Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 novembre 2021, 19-14.438, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Chauvin
ECLIECLI:FR:CCASS:2021:C100676
CitationN2 >A rapprocher : Crim. 3 février 2016, pourvoi n° 14-85.198, Bull. crim. 2016, n° 28 (cassation partielle sans renvoi) ; 2e Civ., 26 septembre 2013, pourvoi n° 12-24.940, Bull. 2013, II, n° 186 (rejet).
Case OutcomeRejet
Docket Number19-14438
Appeal Number12100676
Date10 novembre 2021
CounselSCP Piwnica et Molinié,SCP Hémery,Thomas-Raquin,Le Guerer
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterUNION EUROPEENNE - Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - Disposition du droit de l'Union européenne - Application en droit interne - Office du juge - Litige entre particuliers - Etendue - Portée
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 novembre 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 676 FS-B

Pourvoi n° M 19-14.438





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Imation Europe BV, dont le siège est [Adresse 4], United Kingdom (Royaume-Uni), a formé le pourvoi n° M 19-14.438 contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore dite Copie France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations écrites et plaidoiries de la SCP Piwnica et Molinié, Me Piwnica, avocat de la société Imation Europe BV et de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, Me Hémery, avocat de la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore dite Copie France, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, M. Girardet, Mme Duval-Arnould,conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2018), la société Imation France, qui a commercialisé des CD et DVD en France, a payé à la Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore (la société Copie France) les redevances fixées par les décisions de la commission instituée à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle (la commission copie privée).

2. La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, dont le délai de transposition est venu à expiration le 22 décembre 2002, énonce en son article 5, (paragraphe 2, sous b), que les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l'article 2 « lorsqu'il s'agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable. »

3. Par arrêt du 11 juillet 2008 (Simavelec, n° 298779), le Conseil d'Etat a annulé la décision n° 7 du 20 juillet 2006 de la commission copie privée au motif que la rémunération qui y était prévue compensait des copies de sources illicites. Il a différé les effets de cette nullité jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois passé la notification de la décision au ministre de la culture, soit, en pratique, jusqu'au 11 janvier 2009.

4. A la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 21 octobre 2010 (Padawan, C-467/08), il a, par arrêt du 17 juin 2011 (Canal + Terminaux e.a., n° 324816, 325439, 325468, 325469), annulé la décision n° 11 de cette commission au motif que les barèmes arrêtés par cette décision soumettaient à la rémunération pour copie privée l'ensemble des supports concernés sans possibilité d'exclure ceux à usage professionnel. Il a prévu que l'annulation ne serait effective qu'à compter de l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa notification.

5. La société de droit néerlandais Imation Europe BV, venant aux droits de sa filiale française, la société Imation France (la société Imation), et estimant que le régime français de la rémunération pour copie privée n'était pas conforme à la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, a assigné la société Copie France en remboursement des sommes indûment versées, selon elle, depuis le 22 décembre 2002 et en dommages-intérêts.

6. La société Copie France a présenté une demande reconventionnelle en paiement des sommes dues depuis le mois de février 2011.

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

8. La société Imation fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en remboursement des sommes qu'elle a acquittées sur le fondement des décisions n° 1, 2, 5 et 15 de la commission copie privée et d'accueillir les demandes reconventionnelles de la société Copie France en application de ces décisions pour la période d'activité s'étendant du mois de février 2011 au mois de novembre 2017, alors :

« 1°/ que constitue une émanation de l'Etat aux fins de l'effet direct vertical d'une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui est soumis à l'autorité ou au contrôle d'une autorité publique ou qui a été chargé, par une autorité publique, d'une mission d'intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; qu'en retenant, pour affirmer que la société Copie France n'était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, qu'elle était une société civile de droit commun, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE ;

2°/ que constitue une émanation de l'Etat aux fins de l'effet direct vertical d'une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d'une mission d'intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que l'article 5 de la directive 2001/29/CE fait obligation aux Etats membres qui adoptent l'exception de copie privée de prévoir au profit des titulaires de droit une compensation équitable ; qu'en France, la collecte et la répartition de la rémunération équitable sont confiées à des sociétés de gestion collective ; que cette mission a notamment pour objectif, par la rémunération des titulaires de droits, d'assurer le maintien et le développement de la création ; qu'il s'en déduit que la société Copie France accomplit une mission d'intérêt public ; qu'en affirmant au contraire, pour affirmer que la société Copie France n'était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que la mission consistant à percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit viserait des intérêts certes collectifs, mais particuliers, et ne serait ni d'intérêt général, ni de service public, la cour d'appel a violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE, ensemble l'article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que les organismes de gestion collective doivent utiliser 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et à des actions de formation des artistes ; que le dispositif a pour but le financement de la création et la promotion de la diversité culturelle ; qu'en retenant, pour affirmer que la société Copie France n'était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une directive, que la contribution de la société Copie France à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et à la formation des artistes cette action ne serait qu'une modalité de rémunération des titulaires de droits et ne poursuivrait aucun objectif d'intérêt public, « même si elle peut rejoindre dans ces buts des actions d'intérêt général menées par l'Etat », la cour d'appel a de nouveau violé les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 5 de la directive 2001/29/CE, ensemble les articles L. 311-6 et L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ que constitue une émanation de l'Etat aux fins de l'effet direct vertical d'une directive tout organisme ou entité, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, par une autorité publique, d'une mission d'intérêt public et dispose, pour son accomplissement, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ; que la faculté de désigner des agents assermentés habilités à dresser procès-verbal des infractions de non paiement de la rémunération équitable constitue une prérogative exorbitante par rapport à celles qui résultent des règles applicables entre particuliers ; qu'en énonçant, pour affirmer que la société Copie France n'était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT