CAA de PARIS, 4ème chambre, 30/06/2023, 22PA04993, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme HEERS
Record NumberCETATEXT000047783346
Judgement Number22PA04993
Date30 juin 2023
CounselSEP USANG CERAN-JERUSALEMY
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'une part, d'annuler la décision du 28 janvier 2022 par laquelle le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a rejeté sa demande d'indemnisation présentée en qualité de victime des essais nucléaires et, d'autre part, de condamner l'Etat à réparer ses préjudices.

Par un jugement n° 2200133 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2022, Mme D... B... épouse A..., représentée par Me Usang, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 000 de francs CFP au titre des préjudices subis ;
4°) d'ordonner une expertise médicale en vue d'évaluer ses préjudices ;
5°) à titre subsidiaire de lui verser, à titre de provision, une somme de 20 000 000 de francs CFP à valoir sur les préjudices subis ;
6°) de mettre à la charge du CIVEN la somme de 250 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :

- elle répond aux conditions de temps, de lieu et de pathologie posées par la loi du 5 janvier 2010 ;
- le CIVEN, en lui opposant qu'elle a reçu une dose interne et externe inférieure à
1 mSv (millisievert), n'apporte pas la preuve de ce que sa maladie résulterait d'une cause exclusivement étrangère aux rayons ionisants des essais nucléaires ;
- le CIVEN ne peut se prévaloir des dispositions du 3° de l'article L. 1333-2 ni de l'article R. 1333-11 du code de la santé publique dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables en Polynésie française ;
- les doses d'exposition inférieures à 1 mSv qui lui sont opposées ne reposent sur aucune preuve scientifique, alors que le tableau communiqué le 4 novembre 2016 par le chef du département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires, le rapport du ministère de la défense sur la dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie et le rapport de la commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD) publié en 2006 démontrent que les doses reçues par la population polynésienne ont largement dépassé cette limite ; le rapport de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de 2014 relève que le taux d'irradiation était de 6 mSv au sommet du mont Taitaa à Tubuai (Australes) en 2013 et que la concentration des isotopes 238, 239 et 240 du plutonium restent stables dans le temps ; de plus, une enquête journalistique et une enquête de l'institut national de de la santé et de la recherche médicale (INSERM) tendent à démontrer que les populations polynésiennes ont été exposées à des rayons ionisants à des doses bien supérieures à 1 mSv ;
- les données du rapport de l'Agence internationale pour l'énergie atomique ne sont pas irréfutables dès lors que cette dernière ne donne aucune garantie et n'assume aucune responsabilité en ce qui concerne les données contenues dans son rapport " la dimension radiologique des essais nucléaires français " ; ainsi la méthode retenue par le CIVEN est contestable ;
- le CIVEN prend des décisions incohérentes en traitant différemment des personnes placées dans la même situation.


Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, le CIVEN conclut, à titre principal au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée en vue de l'évaluation des préjudices subis.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 16 janvier 2023, Mme B... épouse A..., représentée par Me Usang, demande à la Cour de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée par la loi du 28 février 2017 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Elle soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le principe de responsabilité.
Par des observations en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité, enregistrées le 10 mars 2023, le CIVEN demande à la Cour de ne pas faire droit à la transmission demandée.
Il soutient que :
- les dispositions contestées ne sont pas applicables au litige ;
- la question est dépourvue de caractère sérieux.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique
n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-955 QPC du 10 décembre 2021 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;
- la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ;
- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;
- la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 ;
- le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers, présidente,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse A... a présenté, le 3 juin 2021, une demande...

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