Décision n° 2013-028 du 3 décembre 2013 portant sur la demande formée par Euro Cargo Rail dans le cadre d'un différend l'opposant à Réseau ferré de France relatif aux conditions d'allocation des voies de service et à la tarification de leur usage

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0081 du 5 avril 2014
Record NumberJORFTEXT000028823644
Date de publication05 avril 2014
CourtAUTORITE DE REGULATION DES ACTIVITES FERROVIAIRES
Enactment Date03 décembre 2013


L'Autorité de régulation des activités ferrovières (ci-après « l'Autorité »),
Vu la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen ;
Vu le code des transports ;
Vu le règlement intérieur du collège de l'Autorité ;
Vu la demande de règlement d'un différend, présentée par la société Euro Cargo Rail (ci-après dénommée « ECR »), société par actions simplifiée au capital de 3 399 222 euros, dont le siège social est situé 25-29, place de la Madeleine, à Paris (75008), inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 480 890 656, représentée par Mes Sylvain Justier et Amélie Le Provost, de la SELARL Magenta, enregistrée le 24 juillet 2013 ;
Vu les observations en défense présentées par Réseau ferré de France (ci-après dénommé « RFF »), établissement public national à caractère industriel et commercial, dont le siège est situé 92, avenue de France à Paris (75013), inscrit au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 412 280 737, représenté par Mes Philippe Hansen et Thierry Dal Farra, de la SCP UGGC, enregistrées le 20 septembre 2013 ;
Vu les demandes d'information en date du 9 octobre 2013 adressées par le rapporteur à Infrarail et Fret SNCF ;
Vu la mesure d'instruction n° 1 du rapporteur en date du 9 octobre 2013 adressé, à ECR et à RFF ;
Vu les observations en réplique d'ECR, enregistrées le 15 octobre 2013 ;
Vu la mesure d'instruction n° 2 en date du 17 octobre 2013 ;
Vu la première partie des réponses d'ECR à la mesure d'instruction n° 1 du rapporteur, enregistrées le 22 octobre 2013 ;
Vu les réponses de RFF à la mesure d'instruction n° 1 du rapporteur, enregistrées le 24 octobre 2013 ;
Vu les réponses de Fret SNCF et Infrarail aux demandes d'information du rapporteur, enregistrées le 24 octobre 2013 ;
Vu la seconde partie des réponses d'ECR à la mesure d'instruction n° 1 du rapporteur, enregistrées le 28 octobre 2013 ;
Vu la pièce complémentaire présentée par ECR, enregistrée le 6 novembre 2011 ;
Vu les nouvelles observations en défense de RFF, enregistrées le 7 novembre 2011 ;
Vu les observations en duplique d'ECR, enregistrées le 15 novembre 2011 ;
Vu les nouvelles observations en défense de RFF, enregistrées le 21 novembre 2011 ;
Vu le courriel d'ECR reçu le 22 novembre 2013 ;
Vu le rapport d'instruction ;
Sur la publicité de l'audience, les parties ne s'étant pas opposées à ce que l'audience soit publique, l'audience a été publique.
Après avoir entendu lors de l'audience jointe du 26 novembre 2013, par M. Pierre Cardo, président, Mme Anne Bolliet et MM. Jean-François Bénard, Dominique Bureau, Henri Lamotte, Michel Savy et Daniel Tardy, membres du collège de l'Autorité :
― l'exposé des moyens et conclusions des parties par M. Matthieu Poujol, rapporteur ;
― les observations de Me Sylvain Justier et des représentants d'ECR ;
― les observations de Me Philippe Hansen et des représentants de RFF.
Le collège en ayant délibéré le 26 novembre 2013, hors la présence du rapporteur, du secrétaire général et des agents de l'Autorité (hors ceux désignés conformément au règlement intérieur pour assurer le secrétariat du délibéré), adopte, concernant la demande de règlement de différend, la décision sur les motifs de fait et de droit ci-après exposés.



I. ― Présentation du contexte
Le droit de l'Union européenn


Le délai de transposition de la directive 2012/34/UE n'étant pas encore écoulé, les dispositions nouvelles de cette dernière ne peuvent être directement appliquées par l'Autorité.
Cependant, toutes les autorités nationales ― dont l'ARAF ― doivent s'abstenir, au cours de la période de transposition, d'adopter des décisions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive (1).
Il en résulte que l'Autorité est tenue de prendre en compte, dans son raisonnement, les objectifs de la directive 2012/34 afin de ne pas compromettre la mise en œuvre de cette dernière.
(i) La transparence complète et le caractère non discriminatoire de l'accès aux installations de services figuraient parmi les objectifs de la directive 2001/14/CE. Ils sont repris par la directive 2012/34/UE.
Le considérant n° 34 de la directive précise : « Afin d'assurer la transparence et un accès non discriminatoire aux infrastructures ferroviaires et aux services dans les installations de service pour toutes les entreprises ferroviaires, toutes les informations requises pour exercer les droits d'accès devraient être publiées dans un document de référence du réseau. »
Les installations de services concernées par cette obligation sont listées à l'annexe II, point 2, de la directive. Sont notamment visées « c les gares de triage et les gares de formation, y compris les gares de manœuvre ».
L'objectif de transparence s'applique également à la tarification de l'accès aux infrastructures de services.
Le paragraphe 6 de l'annexe IV de la directive relative à la définition du contenu du DRR précise à cet égard que le DRR comporte « un chapitre contenant des informations sur l'accès aux installations de service visées à l'annexe II et la tarification de leur utilisation ».
En outre, l'article 31, paragraphe 2, de la directive confirme l'objectif de transparence en précisant que « le gestionnaire de l'infrastructure et l'exploitant d'installation de service sont en mesure de prouver aux entreprises ferroviaires que les redevances d'utilisation de l'infrastructure et des services réellement facturées à l'entreprise ferroviaire en application des articles 30 à 37 sont conformes à la méthodologie, aux règles et, le cas échéant, aux barèmes définis dans le document de référence du réseau. »
(ii) La gestion efficace des infrastructures de services fait également partie des objectifs de la directive 2012/34.
Le considérant n° 71 souligne ainsi la nécessité « d'inciter, par des mesures d'encouragement, les gestionnaires de l'infrastructure à réduire les coûts et à gérer leur infrastructure de manière efficace ».
De même, le considérant n° 76 souligne que « la gestion efficace et l'utilisation équitable et non discriminatoire de l'infrastructure ferroviaire exigent la mise en place d'un organisme de contrôle chargé de surveiller l'application des règles de la présente directive et d'agir comme organisme de recours, sans préjudice de la possibilité d'un contrôle juridictionnel ». Il revient donc à l'ARAF de veiller à une gestion efficace de l'infrastructure.


Le droit national


En application de l'article L. 2122-5 du code des transports, « le gestionnaire de l'infrastructure publie chaque année un document de référence du réseau qui décrit les caractéristiques de l'infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires, les tarifs des prestations offertes, les règles de répartition des capacités ainsi que les informations nécessaires à l'exercice des droits d'accès au réseau ».
L'article 1er du décret 2012-70 dispose que « les entreprises ferroviaires et les candidats autorisés au sens de l'article 19 du décret du 7 mars 2003 (...) se voient proposer de manière transparente et non discriminatoire l'accès par le réseau aux infrastructures de services mentionnées à l'article L. 2122-9 du code des transports, qui comprennent :
(...)
c) Les gares de triage ou de formation des trains ».
S'agissant des aspects tarifaires, l'article 3 du décret n° 2012-70 dispose :
« La fourniture des prestations régulées donne lieu à la perception d'une redevance liée au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réel. Le montant de chaque redevance peut être modulé, en tenant compte de la situation de la concurrence et dans des conditions transparentes et non discriminatoires, pour tenir compte, selon la prestation régulée :
a) Du type de convoi, notamment de sa capacité d'emport ou de sa longueur ;
b) Du type de service de transport qu'assure le convoi ;
c) Du nombre de voyageurs susceptibles de bénéficier de la prestation ;
d) De la période horaire d'utilisation ;
e) Du délai entre la demande et la date prévue de fourniture de la prestation ;
f) De la quantité de marchandises exprimée en unités de transport intermodal ou en tonnes. »


II. ― Présentation des faits et des demandes
A. ― Les faits


ECR exerce ses activités dans la gare de triage de Gevrey depuis le début de l'horaire de service 2012. Compte tenu de sa situation centrale sur le territoire national, ce site est privilégié par la société requérante car il constitue le principal nœud des transports qu'elle assure pour son client (...) (2). A partir de l'horaire de service 2014, ECR envisage d'étendre son activité (...) (3). La réussite de ce projet suppose un accès suffisant au site de Gevrey.
Cependant, ECR estime que ses demandes d'accès aux voies de service situées sur la gare de triage de Gevrey n'ont jamais été pleinement satisfaites par RFF, obérant ainsi le développement de ses activités.


1. La procédure d'allocation des voies de service


L'horaire de service 2012 :
RFF a alloué à ECR, le 17 mai 2011, les voies suivantes (PJ 5 de la saisine) :
― huit voies sur le faisceau réception ;
― vingt et une voies sur le faisceau triage ;
― deux voies sur le faisceau formation ;
― deux voies sur le faisceau départ ;
― quatre voies sur les faisceaux relais ;
― la voie n° 61 bis.
Cette allocation ne correspondait que partiellement aux demandes initiales d'ECR au titre de cet horaire de service. En effet :
― RFF n'a alloué que des voies du faisceau triage côté nord, alors qu'ECR avait demandé les voies côté sud. Ces dernières sont restées allouées à Fret SNCF ;
― RFF a refusé d'accorder l'accès à ECR aux voies 32 à 35. ECR avait sollicité l'accès à ces voies afin de disposer d'un itinéraire de secours en cas de situation dégradée (en particulier en cas d'impossibilité de passer par les aiguilles de tête de faisceau côté bosse B) ce qui lui a été refusé au motif d'une « coactivité trop marquée dans la zone » (PJ 5 de la saisine).
Par courrier en date du 31 mai 2011 (PJ 6 de...

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