Délibération n° 2011-036 du 10 février 2011 portant avis sur un projet de décret relatif au système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France et à certains documents de voyage pour étrangers (saisine n° AV 10021783)

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0134 du 10 juin 2011
Date de publication10 juin 2011
Enactment Date10 février 2011
CourtCOMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTES
Record NumberJORFTEXT000024148296



La commission nationale de l'informatique et des libertés,
Saisie par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, d'une demande d'avis concernant un projet de décret relatif au système informatisé de gestion des dossiers (les ressortissants étrangers en France et à certains documents de voyage pour étrangers ;
Vu la convention n° 108 du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et la libre circulation de ces données ;
Vu le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 modifié établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers ;
Vu le règlement (CE) n° 2252/2004 du Conseil du 13 décembre 2004 modifié établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents (le voyage délivrés par les Etats membres ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment ses articles L. 611-3 et L. 611-5 ;
Vu le code de procédure pénale, et notamment ses articles 78-2 et 78-3 ;
Vu le code du travail, et notamment son article L. 5411-4 ;
Vu le code de la sécurité sociale, et notamment son article L. 115-6 ;
Vu le code des douanes, et notamment son article 67 quater ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données â caractère personnel, et notamment son article 27 ;
Vu la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 modifiée relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, et notamment son article 9 ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi du 6 janvier 1978, modifiée par la loi n° 2004-810 du 6 août 2004 ;
Après avoir entendu M. Sébastien HUYGHE, commissaire, en son rapport, et Mme Elisabeth ROLIN, commissaire du Gouvernement, en ses observations,
Emet l'avis suivant :
La commission a été saisie par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration d'une demande d'avis concernant un projet de décret relatif au système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France et à certains documents de voyage pour étrangers.
Ce projet de décret vise notamment à remplacer les dispositions réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) concernant les traitements dénommés « AGDREF » (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France) et « ELOI » relatif aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, dont les fonctionnalités seront réunies dans une nouvelle application dénommée « AGDREF 2 ».
Il devrait permettre des évolutions majeures du traitement AGDREF, devenu largement obsolète, et qui constitue l'outil principal de gestion administrative des étrangers et de production des titres de séjour. Ce projet de décret vise ainsi à faire application des dispositions de l'article L. 611-3 du CESEDA, qui prévoient la possibilité de relever et d'enregistrer dans un traitement de données à caractère personnel les empreintes digitales et la photographie des ressortissants étrangers sollicitant la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que des étrangers en situation irrégulière en France ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. L'article L. 611-5 dudit code prévoit en outre qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, fixe les modalités d'application de ces dispositions.
Conformément aux dispositions communautaires susvisées, cette application devrait également permettre la délivrance de titres de séjour biométriques, ainsi que de titres de voyage biométriques pour réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire et apatrides, lorsque ces titres ont une durée de validité supérieure à un an.
La création du traitement AGDREF 2 devrait par ailleurs permettre la mise en relation de tous les services de l'Etat et organismes rattachés intervenant dans la gestion administrative des étrangers, afin que les informations nécessaires à cette gestion soient mieux partagées entre les acteurs concernés. Les évolutions projetées visent ainsi à moderniser et à améliorer le fonctionnement de ce fichier de référence en matière d'étrangers, qui concerne environ sept millions de personnes.
Enfin, ce projet de décret modifie les dispositions applicables en matière d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, afin d'y permettre la mise en place d'AGDREF 2.
Dans la mesure où ce traitement fait notamment appel à un dispositif biométrique, la commission considère que sa création relève des dispositions de l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.
1. Sur les finalités du traitement AGDREF 2 :
Le projet d'article R. 611-1 du CESEDA précise les finalités du traitement AGDREF 2, qui relève du ministère chargé de l'immigration. La commission observe tout d'abord que certaines de ces finalités sont inchangées par rapport au système actuel, comme le traitement des dossiers des ressortissants étrangers et la fabrication des titres de séjour et de voyage, ainsi que la production de statistiques en matière de séjour et d'éloignement des étrangers. Elle prend également acte que le traitement vise à mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et à lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, conformément aux dispositions de l'article L. 611-3 du CESEDA. La commission considère en outre comme légitimes la simplification des démarches administratives effectuées par les étrangers et l'amélioration de la coordination des services intervenant dans le cadre de la gestion de leurs dossiers.
Elle relève que la finalité de suivi et de mise en œuvre des mesures d'éloignement, qui matérialise l'intégration des fonctionnalités du traitement ELOI, constitue une évolution importante du traitement. A cet égard, la commission rappelle que la décision n° 312051 du 30 décembre 2009 du Conseil d'Etat a annulé les dispositions réglementaires relatives au traitement ELOI permettant l'enregistrement du numéro AGDREF des étrangers concernés, au motif que la pertinence et l'adéquation de cette donnée aux finalités du traitement n'étaient pas établies.
Il convient cependant d'observer que nombre de mesures d'éloignement ont pour origine une décision en matière de séjour, de sorte que ces deux catégories de décision, qui relèvent d'une compétence unique exercée par les principaux utilisateurs du système, les préfectures procèdent de la même finalité de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France. C'est pourquoi la commission prend acte de cette nouvelle finalité du traitement AGDREF 2.
2. Sur les traitements biométriques projetés :
(a) Sur la généralisation des éléments biométriques dans le cadre de la gestion administrative des étrangers.
A titre liminaire, la commission rappelle que le traitement des données biométriques des ressortissants étrangers a été expressément autorisé par le législateur. En effet, les articles L. 611-3 et L. 611-6 du CESEDA disposent que les empreintes digitales et la photographie des catégories suivantes de ressortissants étrangers peuvent être « relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé » : les demandeurs d'un titre de séjour, les étrangers en situation irrégulière en France, ceux qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire, les personnes qui ne remplissent pas les conditions d'entrée sur le territoire, les bénéficiaires de l'aide au retour, ainsi que les demandeurs d'un visa.
La commission rappelle qu'elle considère que les éléments biométriques peuvent avoir des avantages réels pour la vérification de l'identité des personnes et de l'authenticité des documents dont elles sont titulaires. Cependant, il convient que les traitements biométriques mis en œuvre soient entourés de strictes garanties du point de vue de la protection des données personnelles. C'est d'ailleurs pourquoi le législateur a également prévu que ces traitements doivent être mis en œuvre « dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 », et que les modalités d'application de ces dispositions soient fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.
Dès lors, la commission considère qu'elle a toute légitimité pour apprécier les modalités précises de mise en œuvre des traitements de données biométriques prévus par le CESEDA, comme elle l'a d'ailleurs déjà fait s'agissant des traitements VISABIO (demandeurs de visa), FNAD (étrangers non admis à la frontière) et OSCAR (bénéficiaires de l'aide au retour). Elle observe en outre que la mise en œuvre du traitement AGDREF 2 permettra la généralisation de l'utilisation des empreintes digitales dans le cadre de la gestion administrative des étrangers, dans la mesure où ce traitement concerne les trois autres catégories de ressortissants étrangers mentionnées à l'article L. 611-3 du CESEDA.
C'est pourquoi la commission rappelle à nouveau que la collecte des empreintes digitales n'est pas toujours physiquement possible, ni exploitable. Elle rappelle également que toute comparaison biométrique comporte inévitablement des taux de fausses acceptations et de faux rejets, qui doivent impérativement être pris en compte dès lors qu'il s'agit d'utiliser la biométrie pour assurer l'identification des personnes, et en particulier dans le cadre de traitements concernant un nombre important de personnes.
De façon générale, cette spécificité des empreintes digitales impose d'apprécier, avec une...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT