Décision no 99-419 DC du 9 novembre 1999

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°265 du 16 novembre 1999
Record NumberJORFTEXT000000761718
Enactment Date09 novembre 1999
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication16 novembre 1999

LOI RELATIVE AU PACTE CIVIL DE SOLIDARITE ( PACS)
En premier lieu, le mémoire que M. Claude Goasguen a fait parvenir au Conseil constitutionnel sous sa seule signature, dans lequel il soulève de nouveaux griefs à l'encontre des dispositions critiquées est déclaré irrecevable compte tenu des dispositions du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution.
I - Sur la régularité de la procédure législative
Les requérants font valoir que la loi aurait été adoptée en méconnaissance du règlement de l'Assemblée nationale. Mais le Conseil considère que les règlements des assemblées parlementaires n'ont pas en eux-mêmes valeur constitutionnelle. De plus, le grief tiré de la violation du troisième alinéa de l'article 84 du règlement de l'Assemblée nationale manque en fait. Ainsi, l'adoption par l'Assemblée nationale, le 9/10/1998 d'une exception d'irrecevabilité n'entache pas la régularité de la procédure suivie.
Les requérants font valoir également que la loi aurait été adoptée en méconnaissance des dispositions de l'article 40 de la Constitution. Mais l'incidence sur les charges publiques n'étant pas avérée, c'est à bon droit que la proposition de loi n'a pas été déclarée irrecevable. En outre, le grief selon lequel la proposition de loi aurait dû être déclarée irrecevable en raison de ses effets sur les charges publiques ne peut être accueilli s'agissant de la compensation prévue à l'article 12.
Le grief tiré de la violation de l'article 1er de l'ordonnance du 02/01/1959 portant loi organique relative aux lois de finances que font valoir les requérants ne peut être accueilli , les charges en cause, la proposition de loi n'étant pas soumises aux prescriptions de cet article.
II - Sur les griefs tirés de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence
Les députés, auteurs de la première saisine et les sénateurs, auteurs de la seconde saisine soutiennent que le législateur n'aurait pas exercé la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution en renvoyant à l'autorité réglementaire ou à l'autorité judiciaire "le soin de combler les lacunes et imprécisions" de la loi.
S'agissant en premier lieu, de la notion de vie commune que le PACS a vocation à organiser, il résulte des articles 515-1 à 515-4 introduits par la loi déférée que sans en définir expressément le contenu, le législateur en a déterminé les composantes essentielles. En deuxième lieu, la nullité prévue pour les empêchements édictés par l'article 515-2 du code civil ne peut être qu'absolue.
En troisième lieu, l'objet des articles 515-1 à 515-7 du code civil est la création d'un contrat spécifique conclu par deux personnes majeures en vue d'organiser leur vie commune. En dehors des dispositions prévues par la loi déférée, ce sont les règles générales relatives aux contrats et obligations qui auront vocation à s'appliquer. En quatrième lieu, la loi est donc sans incidence sur les autres titres du code civil et notamment ceux relatifs à la filiation.
En cinquième lieu, le régime fiscal applicable aux personnes ayant conclu un PACS est régi par la loi déférée. La législation fiscale relative aux "célibataires" devra tenir compte de la situation des signataires d'un PACS. En sixième lieu, les modalités de l'aide mutuelle et matérielle que se doivent les partenaires liés par un PACS (art 515-4) fixées par le pacte devront être définies par le juge en cas de litige. En septième lieu, le législateur a pu sans méconnaître sa compétence laisser aux parties la faculté d'écarter le régime de l'indivision. En huitième lieu, la solidarité des partenaires à l'égard des créanciers ne saurait faire obstacle, en cas d'excès, à l'application des règles de la responsabilité civile. En neuvième lieu, le législateur en prévoyant la publicité de la conclusion, de la modification et de la fin du pacte (art 515-7) n'a pas méconnu l'étendue des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution.
III - Sur les griefs tirés de la violation du principe d'égalité
Les requérants soutiennent que les articles 4, 5 et 6 de la loi déférée porteraient atteinte, sans motif d'intérêt général, au principe d'égalité devant les charges publiques.
Ainsi, l'article 4, en prévoyant l'imposition commune trois ans après l'enregistrement du PACS, créerait une rupture d'égalité au regard des personnes vivant seules, des concubins et des couples mariés. Ces derniers étant les seuls à bénéficier de l'imposition commune justifiée par la protection de la famille et les obligations résultant du mariage.
Le grief de rupture d'égalité à l'égard des personnes mariées manque en fait, le bénéfice étant suspendu à une condition de durée minimale du PACS. De plus, contrairement aux personnes vivant en concubinage, les partenaires d'un PACS sont assujettis à certaines obligations.
Il résulte de la combinaison de l'article 13 de la DDHC et 34 de la Constitution que le législateur doit déterminer les règles selon lesquelles doivent être déterminées les facultés contributives des contribuables sans rupture caractérisée d'égalité. Et l'avantage que peuvent retirer de l'imposition commune, suivant leur situation, les signataires d'un PACS n'est pas tel qu'il pourrait entraîner une rupture d'égalité caractérisée par rapport aux personnes vivant seules.
S'agissant de l'article 5; il accorde aux partenaires d'un PACS des réductions d'impôt qui ne seraient pas d'avantage justifiées selon les requérants, que l'imposition commune au regard de l'égalité devant les charges publiques. Mais, ces réductions d'impôts sont moins favorables que celles prévues pour les époux. S'agissant des concubins, il n'y a pas non plus rupture d'égalité pour les mêmes motifs que ceux évoqués pour l'article 4.
Enfin, l'article 6 qui assujettit les personnes liées par un PACS à l'imposition commune au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ne peut qu'accroître la charge fiscale des personnes liées par un PACS par rapport à la situation qui serait la leur en cas d'imposition séparée.
Les violations alléguées du principe d'égalité concernant les prohibitions liées à la parenté ou à l'alliance ne sont pas opérantes eu égard à l'intérêt général. Ne le sont pas davantage, les dispositions relatives à la priorité d'affectation des fonctionnaires (article 13) qui existent également pour les couples mariés et qui sont justifiées pour les mêmes raisons.
Ainsi sont écartés par le Conseil constitutionnel tous les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité.
IV - Sur le grief tiré d'une atteinte au mariage républicain
Les dispositions relatives au PACS ne mettent en cause aucune des règles relatives au mariage contrairement à ce que soutiennent les députés.
V - Sur le grief tiré d'une atteinte aux principes fondamentaux du droit des contrats
Les requérants font grief à l'article 515-7 nouveau du code civil de porter atteinte au principe d'immutabilité des contrats en permettant une rupture unilatérale du pacte civil de solidarité sans qu'aucune cause ne soit invoquée.
Selon le Conseil constitutionnel, l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 autorise la rupture unilatérale d'un contrat à durée indéterminée, sous réserve de garanties. Or, l'article 515-7 prévoit un droit à réparation et des formalités précises, respectant ainsi les principes fondamentaux du droit des contrats.
VI - Sur le grief tiré d'une atteinte au principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine
Les requérants font valoir que l'article 515-7 du code civil prévoit, d'une part une faculté unilatérale de résiliation du PACS, ce qui méconnaîtrait le principe du respect de la dignité humaine (analogie avec la répudiation) et d'autre part, la rupture du pacte par mariage, ce qui serait contraire au principe d'égalité entre les contractants.
Le Conseil estime que les dispositions relatives à la rupture du PACS ne sont contraires ni au principe de la dignité de la personne humaine, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle. En premier lieu, le PACS est un contrat étranger au mariage, sa rupture ne saurait donc être qualifiée de répudiation. Le PACS est un contrat à durée indéterminée, il peut donc être résilié par l'une ou l'autre des parties. La rupture du pacte par mariage répond à la nécessité constitutionnelle de liberté du mariage. Enfin, comme le prévoit l'article 515-7, la rupture pourra justifier une demande de réparation du préjudice (respectant ainsi l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen).
VII - Sur le grief tiré de l'atteinte au respect de la vie privée
Les requérants soutiennent que les dispositions de l'article 515-3 du code civil, en donnant la possibilité aux tiers de connaître l'existence d'un PACS, portent atteinte au principe du respect de la vie privée (qu'implique l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) et seraient donc contraires à la Constitution.
Mais, le législateur n'a pas porté atteinte au principe du respect de la vie privée. En effet, les règles d'enregistrement des PACS ont une double finalité étrangère à la révélation des préférences sexuelles . D'une part, elles visent à assurer le respect des règles d'ordre public régissant le droit des personnes et d'autre part elles tendent à conférer date certaine au PACS pour le rendre opposable aux tiers. En outre, les conditions de traitement, de conservation et d'accessibilité aux tiers des informations relatives au PACS seront fixées par un décret en Conseil d'Etat après avis de la CNIL (commission nationale de l'informatique et des libertés).
VIII - Sur les griefs tirés de la méconnaissance des dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la protection de l'enfant et de la famille
Les requérants soutiennent que l'atteinte résulterait du silence de la loi déférée sur la situation des enfants que les personnes liées par un PACS pourraient avoir, ou de ceux qui pourraient vivre auprès d'elles. Mais les règles existantes du droit de la filiation et les dispositions...

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