Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°185 du 11 août 2007
Record NumberJORFTEXT000000651237
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication11 août 2007


Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, adoptée le 26 juillet 2007.
Les recours mettent en cause les articles 1er, 2, 5, 10 et 11 de la loi. Ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - Sur les articles 1er et 2


A. - Les articles 1er et 2 de la loi déférée créent dans le code pénal deux articles 132-18-1 et 132-19-1 qui prévoient, le premier pour les crimes et le second pour les délits, que ne peut être prononcée une peine privative de liberté inférieure à des seuils correspondant à des fractions déterminées des peines encourues dès lors que leurs auteurs commettent les infractions en cause en état de récidive légale.
S'agissant des crimes, le nouvel article 132-18-1 dispose toutefois, d'une part, que la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci et, d'autre part, que lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, le prononcé d'une peine inférieure à ces seuils est subordonné à la présentation de garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion.
S'agissant des délits, le nouvel article 132-19-1 prévoit que la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure aux seuils qu'il détermine ou une peine autre que l'emprisonnement dans les mêmes hypothèses que celles fixées pour les crimes. Le même article précise que la juridiction ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement en cas de nouvelle récidive pour quatre catégories de délits. Si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure aux seuils fixés.
Les députés et sénateurs requérants font valoir qu'en réduisant le pouvoir d'appréciation de la juridiction en cas de nouvelle récidive légale, le législateur aurait méconnu le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789. Ils soutiennent, par ailleurs, que les dispositions des articles 1er et 2 seraient contraires au principe de nécessité des peines contenu dans le même article 8 parce que les sanctions qu'elles prévoient seraient manifestement disproportionnées. Les parlementaires saisissants font également grief aux dispositions critiquées de porter atteinte au droit à une procédure juste et équitable et aux articles 64 et 66 de la Constitution en encadrant excessivement les pouvoirs de la juridiction. Ils reprochent enfin au législateur d'avoir méconnu l'étendue de sa compétence ainsi que le principe de légalité des délits et des peines en s'abstenant de préciser la notion de « garanties exceptionnelles ».
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter l'ensemble de ces critiques.
1. Les dispositions des articles 1er et 2 de la loi déférée qui laissent, dans tous les cas qu'ils visent, en particulier lorsque le crime ou le délit est commis une nouvelle fois en état de récidive légale, à la juridiction la faculté d'adapter la peine prononcée si certaines conditions sont réunies, ne portent pas atteinte au principe d'individualisation des peines.
a) Lorsque le crime ou le délit est commis en état de récidive légale, si les dispositions des nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal posent le principe selon lequel la peine prononcée ne peut être inférieure à des seuils déterminés, elles maintiennent néanmoins à la juridiction un large pouvoir d'appréciation dans le prononcé de la peine.
Il ressort en effet des termes mêmes des articles 1er et 2 de la loi déférée que dans un cas de récidive légale, pour les crimes comme pour les délits, la juridiction peut prononcer une peine inférieure aux seuils pour trois types de motifs : en considération de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
La peine prononcée fera ainsi, dans tous les cas, l'objet d'une appréciation de la part du juge qui pourra, par ailleurs, toujours recourir aux modes de personnalisation des peines prévus au chapitre II du titre II du livre premier du code pénal (cf. art. 132-29 à 132-47 : sursis simple, sursis avec mise à l'épreuve ou sursis assorti de l'obligation d'un travail d'intérêt général).
S'agissant des délits, la loi précise que la juridiction prononce une peine inférieure aux seuils par une décision spécialement motivée. Une telle exigence procédurale ne remet toutefois pas en cause le pouvoir d'appréciation de la juridiction. On peut relever que des exigences analogues ont déjà été instituées dans d'autres cas où le juge prend une décision dans un sens favorable au prévenu (cf. par exemple le deuxième alinéa de l'article 465-1 du code pénal, prévoyant une motivation spéciale pour écarter le mandat de dépôt de plein droit du condamné récidiviste, ou encore l'article 222-48-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui impose une décision spécialement motivée pour décider qu'il n'y a pas lieu de prononcer la mesure de suivi socio-judiciaire dans les hypothèses où elle est, en principe, obligatoire). En outre, toujours pour les délits, en cas de récidive, si le juge peut prononcer, sous réserve que les conditions rappelées plus haut sont réunies, une peine inférieure aux seuils, il dispose également de la faculté de prononcer une peine autre que l'emprisonnement, parmi celles que l'article 131-3 du code pénal prévoit en matière correctionnelle (amende, travail d'intérêt général...).
La loi déférée ne méconnaît ainsi aucunement les exigences attachées au principe d'individualisation des peines lorsqu'elle vise les crimes ou délits commis en état de récidive légale.
b) Lorsque certaines infractions sont commises une nouvelle fois en état de récidive légale, si les dispositions des articles 1er et 2 de la loi critiquée subordonnent le prononcé d'une peine inférieure aux seuils à des conditions plus strictes, qui répondent au souci d'assurer une répression effective d'infractions d'une particulière gravité et de prévenir leur réitération, elles préservent néanmoins une marge d'appréciation suffisante pour la juridiction.
Lorsqu'un crime ou certains délits d'une particulière gravité (violences volontaires, délit commis avec la circonstance aggravante de violences, agression ou atteinte sexuelle, et délit puni de dix ans d'emprisonnement) sont commis une nouvelle fois en état de récidive légale, les nouveaux articles 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal prévoient que la juridiction peut prononcer une peine inférieure aux seuils qu'ils fixent - par une décision spécialement motivée s'il s'agit d'un délit - si l'accusé ou le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. L'article 132-19-1 ajoute que, en cas de nouvelle...

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