Saisine du Conseil constitutionnel en date du 4 décembre 2012 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2012-659 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0294 du 18 décembre 2012
Record NumberJORFTEXT000026786183
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication18 décembre 2012




LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2013


Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui, selon eux, contrevient aux principes d'égalité, de liberté d'association, de liberté contractuelle, de non-rétroactivité des lois, de sécurité juridique, et à l'article 17 de la Déclaration de 1789.
A. ― S'agissant de l'article 12 de la loi :
Cette disposition porte sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (dite C3S), qui pèse sur les chiffres d'affaires supérieurs à 760 000 € et dont le produit est affecté aux organismes de sécurité sociale. Son taux s'établit à 0,16 %, ce qui peut sembler modeste mais qui, s'appliquant au chiffre d'affaires redéfini, représente néanmoins un rendement attendu de 55 millions d'euros.
S'agissant des sociétés d'assurances, le nouvel alinéa qui est inséré dans l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale aurait pour conséquence d'inclure notamment dans l'assiette le « résultat net positif » des opérations sur devises et des ajustements sur opérations à capital variable. Ces opérations et ajustements ont pour objet de maintenir voire augmenter la valeur des actifs que les assureurs détiennent afin de faire face aux charges prudentielles qui sont les leurs.
Pour rappel, l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale dispose que la C3S est assise sur le « chiffre d'affaires défini à l'article L. 651-5 ». Ce dernier prévoit que le chiffre d'affaires des entreprises correspond à celui déclaré à l'administration fiscale, et donc à la notion classique de chiffre d'affaires. Aux termes de l'article 222-2 du plan comptable général, « le chiffre d'affaires correspond au montant des affaires réalisées par l'entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante ».
Selon les requérants, il est donc abusif en soi de considérer comme chiffre d'affaires un chiffre derrière lequel il n'y a nulle affaire : celui résultant d'une réévaluation comptable en valeur de marché d'actifs détenus par l'entreprise dans laquelle aucune transaction d'aucune sorte n'a été réalisée avec aucun tiers, et qui se borne à actualiser une valeur.
Cette valeur évolue en fonction tant de la situation économique générale que de la situation particulière de chacun des actifs détenus. Ces évolutions peuvent se produire à la hausse comme à la baisse et prendre parfois des proportions considérables. Dans ces conditions, rien ne peut justifier que ne soit pris en compte dans l'assiette de la C3S, que le résultat net positif de ces catégories.
En effet, il suffit de prendre connaissance du tableau très éclairant qui figure dans le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat (1). Celui-ci ne porte certes que sur « l'évolution du CAC 40 et les ajustements ACAV », mais il est très illustratif du problème posé, quelles que soient les valeurs de référence, y compris étrangères au CAC 40.
Sur les cinq derniers exercices, 2006 à 2011, on constate que la valeur des ajustements ACAV nets a progressé en 2006 et 2007, connu un effondrement très brutal en 2008, rattrapé une partie de celui-ci en 2009 et 2010, avant de subir une nouvelle rechute importante en 2012.
Si, donc, la disposition contestée avait été adoptée en 2006, les assujettis auraient été taxés au titre de résultats nets positifs en 2006, 2007, 2009 et 2010, alors même que le total de ces soldes positifs est demeuré très inférieur à celui des pertes enregistrées en 2008 et 2011.
Non seulement le même type de variations peut se reproduire à tout moment dans l'avenir, mais encore les pertes de 2008 et 2011 sont très loin d'avoir été compensées. En d'autres termes, l'augmentation occasionnelle de ce chiffre d'affaires prétendu correspond en réalité à une diminution d'un appauvrissement objectivement constaté d'une année à l'autre.
Selon les requérants, ce constat signifie que les assureurs se trouveraient ainsi taxés sur une capacité contributive négative, en particulier au regard de ce que les dépenses qui sont à leur charge, latentes ou réalisées, demeurent inchangées et qu'il leur faut y faire face avec des capacités amoindries.
Si les entreprises concernées peuvent, ainsi que l'a déjà jugé le Conseil constitutionnel, présenter des « caractéristiques propres » de nature à justifier qu'elles soient soumises à « une contribution particulière » (2), il n'en demeure pas moins que, au cas présent, la C3S n'a pas d'autres objets que son rendement et son affectation. Ne poursuivant pas de finalité spécifique, elle relève donc pleinement, mais exclusivement, de l'article 13 de la Déclaration de 1789.
Or, selon le Conseil constitutionnel : « le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant les charges publiques, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de cette égalité » (3).
Donc, l'inscription dans le chiffre d'affaires du seul résultat net positif n'est ni objectif ni rationnel. Il n'est pas objectif en ceci qu'il passe délibérément sous silence cette partie essentielle de la réalité que sont les soldes négatifs des années antérieures, dont la prise en considération permettrait seule d'appréhender la situation objective de l'entreprise concernée. Il n'est pas non plus rationnel en ce qu'il ne donne qu'une mesure par définition fausse de la capacité contributive réelle de l'entreprise assujettie.
Le gouvernement en a d'ailleurs implicitement convenu en déposant lui-même un amendement, adopté par l'Assemblée nationale, qui tendait, pour les...

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