Saisine du Conseil constitutionnel en date du 7 décembre 2001 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision 2001-453 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°299 du 26 décembre 2001
Record NumberJORFTEXT000000770847
Enactment Date07 décembre 2001
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication26 décembre 2001

LOI DE FINANCEMENT

DE LA SECURITE SOCIALE POUR 2002

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2001.

I. - Sur l'ensemble de la loi de financement

de la sécurité sociale pour 2002

Les sénateurs soussignés estiment que l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 est contraire à l'objectif constitutionnel d'équilibre de la sécurité sociale, découlant de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, et au principe de sincérité des comptes sociaux.

Le financement des allégements de charges consentis aux entreprises dans le cadre de la réduction du temps de travail a été inscrit dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, qui a créé le « fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale » (FOREC). Ce dernier est un « organisme concourant au financement des régimes de base », au sens du 2o de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.

Un tel transfert n'appelle pas en lui-même, sur le plan constitutionnel, de remarque particulière ; il en est différemment s'il a pour conséquence de fragiliser la situation financière de la sécurité sociale : en effet, la lettre et l'esprit de la réforme constitutionnelle du 19 février 1996, créant les lois de financement de la sécurité sociale, visaient à distinguer de manière claire les comptes des régimes de base de la sécurité sociale des comptes de l'Etat. L'objectif poursuivi par le pouvoir constituant était d'éviter que l'Etat ne « puise » dans les recettes de la sécurité sociale, destinées exclusivement au financement des branches famille, maladie, accidents du travail et vieillesse.

Les lois de financement de la sécurité sociale pour 1997, 1998 et 1999 avaient eu pour objectif de redresser la situation des comptes sociaux, en comprenant des mesures tendant à assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale : les déficits tendanciels étaient réduits.

A l'inverse, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, confirmant les craintes qu'avaient pu susciter les lois de financement pour 2000 et 2001, porte désormais directement atteinte à l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Ainsi, les comptes tendanciels du régime général, présentés lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale du 20 septembre 2001, et en supposant une compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales conformément à la loi, font apparaître un excédent de 13,7 milliards de francs pour 2001 et de 17,3 milliards de francs pour 2002 (cf. annexe c, p. 30 : il suffit d'ajouter au montant inscrit à la ligne « résultat net 2002 avant mesures nouvelles » le montant inscrit à la ligne « prise en charge de cotisations FOREC »). Ces excédents seraient ramenés respectivement à 3,7 milliards et 4,2 milliards de francs à l'issue de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (cf. rapport Sénat de nouvelle lecture, no 100 2001-2002, p. 9).

En raison de la croissance économique et des mesures de redressement précitées, la sécurité sociale est désormais dans une situation tendanciellement excédentaire ; mais les branches bénéficiaires sont privées du bénéfice de leurs excédents, tandis que la situation financière de la branche maladie, qui reste lourdement déficitaire, est systématiquement aggravée.

Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a pour principal effet, sinon pour objet, de dégrader considérablement les comptes des régimes de base pour les exercices 2000, 2001 et 2002, afin d'éviter de faire supporter au budget de l'Etat les conséquences financières des politiques décidées par le Gouvernement :

- l'article 12 fait supporter aux comptes du régime général et du régime agricole une charge de 16 milliards de francs au titre de l'exercice 2000, puisque ces régimes ne seront pas compensés de l'intégralité des exonérations de cotisations sociales relevant du « champ » du FOREC : le régime général devient ainsi déficitaire de plus de 10 milliards de francs pour cet exercice ;

- la branche maladie du régime général, déjà structurellement déficitaire, voit ce déficit accru par les dispositions de l'article 13, qui procède à l'affectation au FOREC de 45 % des droits sur les alcools visés à l'article 403 du code général des impôts, à compter du 1er janvier 2001, et à l'affectation à compter du 1er janvier 2002 du produit de la contribution sur les contrats d'assurance en matière de circulation des véhicules terrestres à moteurs. Le total des recettes ainsi « détournées » est de 5,9 milliards de francs en 2001 et de 11,8 milliards de francs en 2002 : le déficit de la CNAMTS s'élèverait à - 13,3 milliards de francs en 2001 et à - 13,9 milliards de francs en 2002 ;

- le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), devenu structurellement déficitaire en raison des mesures adoptées par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2000 et 2001 et la loi no 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, ne fait face à ses engagements que par un prélèvement sur son fonds de roulement : or, le V de l'article 13 affecte au FOREC la totalité du produit de la taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice de leurs salariés pour les prestations complémentaires de prévoyance (2,9 milliards de francs), tandis que l'article 8 du projet de loi de finances rectificative pour 2001, coordonné en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale à l'article 16 de la loi de financement pour 2002, présente pour conséquence indirecte de diminuer la fraction de C3S affectée au FSV de plus de 700 millions de francs, et d'accroître encore davantage son déficit pour l'exercice 2002 (de - 4 à - 4,7 milliards de francs). Dans sa décision no 2001-447 DC du 18 juillet 2001, le Conseil constitutionnel avait pourtant prévenu qu'il appartiendrait « à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 de tirer les conséquences des nouvelles dispositions » de la loi « APA » sur l'équilibre du FSV (affectation au fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie d'une fraction de la contribution sociale généralisée). Non seulement la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 n'a pas tiré les conséquences du déficit du FSV créé notamment par la loi précitée du 20 juillet 2001, mais elle aggrave encore davantage ce déficit.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoit certes d'augmenter la fraction d'une partie des droits de consommation sur les tabacs affectée à la CNAMTS, au détriment du FOREC. Mais cette augmentation (3,6 milliards de francs) est nettement insuffisante pour compenser à la CNAMTS ses pertes de recettes précitées : ainsi, aucune mesure n'est proposée pour remédier au déficit préoccupant de la branche maladie, alors que la simple compensation intégrale des exonérations de cotisations de sécurité sociale permettrait de ramener son solde à un niveau proche de l'équilibre.

Un « organisme concourant au financement des régimes de base », terme consacré par le législateur organique de 1996, ne présente de sens que si les recettes dont il dispose n'étaient pas précédemment affectées auxdits régimes de base ou à d'autres organismes concourant à leur financement. Le financement du FOREC, alimenté pour une grande partie par des recettes autrefois affectées aux régimes de base et au FSV, pour un montant de plus de 30 milliards de francs en 2002, nuit à l'objectif constitutionnel d'équilibre de la sécurité sociale.

Dans le même temps, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 accroît considérablement les charges de la CNAMTS : ainsi, l'article 42 fait supporter à la branche maladie du régime général une contribution au budget de l'Etat, afin d'assurer en 2001 le financement du plan BIOTOX, pour un montant de 1,3 milliard de francs.

L'article 59, qui abonde le fonds d'investissement pour la petite enfance par une nouvelle tranche de 1,5 milliard de francs prélevés sur l'excédent de la branche famille pour l'exercice 2000, et l'article 68, qui affecte au Fonds de réserve pour les retraites 5 milliards de francs d'excédents de la branche famille au titre de l'exercice 2000, contribuent à dégrader la situation financière nette du régime général sur l'année 2000 (cf. rapport de nouvelle lecture Sénat, no 100, op. cit., p. 9).

Enfin, l'article 67 diminue les recettes de la CNAVTS, à hauteur des 15 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, affectés désormais au Fonds de réserve pour les retraites.

Certes, le Gouvernement objectera que, malgré ces transferts financiers et ces charges nouvelles, le régime général reste globalement excédentaire. Mais, d'une part, cette argumentation n'est pas recevable pour l'exercice 2000. D'autre part, les excédents prévus pour les exercices 2001 et 2002 ne sont respectivement que de 3,7 milliards et 4,2 milliards de francs et apparaissent particulièrement fragiles : la prévision de croissance de la masse salariale, qui sous-tend les recettes de cotisations sociales et de CSG sur les revenus d'activité, prévues à l'article 16, est de 5 %. Il suffirait d'une prévision de croissance de la masse salariale de 4,5 %, représentant une minoration des recettes de l'ordre de 4 à 5 milliards de francs, en supposant que l'évolution des dépenses reste dans le cadre des objectifs fixés à l'article 69, pour que l'excédent prévu de 4,2 milliards de francs pour 2002 se transforme en déficit.

Les recettes par catégorie, prévues à l'article 16 de la loi de financement de la...

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