Délibération n° 2020-101 du 1er octobre 2020 portant avis sur un projet de décret portant création d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Recensement des affaires terroristes » (RECAT) (demande d'avis n° 20003753)

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0237 du 10 octobre 2021
Record NumberJORFTEXT000044179186
Date de publication10 octobre 2021
CourtCOMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTES
Enactment Date01 octobre 2020


La Commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie par le ministre de la justice d'une demande d'avis concernant un projet de décret portant création d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Recensement des affaires terroristes » (RECAT) ;
Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données et abrogeant la décision cadre 2008/977/JAI du Conseil ;
Vu le règlement (UE) 2018/1727 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 relatif à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale ;
Vu le code pénal, notamment ses articles 421-1 à 421-8, 422-1 à 422-7 ;
Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 695-8-1, 695-8-2 et 706-16 et suivants ;
Vu la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 31-II et 89-II ;
Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 modifié pris pour l'application de la loi n° 78- 17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la délibération n° 2017-349 du 21 décembre 2017 portant avis sur un projet de décret portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « recensement des individus terroristes » (RECIT) ;


Après avoir entendu Mme Christine MAUGÜÉ, commissaire en son rapport, et M. Benjamin TOUZANNE, commissaire du Gouvernement, en ses observations,
Emet l'avis suivant :
Le projet de décret soumis pour avis à la Commission doit permettre au parquet général de Paris et au parquet national antiterroriste (PNAT) de recenser l'ensemble des procédures judiciaires suivies sous une qualification terroriste ainsi que l'ensemble des personnes mises en cause dans ces affaires. Il vise ainsi à mettre à la disposition du ministère de la justice une base de données exhaustive relative à ces procédures et à permettre de procéder à certains recoupements utiles à l'exercice et à la conduite de l'action publique ainsi qu'à extraire des données statistiques fiables.
La Commission relève qu'un tel projet est justifié par le développement du contentieux pris en charge par le pôle juridictionnel spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et institué à Paris (procureur de la République national antiterroriste, pôle de l'instruction, tribunal correctionnel de Paris, cour d'assises de Paris) disposant, en application de l'article 706-17 du code de procédure pénale (CPP), d'une compétence concurrente à celle dévolue aux juridictions de droit commun pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes de terrorisme et des infractions connexes mentionnées à l'article 706-16 du même code. Cette compétence concurrente se traduit dans les faits par une compétence nationale exclusive du parquet antiterroriste et des magistrats instructeurs antiterroristes de Paris pour le traitement des crimes et délits terroristes les plus graves, étant précisé que cette centralisation se poursuit au stade de l'exécution de la peine. Ce traitement doit permettre au ministère de disposer d'éléments chiffrés suffisamment précis et détaillés concernant le traitement judiciaire du contentieux terroriste, ce que ne permettraient pas les autres bases de données du ministère.
La Commission observe que le présent projet de décret vise à tenir compte d'un certain nombre d'observations formulées dans le cadre de sa délibération n° 2017-349 du 21 décembre 2017 susvisée, en particulier s'agissant de la dénomination du projet qui apparaissait comme inappropriée au regard des finalités du traitement dans la mesure où, contrairement à ce que semblait indiquer les termes « recensement des individus terroristes », le traitement doit réunir des informations relatives à l'ensemble des personnes mises en cause dans le cadre d'une procédure y compris lorsque la procédure a abouti à un classement sans suite, un non-lieu, un acquittement ou une relaxe. Il vise également à adapter le texte réglementaire à de nouvelles évolutions, notamment celles liées à la nécessité de faire évoluer le traitement pour le rendre accessible à Eurojust.
Dans la mesure où le traitement « RECAT » est notamment mis en œuvre à des fins de faciliter le suivi par le PNAT et le parquet général de Paris des procédures judiciaires comportant une infraction qualifiée de terroriste, d'assurer le recoupement des informations dans le cadre de la direction des enquêtes et de fiabiliser les données et le partage d'informations avec les directions du ministère de la justice et le bureau français d'Eurojust, il relève du champ d'application de la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 susvisée (ci-après « la directive ») et doit être examiné au regard des dispositions des articles 87 et suivants de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.
La Commission rappelle qu'elle devra être tenue informée, dans les conditions prévues à l'article 33-II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, de toute modification substantielle affectant les caractéristiques du traitement.
Sur les conditions générales de mise en œuvre du dispositif :
En premier lieu, la Commission souligne qu'elle avait considéré dans sa délibération n° 2017-349 précitée que, au regard des finalités du traitement, la responsabilité de celui-ci devrait être expressément confiée au parquet de Paris et non à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice. Elle prend acte des précisions apportées par le ministère selon lesquelles la responsabilité du traitement « RECAT » est confiée à la DAGC et non au PNAT et que « cette organisation ne remet pas en cause les prérogatives attachées au statut des magistrats du parquet » dans la mesure où « si le procureur de la République antiterroriste assure la mise en mouvement et l'exercice de l'action publique dans les procédures terroristes concernées par le traitement RECAT, il met en œuvre la politique pénale définie par les instructions générales du ministère de la justice », qui sont élaborées par la DACG. Le ministère indique également que le groupe de travail à l'origine de la création du traitement a été initié par la DACG qui « a décidé l'architecture générale du traitement et ses caractéristiques » et que « le PNAT n'est que l'utilisateur du traitement ».
En deuxième lieu, la Commission prend acte des précisions apportées par le ministère selon lesquelles un contrôle est réalisé par le référent « Informatique et libertés » de la DACG afin qu'il « s'assure que les informations enregistrées dans RECAT sont pertinentes au regard des finalités assignées au traitement » et qu'il dispose, à cet effet, d'un accès à l'ensemble des données du traitement en consultation. Le cas échéant, il pourra solliciter auprès du PNAT ou du parquet général de Paris l'effacement des données non pertinentes. Il sera également chargé de vérifier que les habilitations délivrées par le PNAT ou le parquet général de Paris à des personnels n'ayant plus le droit de connaître des informations contenues dans le traitement ont bien été supprimées. Elle prend également acte que ce référent « Informatique et Libertés » n'exercera aucun contrôle sur l'exercice, par les magistrats du parquet général ou du PNAT, de leurs missions ou sur le suivi des enquêtes, dont il n'est pas informé. Elle considère...

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