Décision du 1er juillet 2019 sur le différend qui oppose la société Eni Gas & Power à la société GRDF, relatif à la rémunération des prestations de gestion de clientèle effectuées pour le compte de la société GRDF

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0176 du 31 juillet 2019
Record NumberJORFTEXT000038851504
Date de publication31 juillet 2019
CourtCOMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE
Enactment Date01 juillet 2019


Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 15 mars 2017, sous le numéro 07-38-17, présentée par la société Eni Gas & Power à l'encontre de la société GRDF.
Elle est relative à la rémunération des prestations de gestion de clientèle effectuées par la société Eni Gas & Power pour le compte de la société GRDF.


Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.
Par une décision du 19 septembre 2014, le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) s'est prononcé sur le différend qui opposait la société POWEO DIRECT ENERGIE à la société GRDF et qui portait sur le contrat d'acheminement sur le réseau de distribution de gaz naturel (CAD).
Par courrier du 6 mars 2014, la société Eni Gas & Power avait demandé au comité d'être entendue, que ce soit par observations écrites ou orales.
Le CoRDiS a décidé que :
« Article 1er. - La société GRDF devra transmettre à la société POWEO DIRECT ENERGIE un nouveau contrat d'acheminement sur le réseau de distribution de gaz naturel dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision conforme aux principes rappelés dans la présente décision.
Article 2. - La société GRDF communiquera au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, dans le même délai que celui prescrit à l'article 1er, le nouveau contrat.
Article 3. - Le surplus des demandes de la société POWEO DIRECT ENERGIE est rejeté.
Article 4. - La présente décision sera notifiée aux sociétés POWEO DIRECT ENERGIE et GRDF. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française. »
Saisis de plusieurs recours à l'encontre de cette décision du CoRDiS, la cour d'appel de Paris a statué par un arrêt du 2 juin 2016.
La société Eni Gas & Power avait elle-même déposé, le 2 janvier 2015, un recours en réformation de la décision.
Aux termes de son arrêt, la cour d'appel de Paris :


- « déclare irrecevable le recours formé par la société ENI Gas & Power contre la décision du CoRDIS du 19 septembre 2014 déférée, mais recevable son intervention volontaire à titre principal ;
- déclare recevables les demandes formées par la société ENI Gas & Power au titre de son intervention volontaire à titre principal ;
- rejette le recours de la société GrDF contre la décision du CoRDIS du 19 septembre 2014 déférée ;


Réforme la décision du CoRDIS du 19 septembre 2014 déférée, mais seulement en ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes de la société Direct Énergie ;
Statuant à nouveau sur ce point,


- enjoint à la société GrDF de mettre ses contrats d'acheminement sur le réseau de distribution (CAD) en conformité avec les principes énoncés par la décision, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, en proposant à la société Direct Énergie et à la société ENI un avenant à ce contrat d'accès au réseau prévoyant :
- que sont réputées n'avoir jamais existé entre les parties parce que contraires au code de l'énergie les clauses du contrat d'accès signé entre elles
- subordonnant l'accès à ce contrat à l'acceptation par le fournisseur de la prestation d'intermédiation et qui vont au-delà de ce qu'exige la seule signature des CSL par le client lorsque celui-ci souhaite un contrat unique ;
- imposant au fournisseur de rendre des prestations à la société GrDF dont il ne pouvait à tout le moins négocier le prix ou les conditions de réalisation, notamment, lorsque le client n'est pas en contrat écrit.
- une rémunération équitable et proportionnée au regard des coûts évités par elle des prestations accomplies pour son compte auprès des clients ;


- dit que la société GrDF ne peut conditionner l'accès au réseau de distribution à la réalisation de prestations non rémunérées par un tarif équitable et proportionné au regard des coûts évités par elle, auprès des clients finals ayant conclu un contrat de livraison directe.
- dit que ces amendements et l'offre tarifaire afférente devront être proposés dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et devront être soumis au CoRDIS dans le même délai à compter de la notification du présent arrêt ;
- enjoint à la société GrDF de verser à la société Direct Énergie une rémunération égale à celle qui sera fixée entre elles pour la gestion des clients en contrat unique avec effet à compter du 21 juin 2005 s'agissant du contrat d'accès au réseau public de distribution conclu avec la société Poweo, et à compter du 21 novembre 2008, s'agissant de celui signé avec la société Direct Énergie, avec intérêts au taux compter de la date de l'arrêt.
- rejette toute demande autre plus ample ou contraire des parties ;
- condamne la société GrDF aux dépens du recours. »


Le 2 août 2016, la société GRDF a adressé aux sociétés Direct Energie et Eni Gas & Power, ainsi qu'au CoRDiS, un projet d'avenant au CAD, en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juin 2016.
Le 1er mars 2017, la société Eni Gas & Power a indiqué à la société GRDF qu'elle entendait « obtenir la rémunération due par GRDF pour les prestations effectuées par Eni depuis la signature du CAD liant Eni à GRDF, soit le 8 septembre 2005, avec intérêt au taux légal à compter de la présente » et l'a mise en demeure de lui verser la somme de 87 765 266 euros correspondant à la rémunération des prestations rendues pour la période échue au 31 décembre 2015, sans préjudice d'actualisation pour la période du 1er janvier au 2 juin 2016.
Le 9 mars 2017, la société GRDF a répondu avoir exécuté l'injonction qui lui avait été faite par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 2 juin 2016, en proposant un avenant au contrat et l'offre tarifaire afférente. La société GRDF ajoutait que le CoRDiS avait parallèlement sollicité l'avis de la CRE s'agissant de la détermination de la rémunération des fournisseurs au titre des prestations qu'ils réalisent pour le compte des GRD auprès des clients en contrat unique.
La société GRDF indiquait enfin que « dans l'attente d'une décision du CoRDiS portant sur la conformité de l'avenant au CAD proposé par GRDF s'agissant des prestations de gestion de clientèle effectuées par les fournisseurs pour les GRD y compris du niveau de leurs rémunérations, GRDF ne saurait répondre favorablement à la demande d'Eni, étant rappelé au demeurant que l'arrêt du 2 juin 2016 ne comporte à cet égard aucune condamnation ni injonction au profit d'Eni ».


Vu la saisine, enregistrée le 15 mars 2017, sous le numéro 07-38-17, présentée par la société Eni Gas & Power France, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 451 225 692, dont le siège social est situé au 24, rue Jacques-Ibert, 92300 Levallois Perret, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Maître Florent Prunet, Cabinet Jeantet Associés AARPI, 87, avenue Kleber, 75116 Paris.
Dans ses observations, la société Eni Gas & Power indique que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 2 juin 2016 a enjoint à la société GRDF de proposer une rémunération équitable et proportionnée au regard des coûts évités par elle des prestations accomplies pour son compte auprès des clients. L'arrêt a également fixé le principe que la rémunération qui sera proposée aux fournisseurs pour le passé soit égale à celle qui sera fixée entre les parties pour l'avenir.
La société Eni Gas & Power soutient que le principe ainsi posé est simple et ne nécessite aucune interprétation : la rémunération des peines et soins pour le passé doit être fondée sur des bases totalement identiques à celles retenues pour l'avenir.
La société Eni Gas & Power fait valoir que la société GRDF a, dans sa lettre du 9 mars 2017, refusé de la rémunérer pour les prestations accomplies antérieurement à l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle ajoute que ce refus est inacceptable et que la société GRDF n'oppose aucun argument sérieux.
La société Eni Gas & Power ajoute qu'en l'absence de proposition de la société GRDF de rémunération équitable et proportionnée aux coûts évités par elle conformément aux termes de l'arrêt, elle a été conduite à procéder, à titre conservatoire, à une estimation de ces coûts sur la base de sa propre structure de coûts et à saisir le CoRDiS. Le détail de ce calcul, produit en annexe, fait apparaître un montant s'élevant à 87 765 266 euros pour la période de 2008 à 2016, sauf à parfaire et hors intérêts.
La société Eni Gas & Power demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :


- « fixer la rémunération due par GRDF à ENI au titre de peines et soins exposés pour la période échue depuis la signature du CAD, à la somme de 87 765 266 euros sauf à parfaire et hors intérêts ;
- enjoindre à GRDF de verser cette rémunération, avec intérêt au taux légal à compter de la date de la mise en demeure intervenue le 1er mars 2017. »


Vu les observations en défense, enregistrées le 29 mai 2017, présentées par la société GRDF, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 444 786 511, dont le siège social est situé 6, rue Condorcet à Paris (75009), représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Maître Roland de Moustier, cabinet Frêche & Associés AARPI, 21, avenue Victor-Hugo, 75116 Paris.
La société GRDF fait valoir qu'en application de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, tel que modifié par la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017, le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut pas adopter une décision qui produirait effet à une date qui serait antérieure de plus de deux ans à sa saisine. Celle-ci datant du 15 mars 2017, elle estime que la demande de la société Eni Gas & Power est irrecevable en ce qu'elle sollicite l'adoption d'une décision qui produirait effet à une date antérieure de plus de deux ans à sa saisine.
La société GRDF soutient à titre subsidiaire que la demande de la société Eni Gas & Power tendant à ce que la société GRDF soit...

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