Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 30/01/2017, 394686, Inédit au recueil Lebon

Judgement Number394686
Record NumberCETATEXT000033958351
Date30 janvier 2017
CounselSCP SPINOSI, SUREAU
CourtCouncil of State (France)
Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 394686, par une requête, enregistrée le 19 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Cimade, le Groupe accueil et solidarité, le Groupe d'information et soutien des immigrés, l'association Dom'asile et la Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 394770, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 novembre 2015, 23 février 2016, 5 et 9 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Service Jésuite pour les Réfugiés, M. C...et Mme B...A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 53-1 ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Cimade et autres, et du Service Jésuite pour les Réfugiés et autres ;






1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a modifié certaines dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du code de justice administrative relatives à l'accès à la procédure d'asile, aux modalités d'examen des demandes d'asile et au droit au maintien du demandeur d'asile sur le territoire national ; que le décret attaqué, du 21 septembre 2015, pris pour l'application de certaines des dispositions ainsi modifiées, modifie notamment les dispositions réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux modalités d'examen des demandes d'asile présentées sur le territoire national, à la frontière et en rétention, aux règles en matière d'accès à la procédure d'asile et au droit au maintien du demandeur d'asile sur le territoire national et les conditions d'accueil ou d'hébergement des demandeurs d'asile ; que, sous le n° 394686, l'association La Cimade, le Groupe accueil et solidarité, le Groupe d'information et soutien des immigrés, l'association Dom'asile et la Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s, et, sous le n° 394770, le Service Jésuite pour les Réfugiés, M. C...et Mme B...A...demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ;

En ce qui concerne l'article 2 qui précise les modalités d'examen des demandes d'asile présentées à la frontière :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 2 du décret attaqué : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui se présente à la frontière disposera des informations nécessaires lui permettant d'accéder à la procédure d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'information sur le droit de demander l'asile serait limitée aux seules personnes faisant l'objet d'une décision administrative de maintien en zone d'attente manque en fait ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies [relatives à la procédure de détermination de l'Etat membre responsable]. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément (...) " ; que les associations requérantes ne soutiennent pas que les cas dans lesquels l'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut, lorsque l'examen de la demande d'asile présentée à la frontière relève de la compétence d'un autre Etat membre, se dispenser d'un entretien personnel ne correspondent pas aux cas de dispense prévus par ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le décret attaqué de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'article 7 qui précise les modalités d'examen des demandes d'asile présentées en rétention par un étranger en instance d'éloignement :

5. Considérant, en premier lieu, que la compatibilité d'une disposition législative avec les stipulations d'un traité international ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre un acte réglementaire que si ce dernier a été pris pour son application ou si elle en constitue la base légale ; que les dispositions de l'article 7 sont prises pour l'application des dispositions de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non pour l'application des dispositions de l'article L. 551-3 du même code, lesquelles n'en constituent pas la base légale ; qu'il suit de là que les associations requérantes ne peuvent utilement invoquer, par la voie de l'exception, l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les objectifs de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées n'imposent pas de formalisme particulier dans la présentation de la demande d'asile ; qu'au demeurant, la circonstance que le demandeur d'asile utiliserait un formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne saurait être regardée comme incompatible avec les objectifs de l'article 6 de la directive 2013/32/UE relatif à l'enregistrement des demandes d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile réserve la possibilité de maintenir un demandeur d'asile en rétention au seul cas où " la demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement " ; que le second alinéa du I de l'article R. 723-4 de ce code...

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