Décision no 99-423 DC du 13 janvier 2000

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°16 du 20 janvier 2000
Enactment Date13 janvier 2000
Date de publication20 janvier 2000
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000398196

DECISION N°99-423 DC DU 13 JANVIER 2000
LOI RELATIVE A LA REDUCTION NEGOCIEE DU TEMPS DE TRAVAIL
1 - Sur les griefs tirés de la violation de l'article 34 de la constitution
a - Les griefs relatifs à l'incompétence négative du législateur
Les requérants soutiennent que le législateur serait resté en deçà de sa compétence, en étant insuffisamment précis dans certaines dispositions de la loi :
Le IV de l'article 1 soumettait la présentation d'un plan social à un préalable nouveau : avoir conclu un accord de réduction du temps de travail ou, à défaut, "avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord". Faute d'avoir précisé le contenu exact de cette obligation et les effets juridiques qu'il attachait à son inobservation, le législateur n'a pas exercé pleinement sa compétence. Cette disposition est donc déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
L'article 17 distinguant les actions de formation qui font partie du temps de travail effectif et hors travail effectif, n'encourt pas la même censure.
L'article 19 est relatif aux conditions dans lesquelles, les entreprises qui appliquent un accord collectif fixant la durée collective du travail et s'engagent dans ce cadre à créer ou à préserver des emplois, vont pouvoir bénéficier d'allégement de cotisations sociales. Cet article n'est pas davantage contraire à la Constitution. En effet, même s'il renvoit à un décret en Conseil d'Etat la fixation des modalités de suspension ou de suppression du bénéfice de l'allégement, il détermine les principes qui président au respect de l'accord.
b - Les autres griefs tirés de la violation de l'article 34 de la Constitution.
Les sénateurs saisissant soutiennent que le Parlement se serait dessaisi de son pouvoir budgétaire; or les dépenses relatives à la loi déférée ont été prises en compte par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et par la loi de finances pour 2000.
Le moyen tiré de la violation de l'exigence constitutionnelle de clarté de la loi, par les requérants, manque en fait.
Enfin, le V de l'article 32 relatif au SMIC et au complément différentiel de salaire oblige le gouvernement à arrêter les mesures nécessaires pour que le complément différentiel de salaire ne produise plus effet au 01/07/2005. Il ne s'agit pas, comme le soutiennent les sénateurs saisissant, d'une injonction inconstitutionnelle adressée au Gouvernement s'agissant de la mise en œuvre du pouvoir réglementaire d'exécution des lois prévu par l'article 34 de la Constitution.
2- Sur les griefs tirés de la violation de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
Les requérants soutiennent que la loi déférée aurait méconnu à divers titres l'article 4 de la DDHC :
a - La méconnaissance de la liberté d'entreprendre
Les articles 2, 3, 4, 5, 8, 9, 11, 17 et 19 de la loi réduiraient de façon disproportionnée la capacité productive de chaque salarié et entraîneraient un rationnement excessif de la capacité productrice des entreprises. De plus, la mise en œuvre de la réduction du temps de travail imposerait une immixtion abusive de tiers dans le fonctionnement des entreprises (art 19 et 20).
Cependant, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre les limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles, tant qu'elles n'en dénaturent pas la portée. L'article 34 de la Constitution confie au législateur la détermination des principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Ainsi le législateur a mis en œuvre, en les conciliant les exigences ci-dessus rappelées et cette conciliation n'est entachée d'aucune erreur manifeste. Et le Conseil constitutionnel estime que les mesures prises ne portent pas une atteinte à la liberté d'entreprendre telle qu'elle en dénaturerait la portée.
b - L'atteinte à la liberté des salariés
Le grief selon lequel, la loi et notamment son article 5 porterait atteinte à la liberté personnelle du salarié, manque en fait ; les dispositions critiquées n'ayant ni cet objet, ni cet effet.
c - L'atteinte à la liberté contractuelle
Selon les requérants, la loi et principalement son article 28 porterait à la liberté contractuelle une atteinte incompatible avec l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et avec le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
En effet la loi déférée remettrait en cause les accords conclus à l'instigation même de la loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail. Bien que plusieurs modifications apportées au code du travail confortent ces accords, à l'inverse d'autres modifications font obstacles à certaines de leurs clauses, alors même que, lors de la conclusion de ces accords, ces clauses ne méconnaissait pas les conséquences prévisibles de la réduction à 35 heures par semaine de la durée du travail et ne contrevenaient non plus à aucune disposition législative en vigueur.
Ainsi, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions (soit le II de l'article 28, le V de l'article 8, le sixième alinéa du I de l'article 17) s'opposant précisément au maintient en vigueur jusqu'à leur terme des accords conclus en application de la loi du 13 juin 1998. Leurs clauses prévaudront en tant que de besoin sur les dispositions contraires à la loi déférée.
3- Sur les griefs tirés de la violation du principe d'égalité
Les auteurs des deux saisines font valoir que la loi déférée porterait atteinte, à divers titres, au principe d'égalité :
a - Concernant la différence de traitement entre les entreprises
Il y aurait une discrimination injustifiée entre les entreprises pour l'obtention du bénéfice de l'allégement de cotisations sociales dans la mesure où certaines d'entre elles seraient dans l'impossibilité de conclure un accord sur la durée du temps de travail, faute d'interlocuteur habilité à conclure. Mais le Conseil constitutionnel décide que la conclusion de cet accord est facilitée par les procédures de l'article 19 de la loi.
Le grief tiré de l'absence éventuelle de contrepartie pour certaines entreprises bénéficiant de l'allégement de cotisations sociales ne peut davantage être retenu, compte tenu de l'existence d'autres causes de suspension ou de suppression du dit bénéfice.
D'autre part, l'exclusion du dispositif susvisé de certains organismes publics est justifiée à raison de leur spécificité.
b - Concernant la différence de traitement entre les salariés
Celle-ci résulterait en premier lieu, du dispositif transitoire retardant l'assujettissement aux 35 heures pour les entreprises employant au moins 20 salariés. Mais le Conseil constitutionnel souligne que le délai octroyé tient compte des difficultés propres à la gestion du personnel de telles entreprises.
La garantie de rémunération instaurée par l'article 32 encourrait le même grief. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Ainsi, la disposition qui exclue du bénéfice de la garantie certains salariés déjà employés à temps partiel lors de la réduction de la durée collective du travail est contraire à la Constitution (troisième alinéa du II de l'article 32).
Selon le Conseil constitutionnel, l'article 5 de la loi déférée, instaurant une différence de régime de rémunération des heures supplémentaires selon que le salarié est employé dans une entreprise soumise aux 35 heures (ou en dessous) ou non, est contraire au principe d'égalité. En effet cette différence de traitement repose sur une circonstance étrangère à la volonté comme au comportement individuels du salarié. La censure du Conseil constitutionnel a pour effet d'égaliser la bonification et de supprimer la taxation des heures supplémentaires. Sont donc déclarés contraires à la Constitution, le troisième alinéa du V de l'article 5, les alinéas 1 à 6 du I de l'article L.212-5 du code du travail dans sa rédaction issue du II de l'article 5, le deuxième alinéa du I de l'article L.212-5, le III de l'article V, le troisième alinéa de l'article 25 et le premier alinéa du I de l'article 992-2 du code rural dans sa rédaction issue du V de l'article 33 ainsi que les alinéas 2 à 6.

LOI RELATIVE A LA REDUCTION NEGOCIEE

DU TEMPS DE TRAVAIL

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 16 décembre 1999, par MM. Henri de Raincourt, Charles-Henri de Cossé-Brissac, François Trucy, Jean-Paul Emin, Ambroise Dupont, Jean-Claude Carle, Jean-François Humbert, Philippe Nachbar, Mme Janine Bardou, MM. James Bordas, Louis Boyer, Nicolas About, Jean-Léonce Dupont, Mme Anne Heinis, MM. Christian Bonnet, Serge Mathieu, Jean-Paul Emorine, Roland du Luart, José Balarello, Jean Boyer, Henri Revol, Jean-Pierre Raffarin, Hubert Falco, Jean Clouet, Jacques Dominati, Marcel-Pierre Cléach, Jean Pépin, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Louis Grillot, Bernard Plasait, Xavier Pintat, Jean Delaneau, Louis Althapé, Paul Blanc, Gérard Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Auguste Cazalet, Gérard César, Jean Chérioux, Jean-Patrick Courtois, Robert Del Picchia, Charles Descours, Alain Dufaut, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Hilaire Flandre, Bernard Fournier, Philippe François, Yann Gaillard, Philippe de Gaulle, Patrice Gélard, Francis Giraud, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Alain Joyandet, Patrick Lassourd, Dominique Leclerc, Guy Lemaire, Paul Masson, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Peyrat, Victor Reux, Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, Serge Vinçon, Guy Vissac, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré...

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