Décision n° 2023-31 ELEC du 29 septembre 2023

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0229 du 3 octobre 2023
Enactment Date29 septembre 2023
Date de publication03 octobre 2023
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000048140060


(OBSERVATIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL RELATIVES AUX ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DES 12 ET 19 JUIN 2022)


L'article 59 de la Constitution donne compétence au Conseil constitutionnel pour statuer, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs. Sur ce fondement, le Conseil a été saisi, à la suite des élections législatives de juin 2022, de 99 réclamations formées par des candidats ou des électeurs, ainsi que de 430 saisines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Bien que la loi ne lui impose aucun délai, le Conseil constitutionnel s'est fixé pour objectif de traiter ce contentieux le plus rapidement possible. Il a procédé à l'examen de ces réclamations et saisines en trois étapes et a ainsi jugé :


- dès juillet et août 2022, les 57 réclamations (rejetées par 47 décisions portant le cas échéant sur plusieurs requêtes) qui ne nécessitaient pas d'instruction contradictoire, dès lors qu'elles étaient irrecevables ou qu'elles ne contenaient que des griefs ne pouvant manifestement pas avoir d'influence sur les résultats de l'élection (1) ;
- de septembre 2022 à février 2023, les 42 réclamations soumises à instruction contradictoire (cinq décisions portant le cas échéant sur plusieurs requêtes). Dans cette série, il a annulé les opérations électorales dans sept circonscriptions (2), ce qui a conduit à l'organisation d'élections partielles ;
- de mars à juillet 2023, les 430 saisines de la CNCCFP (3).


Le Conseil constitutionnel a procédé à l'audition des parties dans onze affaires.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a mis en œuvre à deux reprises le second alinéa de l'article 16-1 de son règlement applicable à la procédure suivie pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Il a ainsi rejeté, sans instruction contradictoire préalable, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l'article 33 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 dont il était saisi à l'occasion de la contestation d'une élection (4) et, pour la première fois lors de ces élections, une QPC soulevée à l'occasion d'une saisine par la CNCCFP sur des dispositions prises dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19 (5).
A l'issue de ce contentieux, le Conseil constitutionnel a estimé nécessaire, comme par le passé, de formuler des observations.


1. La campagne électorale et les opérations de vote


A. - Dans l'ensemble, les griefs relatifs à la campagne électorale invoqués dans les requêtes étaient assez classiques. Tel a été le cas, par exemple, des contestations relatives aux affiches (problèmes d'apposition en dehors des emplacements spéciaux réservés par l'autorité municipale, de dégradation [6]), aux circulaires (« professions de foi » [7]) ou aux tracts (8).
S'agissant, en particulier, de l'utilisation par certains candidats d'un véhicule comportant un affichage électoral, le Conseil constitutionnel a rappelé dans plusieurs décisions qu'une telle pratique est, en l'état du droit, contraire aux exigences de l'article L. 51 du code électoral (9). Même si, dans chacune des affaires concernées, il a conclu à l'absence d'altération de la sincérité du scrutin compte tenu de l'absence d'éléments susceptibles d'attester du caractère massif, prolongé ou répété de cette pratique et du nombre de voix obtenues par chacun des candidats (10), le Conseil constitutionnel relève qu'un tel affichage donne lieu à des difficultés récurrentes au cours de la campagne électorale. Le législateur pourrait en conséquence s'interroger sur l'opportunité de préciser les dispositions applicables à l'affichage électoral et, le cas échéant, de prévoir un régime particulier pour l'affichage des véhicules.
Par ailleurs, dans le prolongement des scrutins de 2012 et 2017, le Conseil constitutionnel a pu constater que l'usage d'internet, notamment des réseaux sociaux, était de nature à favoriser la diffusion à un large public de messages de propagande à l'approche du scrutin, en méconnaissance de l'article L. 49 du code électoral (11). Le Conseil a, par exemple, jugé dans une affaire que la diffusion, le jour du premier tour de scrutin, de messages sur le réseau social Twitter appelant à voter en faveur d'un des candidats, n'avait pas eu d'influence sur les résultats de l'élection, eu égard à l'absence de caractère massif de la diffusion et du nombre de voix obtenues par chacun des candidats (12). Il a au contraire pris en compte, comme élément justifiant l'annulation de l'élection dans une autre circonscription, au regard de l'écart de voix constaté, la circonstance que des sympathisants du candidat élu avaient diffusé le jour du second tour de scrutin, sur divers réseaux sociaux, des messages appelant à voter pour ce candidat, et ce alors que les auteurs de certains de ces messages se prévalaient de leur qualité d'élu municipal ou se présentaient comme relayant des consignes de vote d'autorités religieuses. Eu égard à leur contenu et au moment de leur diffusion, ces messages ont été regardés comme susceptibles d'avoir influencé le vote d'un nombre significatif d'électeurs (13).
D'autres griefs ont porté sur l'affiliation politique des candidats. Comme lors du scrutin de 2017, de telles contestations ont été favorisées par les débats autour du rattachement allégué de certains candidats à la majorité présidentielle. Dans ce contexte, le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante en la matière : « S'il appartient au juge de l'élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l'investiture des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de cette investiture au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques ». Pour apprécier l'incidence des faits dénoncés sur la sincérité du scrutin, le Conseil a classiquement tenu compte, pour chaque espèce, de circonstances telles que le comportement du candidat mis en cause, la manière dont avaient été relayées dans la presse les informations relatives à l'investiture et aux soutiens politiques des candidats durant la campagne ainsi que la connaissance qu'avaient les électeurs de la situation électorale (14).
A la différence de ce qu'il avait relevé lors de l'examen du contentieux des élections législatives de 2017, le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi de nombreux griefs concernant l'acheminement et la réception par les électeurs des documents de propagande électorale (bulletins de vote ; circulaires ou « professions de foi ») pour le scrutin de 2022. Dans un département cependant, le Conseil a eu à connaître du cas d'un candidat, éliminé au premier tour de scrutin, qui faisait valoir qu'aucun bulletin à son nom n'était présent dans les bureaux de vote situés sur le territoire de la commune de Toulouse, alors qu'il avait fourni à la préfecture de la Haute-Garonne 20 000...

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