité sur la fortune ― les biens détenus au 1er janvier 2012 ― par souci de simplification administrative pour les contribuables. Il s'agit là d'un choix qui n'est pas rare (v. la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés ; décision n° 99-422 DC, 21 décembre 1999).
Le grief tiré de la rétroactivité de la loi, qui n'aurait d'ailleurs pas été de nature à la rendre inconstitutionnelle eu égard aux motifs d'intérêt général auxquels elle répond, manque en tout état de cause en fait.
2. Cette contribution, si elle n'est pas accompagnée d'un dispositif de plafonnement à raison du revenu tel que celui prévu par l'article 885 V bis du code général des impôts, intervient dans des circonstances et...

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