Saisine Conseil constitutionnel en date du 26 juillet 2003 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2003-483 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°193 du 22 août 2003
Date de publication22 août 2003
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000417006



LOI PORTANT RÉFORME DES RETRAITES


Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de déférer à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi portant réforme des retraites.


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I. - Sur l'article 3 de la loi et, par voie de conséquence,
l'ensemble du texte


Cet article pose le principe que les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent.
En prescrivant cette règle, le législateur est resté en deçà de sa propre compétence et a méconnu tant l'article 34 de la Constitution que le Préambule de la Constitution de 1946. Par voie de conséquence, le principe d'égalité est méconnu.
I-1. Qu'en particulier, le onzième alinéa dudit Préambule dispose que la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
Il s'en évince que le droit à une retraite par répartition se trouve effectivement relever des principes constitutionnels s'appliquant aux droits sociaux de l'universalité des citoyens. Mais, au-delà de ce principe que l'article 1er de la loi entend rappeler, il importe de considérer que ce droit à la retraite comprend la prise en compte de la pénibilité des tâches que chacun a assumé pendant sa vie de labeur. Le lien fait, dans ce même alinéa, entre la protection du vieux travailleur, le droit à la santé, le repos, l'état physique et mental, et le droit d'obtenir une aide de la collectivité au titre de la solidarité nationale marque, on ne peut plus clairement, l'obligation qu'a le législateur, quand il met en oeuvre ce principe de valeur constitutionnelle, de prendre en compte la pénibilité des tâches assurées par les travailleurs.
Mais, la loi présentement critiquée est muette sur ce point.
I-2. Il s'ensuit que les personnes se trouvant, au jour de l'accès à la retraite, dans une situation plus défavorable du fait de la lourdeur de la tâche qu'ils ont accomplie durant leur vie de travail ne bénéficient pas du traitement adapté à la réalité objective et rationnelle de leur existence.
Ainsi, des personnes se trouvant dans des situations différentes sont traitées de manière identique, alors même que le Préambule de 1946, pris en son onzième alinéa, assigne au législateur l'obligation de prendre en compte ces différences objectives de situations.
Le principe d'égalité s'en trouve, paradoxalement, méconnu.
I-3. Ce n'est pas, sur ce point, la session de rattrapage organisée par l'article 12 de la loi, lequel prévoit que les organisations professionnelles et syndicales sont invitées à engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité du travail, qui peut suppléer au devoir qui incombe au législateur.
En tout état de cause, il est certain que l'obligation positive qui s'adresse au législateur en matière de prise en compte de la pénibilité des tâches ne peut être satisfaite par une négociation collective qui, au demeurant, n'interviendra que d'ici à plusieurs années.
Au surplus, il faudrait considérer que les résultats de cette négociation collective ne pourraient lier le Parlement quant à sa compétence pour mettre en oeuvre le onzième alinéa du Préambule de 1946.
Dans ces conditions, en ne prenant pas en compte la pénibilité des tâches comme l'y conduit pourtant les principes de valeur constitutionnelle qui viennent d'être rappelés, le législateur est resté en deçà de sa compétence. Dès lors, cette loi ne garantit pas le traitement équitable des retraités.
Il s'ensuit que la censure de cet article 3, lequel n'est pas séparable du reste du texte, entraînera nécessairement l'invalidation de l'ensemble de la loi. Il ne pourra en aller autrement dès lors que c'est tout le mécanisme de la loi qui est affecté par l'absence de prise en compte d'un critère constitutionnellement établi.


II. - Sur l'article 5 de la loi


Cet article pris en son § III précise que la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite sont majorées d'un trimestre par année pour atteindre quarante et une annuités en 2012 sauf si, au vu du rapport mentionné au § II du même article, un décret pris après avis, rendus publics, du Conseil d'orientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites modifie ces échéances.
II-1. Sur la violation de l'article 34 de la Constitution et du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 :
Un tel mécanisme méconnaît l'article 34 de la Constitution et ensemble le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel la Nation garantit, notamment aux vieux travailleurs, la sécurité matérielle, le repos et le loisir.
Qu'en effet, cet article modifiant, in fine, la durée de cotisations pour chaque travailleur et permettant d'allonger encore cette période indispensable pour faire valoir ses droits acquis à la retraite permet au pouvoir réglementaire de procéder à ces éventuelles modifications du régime des retraites.
En sorte que le Parlement est dépossédé de sa propre compétence. A cet égard, et considérant l'importance de ce mécanisme pour les travailleurs, il est certain que la modification de la durée de cotisation par la fixation du nombre d'annuités nécessaires...

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