Saisine du Conseil constitutionnel en date du 26 décembre 2013 présentée par au moins soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2013-687 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0023 du 28 janvier 2014
Record NumberJORFTEXT000028527198
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication28 janvier 2014




LOI RELATIVE À LA MODERNISATION DE L'ACTION PUBLIQUE
TERRITORIALE ET D'AFFIRMATION DES MÉTROPOLES


Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Nous avons l'honneur, en application des dispositions de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de déférer au Conseil constitutionnel la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, et plus particulièrement les dispositions des articles 12, 22, 24, 26, 33, 37 et 43.
A l'appui de cette saisine, nous développons les griefs suivants.


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Sur la procédure :
Les griefs procéduraux concernent l'article 12 de la loi déférée, adopté au terme d'une procédure irrégulière. En effet, le choix du Gouvernement de procéder, par voie d'amendement, à une modification notoirement substantielle du dispositif initial, au stade de la commission des lois de l'Assemblée nationale, en première lecture, a abouti au détournement des exigences constitutionnelles applicables que sont :
― la consultation obligatoire du Conseil d'Etat ;
― la priorité sénatoriale sur les projets de loi concernant les collectivités territoriales ;
― et l'exigence de procéder à une étude d'impact.
En l'espèce, en tant qu'il porte sur la création d'une métropole de Paris, le projet de loi initialement déposé sur le bureau du Sénat, première assemblée à devoir être saisie, prévoyait la formule d'un établissement public soumis au régime des syndicats mixtes, ce qui rattachait la nouvelle entité à la catégorie des pôles métropolitains, créés par la loi n° 2010-2563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Ainsi, les dispositions relatives à cette entité, financée non par une fiscalité propre mais par la contribution des membres, figuraient dans le titre III consacré aux pôles métropolitains, au sein du livre VII relatif au syndicat mixte, de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales.
Le projet de loi tel que déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en première lecture ne comportait aucune mesure relative à la métropole de Paris, dans la mesure où le Sénat avait supprimé cet article en première lecture.
C'est donc par un amendement du Gouvernement, déposé nuitamment le 2 juillet 2013 en commission des lois de l'Assemblée nationale, que ce dispositif fut intégralement réécrit.
Et bien que votre jurisprudence constante rappelle que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », il apparaît que la nature et la portée substantielle de la réécriture de l'article 12 de la loi déférée, article qui est, en lui-même, un projet de loi à lui seul, constitue un détournement de procédure.
Il s'agit, dans la loi déférée, de prévoir la création, sous la dénomination de « métropole du Grand Paris », d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à statut particulier, soumis, en principe, au régime des métropoles de droit commun. C'est ainsi que l'article 12 de la loi déférée insère désormais un chapitre IX au sein du titre Ier, consacré aux établissements publics de coopération intercommunale, du livre II relatif à la coopération intercommunale de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales. Cette formule de coopération locale n'a rien en commun avec la formule initialement prévue par le projet de loi puisqu'elle repose non plus sur la contribution des composantes de base, appelées à former un pôle métropolitain, mais sur une fiscalité propre à la nouvelle métropole.
L'intervention en séance publique, au cours de la troisième séance du 18 juillet 2013, du député François ASENSI vient corroborer cette démonstration s'agissant de l'article 12 :
« L'article 12 concentre en lui-même la plupart des critiques que nous pouvons faire sur ce projet de loi, Il est indéfendable par la méthode qui a été mise en œuvre pour l'imposer, autant que dans son contenu. La méthode d'abord. Il n'est pas possible, dans notre pays, dans notre démocratie, d'engager un tel big bang institutionnel pour la région Ile-de-France en introduisant subitement un amendement gouvernemental à mille lieues de l'intention initiale que le Gouvernement défendait au Sénat dans son projet initial. Aucune consultation n'a eu lieu sur cet amendement. Nous avons été tout simplement baladés avec le premier projet de loi. Cet article 12 n'a pas pu être produit en si peu de temps. Le Gouvernement demande à notre assemblée, en trois jours, de supprimer les intercommunalités en petite couronne, de vider de leurs compétences les communes et de créer une institution gigantesque, couvrant 7 millions d'habitants, qui disposera de tous les leviers stratégiques, de tous les moyens nécessaires pour imposer par le haut des décisions qui auront été fixées entre techniciens. Cette raison seule suffirait pour ne pas soutenir cet article 12. »
Une telle volte-face du Gouvernement, début juillet 2013, près de trois mois après le dépôt du projet de loi, à l'occasion d'un amendement qui réécrit intégralement l'article 12 du texte, faisant le choix d'une forme inédite d'intercommunalité à statut particulier, est, d'ailleurs, reconnue par le ministre en charge de soutenir la discussion parlementaire. En témoigne la seconde séance du 16 juillet 2013, à l'Assemblée nationale :
« M. Patrick Devedjian. (...) Vous avez un argument assez faible : le Sénat a annulé le projet du Gouvernement en première lecture. Mais, madame la ministre, vous n'êtes pas revenue, ce qu'on aurait pu comprendre, à votre projet initial...
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C'est vrai !
M. Patrick Devedjian... que l'Assemblée était toute prête ― le rapporteur n'aurait demandé que cela ― à rétablir, mais, par voie d'amendements, vous avez déposé un projet nouveau. (...) Ne dites donc pas que c'est à cause du Sénat : c'est votre choix délibéré.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l'assume. »
Au final, l'amendement qui transforme la métropole du Grand Paris d'un EPCI de droit commun en un EPCI à fiscalité propre à statut particulier constitue, par lui-même, un texte entièrement nouveau. Un tel amendement dépasse largement, par sa portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement.
De fait, pour être conforme à l'alinéa 2 de l'article 39 de la Constitution, ce texte aurait dû être soumis en premier lieu au Sénat.
De fait, les exigences de précision de l'étude d'impact, annexée au projet de loi initial, telles que posées par l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, ainsi que celles relatives au recueil de l'avis du Conseil d'Etat (décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003) n'ont pas seulement été méconnues, elles ont été détournées par le Gouvernement.
Sur l'article 12 :
Selon les requérants, l'article 12 de la loi déférée viole l'article 1er de la Constitution, selon lequel l'organisation de la France « est...

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