Avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 26 septembre 2012 relatif à la mise en œuvre du régime de semi-liberté

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0247 du 23 octobre 2012
Date de publication23 octobre 2012
CourtCONTROLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTE
Record NumberJORFTEXT000026526691



1. La semi-liberté est une modalité particulière d'exécution de la peine. Le condamné est placé sous ce régime dans trois hypothèses : ou bien lorsque le juge qui prononce la peine le décide, lorsque celle-ci est inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement (article 132-25 du code pénal) ; ou bien, selon la même condition de durée de la peine à exécuter, lorsque le juge de l'application des peines, saisi du dossier par le parquet, décide que cette exécution doit se faire selon cette modalité (article 723-15 du code de procédure pénale) ; ou bien, enfin, lorsque ce même juge décide, en principe après débat contradictoire, qu'une détention déjà commencée peut se poursuivre sous le régime de la semi-liberté. La majorité des semi-libres proviennent ainsi directement de l'état de liberté ; les personnes précédemment incarcérées selon le droit commun sont minoritaires.
La semi-liberté est accordée à titre probatoire (par ex. Cass. crim. 2 septembre 2009). Ce qui signifie qu'elle peut être révoquée par le juge de l'application des peines lorsque son bénéficiaire n'exécute pas les obligations dont est assorti le régime. Celles-ci sont multiples (voir dans le cas de la semi-liberté exécutée dans le cadre du régime de mise à l'épreuve les articles 132-44 et 132-45 du code pénal). Elles consistent le plus souvent à fixer des horaires pendant lesquels la personne intéressée peut exercer une activité professionnelle ou rechercher du travail, en dehors desquels elle doit être présente dans l'établissement pénitentiaire, c'est-à-dire soit un centre de semi-liberté autonome, soit un quartier de semi-liberté au sein d'une prison ordinaire. Elles prennent aussi la forme d'entretiens avec les travailleurs sociaux de l'administration pénitentiaire (conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation) et, fréquemment, d'obligation de soins ou de toute autre activité d'insertion destinée à prévenir la récidive. Ces conditions paraissent légères. Elles sont, dans la pratique, très lourdes ; ce pourquoi la semi-liberté ne peut durer de facto que pendant un temps limité (quelques mois).
2. Les personnes placées dans ce régime par le juge sont donc soumises à contrainte. Elles sont écrouées et privées de leur liberté d'aller et de venir. La circonstance qu'elles disposent de possibilité de sortir à certaines heures de l'établissement ne dispense évidemment pas la puissance publique « de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec la dignité humaine » (Cour européenne des droits de l'homme, Gr. ch., 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne, n° 30210/96 ; pour une application récente de cette jurisprudence constante : Cour européenne des droits de l'homme, 3e section, 24 juillet 2012, Fülöp c/Roumanie, n° 18999/04).
3. Au 1er janvier 2012, 1 857 personnes sont placées sous ce régime. La direction de l'administration pénitentiaire recense onze centres de semi-liberté et sept quartiers de semi-liberté offrant 768 places, soit un taux d'occupation de 241 %, supérieur au taux d'occupation des établissements de droit commun. Ce taux est très vraisemblablement moindre : il existe dans beaucoup d'établissements des cellules où sont affectés des « semi-libres », qui ne sont pas au nombre des sept quartiers dûment recensés. Cette incertitude est d'ailleurs révélatrice de l'intérêt qui y est porté. En tout état de cause, le taux d'occupation est élevé. Pour augmenter les capacités disponibles, des lits ont été ajoutés : dans un centre visité de soixante-quatorze places se trouvaient cent quarante-quatre lits (soit un quasi-doublement). Il est donc banal, comme l'a constaté le contrôle général dans un établissement, de voir disposés trois lits (dont deux superposés) dans 9,14 m². Par conséquent, la semi-liberté se traduit pour beaucoup de ceux qui en bénéficient par des conditions de vie dans lesquelles l'absence d'intimité et la promiscuité sont la règle. Les dimensions des cellules interdisant d'ajouter du mobilier, par exemple, leurs occupants disposent d'une table pour trois et d'un placard, au plus deux, pour trois, d'une ou deux chaises pour trois.
De surcroît, les locaux affectés à la semi-liberté sont souvent anciens, sans avoir été rénovés. A cet égard, certains centres visités encourent des critiques constantes. Le contrôle général a été, ainsi, dans l'obligation de demander (et d'obtenir) la fermeture immédiate d'un dortoir dans lequel des fils électriques dénudés avoisinaient dangereusement l'humidité très forte des cloisons.
S'ajoute enfin la circonstance que, dans beaucoup de centres ou quartiers de semi-liberté, peu de vérifications sont faites de l'état des lieux. Dortoirs et cellules sont fréquemment dans un désordre prononcé, chaque nouveau venu s'installant, comme il le peut, dans un inconfort matériel dont les éléments sont de l'ordre du rapport de forces entre cohabitants. Cette situation s'explique bien souvent, pour les quartiers ou cellules, parce qu'aucun personnel dédié ne leur a été affecté. La semi-liberté est bien souvent laissée pour compte dans les maisons d'arrêt : aucun règlement particulier ne s'y applique...

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