CAA de PARIS, 8ème chambre, 15/05/2023, 21PA02856, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LE GOFF
Judgement Number21PA02856
Record NumberCETATEXT000047563245
Date15 mai 2023
CounselCABINET FREGET GLASER & ASSOCIES
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Total Direct Energie a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 500 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité des arrêtés des 21 décembre 2009, 9 décembre 2010, 27 juin 2011, 29 septembre 2011, 22 décembre 2011, 18 juillet 2012 et 26 septembre 2012 par lesquels les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont fixé les tarifs réglementés de vente du gaz naturel applicables pour les années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n°s 1707292/2-1, 1707294/2-1, 1707295/2-1 du 30 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

La société Total Direct Energie a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 491 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité des arrêtés des 13 août 2009, 12 août 2010, 28 juin 2011, 20 juillet 2012, 26 juillet 2013 et 28 juillet 2014 par lesquels les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont fixé les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables pour les années 2010, 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n°s 1707298/2-1, 1707299/2-1 du 30 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I/ Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 mai 2021, 4 août 2021 et 7 juillet 2022 sous le n° 21PA02856, la société Total Direct Energie, représentée par Mes Glaser, Perrotet et Fréget, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement nos 1707292/2-1, 1707294/2-1, 1707295/2-1 du 30 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 800 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'arrêté du 21 décembre 2009 par lequel les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont fixé les tarifs réglementés de vente du gaz naturel applicables à compter du 1er janvier 2010 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 700 000 euros en réparation des préjudices résultant des arrêtés des 9 décembre 2010, 27 juin 2011 et 29 septembre 2011 par lesquels les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont fixé les tarifs réglementés de vente du gaz naturel applicables pour l'année 2011 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 19 000 000 euros en réparation des préjudices résultant des arrêtés des 22 décembre 2011, 18 juillet 2012 et 26 septembre 2012 par lesquels les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont fixé les tarifs réglementés de vente du gaz naturel applicables pour l'année 2012 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une contradiction de motifs ;
- il méconnaît le droit à un recours effectif, les droits de la défense et le principe d'effectivité du droit de l'Union Européenne.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- le non-respect de la couverture des coûts complets méconnaît le droit de la concurrence et constitue une illégalité qui établit l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, d'un dommage et d'un lien de causalité ;
- les arrêtés en litige ont placé l'opérateur historique en situation d'abuser automatiquement de sa position dominante par la mise en œuvre de prix prédateurs, d'un " ciseau tarifaire " et de barrières à l'entrée et à l'expansion ;
- les illégalités fautives commises par l'Etat lui ont causé un préjudice direct et certain consistant en une perte de recettes, un manque à gagner futur et des surcoûts ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de l'Etat est susceptible d'être engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques en raison du préjudice anormal et spécial causé par les arrêtés en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2022 à 12h.

II/ Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 mai 2021, 4 août 2021 et 7 juillet 2022 sous le n° 21PA02857, la société Total Direct Energie, représentée par Mes Glaser, Perrotet et Fréget, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement nos 1707298/2-1, 1707299/2-1 du 30 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 900 000 euros assortie des intérêts au taux légal en vigueur et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices résultant des arrêtés des 13 août 2009 et 12 août 2010 par lesquels les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont fixé les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables pour l'année 2010 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 290 200 000 euros assortie des intérêts au taux légal en vigueur et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices résultant des arrêtés des 12 août 2010, 28 juin 2011, 20 juillet 2012, 26 juillet 2013 et 28 juillet 2014 par lesquels les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont fixé les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables pour les années 2011, 2012 et 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une contradiction de motifs ;
- il méconnaît le droit à un recours effectif, les droits de la défense et le principe d'effectivité du droit de l'Union Européenne.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
- les arrêtés du 12 août 2010 et du 28 juin 2011 sont illégaux en ce que les tarifs qu'ils prévoient ne permettent pas d'assurer la couverture des coûts complets d'EDF ;
- le non-respect de la couverture des coûts complets méconnaît le droit de la concurrence et constitue une illégalité qui établit l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, d'un dommage et d'un lien de causalité ;
- les arrêtés en litige ont placé l'opérateur historique en situation d'abuser automatiquement de sa position dominante par la mise en œuvre de prix prédateurs, d'un " ciseau tarifaire " et de barrières à l'entrée et à l'expansion ;
- ils méconnaissent le principe de contestabilité des tarifs ;
- les illégalités fautives commises par l'Etat lui ont causé un préjudice direct et certain consistant en une perte de recettes, un manque à gagner futur et des surcoûts ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de l'Etat est susceptible d'être engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques en raison du préjudice anormal et spécial causé par les arrêtés litigieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2022, le ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables pour leur part excédant le montant réclamé dans la requête introductive d'instance.
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2022 à 12 h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;
- la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;
- la directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 ;
- le code de commerce ;
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;
- la loi n° 2003-8 du janvier 2003 ;
- la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 ;
- le décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêt du 7 septembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne rendu dans l'affaire C-121/15 " ANODE " ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, président assesseur,
- les conclusions de Mme. Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Fréget, avocat de la société Total Direct Energie.

Une note en délibéré a été enregistrée le 26 avril 2023 pour la société Total Direct Energie.

Considérant ce qui suit :

1. Les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont, en application de l'article 5 du décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, fixé les tarifs réglementés de vente du gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de la société GDF Suez, applicables pour les années 2010, 2011 et 2012 par sept arrêtés des 21 décembre 2009, 9 décembre 2010, 27 juin 2011, 29 septembre 2011, 22 décembre 2011, 18 juillet 2012 et 28 septembre 2012. Le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par la décision n° 353356 du 10 juillet 2012, la décision n° 352206, 363571, 362165 et 362774 du 30 janvier 2013 et la décision n° 357037 du 2 octobre 2013 annulé partiellement ou en totalité les arrêtés des 27 juin 2011, 29 septembre 2011, 22 décembre 2011, 18 juillet 2012 et 28 septembre 2012 au motif qu'ils prévoyaient une évolution insuffisante de ces...

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