CAA de BORDEAUX, 6ème chambre (formation à 3), 27/05/2019, 17BX00972, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LARROUMEC
Judgement Number17BX00972
Record NumberCETATEXT000038511509
Date27 mai 2019
CounselCLERC
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la délibération n° 2013-3-9 du 20 décembre 2013 par laquelle le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne a approuvé, à compter du 1er février 2014, la modification des dispositions de son règlement intérieur relatives au régime du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels travaillant en service de garde.

Par un jugement n° 1401195 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 2017 et 18 juillet 2018, le Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2017 du tribunal administratif de Limoges ;


2°) d'annuler la délibération n° 2013-3-9 du 20 décembre 2013 du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne susmentionnée ;


3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas tardive dès lors qu'en admettant que le courrier du 4 avril 2014 dont le SDIS se prévaut devrait s'analyser comme une décision explicite de rejet de son recours gracieux du 19 février 2014, ce courrier ne comportait pas la mention des voies et délais de recours ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté comme inopérants l'ensemble des moyens tirés relatifs à la méconnaissance, par la délibération litigieuse, de diverses dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du droit interne, au motif que le Conseil d'État aurait jugé, dans sa décision n° 375534 du 3 novembre 2014, que le décret n° 2013-1186 modifiant le décret n° 2001-1382 était conforme à ladite directive ;
- en effet, quand bien même le décret n° 2001-1382 a été considéré comme légal dans cette nouvelle rédaction, il n'en demeure pas moins que le SDIS 87 en fait une application qui, elle, s'avère incompatible avec ladite directive, laquelle demeure d'effet direct, sachant que les autorités déconcentrées ou décentralisées de l'État ne peuvent invoquer la conformité de leurs décisions à une règle nationale pour exclure tout grief d'incompatibilité de ces décisions à une directive réputée d'effet direct ;
- à cet égard, le SDIS tente d'imposer aux agents travaillant en service " logé ", c'est-à-dire qui bénéficient d'un logement en caserne, un certain nombre de gardes supplémentaires, sous la forme d'astreintes, en ne les incluant pas dans le décompte du temps de travail effectif au sens du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, afin d'éviter d'excéder les seuils européens relatifs à la durée hebdomadaire de travail maximum définis notamment à l'article 6 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;
- or un tel procédé apparaît illégal dès lors que, en premier lieu, le domicile où se trouve le sapeur-pompier se confond en l'espèce avec le lieu de travail de sorte que l'agent se trouve alors à la disposition permanente et immédiate de son employeur au sens de l'article 2 du décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 et sans pouvoir véritablement vaquer à des occupations personnelles, à l'instar des agents de garde, en deuxième lieu, la CJUE a considéré, dans un arrêt Dellas du 1er décembre 2005 et une ordonnance du 4 mars 2011 n° C-258-10 Grigore, que le facteur déterminant pour déterminer si le travailleur accomplit une période de travail réside dans le fait qu'il soit contraint d'être physiquement présent au lieu déterminé par l'employeur et de s'y tenir à sa disposition pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin, la cour ayant précisé que ce n'est que si l'agent peut quitter l'enceinte de son lieu de travail qu'il y a temps de repos, et, en troisième lieu, la fixation de cycles de travail supérieurs à 12 heures, par application de l'article 3 du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, repose sur la notion de " temps de présence " et s'entend de la présence en caserne, de sorte que l'astreinte casernée constitue bien un temps de présence à inclure dans le décompte du temps d'équivalence ;
- ainsi, l'administration du SDIS s'estime en droit d'exiger que l'agent accomplisse plus de 2 256 heures de gardes par an, soit en l'espèce 2 640 heures par an ;
- il convient de relever que, dans un arrêt C-518 /15 Ville de Nivelle c/ Rudy Matzak, la Cour de justice de l'Union européenne, confirmant que le facteur déterminant pour la qualification de " temps de travail ", au sens de la directive 2003/88, réside dans le fait que le travailleur est contraint d'être physiquement présent au lieu déterminé par l'employeur et de s'y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin, a considéré qu'il convenait d'interpréter la notion de " temps de travail ", prévue à l'article 2 de la directive 2003/88, dans le sens qu'elle s'applique à une situation dans laquelle un travailleur se trouve contraint de passer la période de garde à son domicile, de s'y tenir à la disposition de son employeur et de pouvoir rejoindre son lieu de travail dans un délai de huit minutes ;
- à cet égard, quand bien même la notion de temps de travail en droit interne français serait-elle différente sur certains points, et notamment la définition entre temps d'astreinte et temps de travail, c'est bien la notion communautaire qu'il convient d'appliquer dans la présente instance puisqu'est en cause la sanction du non-respect des prescriptions minimales de la directive ;
- ainsi qu'il l'a exposé en première instance, la délibération litigieuse méconnaît l'article 16 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 fixant la période de référence au titre de laquelle s'apprécie le respect des durées maximales hebdomadaires de travail, dans la mesure où, ainsi que le prévoit son article 17§3 c), ce n'est qu'en contrepartie de l'octroi de repos compensateurs ou d'une protection renforcée que la période de référence d'une durée maximale de quatre mois peut être portée à six mois pour certaines activités, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que les prétendues contreparties invoquées par le SDIS 87 ne sont que des dispositions d'ordre général et non des contreparties spécifiques ;
- cette même délibération méconnaît l'article 8 de cette directive, qui prévoit que le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne doit pas dépasser huit heures en moyenne par période de 24 heures, dès lors que le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, qui sont des travailleurs de nuit au sens de l'article 2 a) de ladite directive, excède largement cette durée maximale lorsqu'ils travaillent sous forme de gardes de 12 heures ou 24 heures, sans que, là encore, des contreparties spécifiques sous forme de repos compensateur soit accordées aux agents, sachant que la seule interruption de travail pour une durée égale faisant suite à chaque garde ne saurait constituer une telle contrepartie ;
- elle méconnaît l'article 3 de ladite directive relatif à l'amplitude journalière maximale du travail, qui prévoit que chaque période de 24 heures doit inclure une période minimale de repos de 11 heures consécutives, toute dérogation étant subordonnée à l'octroi de périodes équivalentes de repos compensateur ;
- c'est également à tort que le tribunal a écarté les moyen tiré de ce que la délibération litigieuse méconnaît l'article 1er du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 compte tenu de la confusion qu'elle opère entre, d'une part, la période de décompte du temps de travail annuel, qui ne peut s'effectuer comme en l'espèce sur la base d'une semestrialité appliquée aux 1er février et 1er août de chaque année et, d'autre part, la période de référence destinée au contrôle du respect de la durée maximale de travail hebdomadaire, laquelle constitue une période dite " glissante " qui ne peut servir de base au décompte du temps de travail en tant que telle ;
- cette même délibération viole l'article 3 du décret du 25 août 2000 relatif à la limite de temps de travail hebdomadaire de 44 heures en moyenne sur une période quelconque de 12 semaines, toute dérogation portant cette durée maximum de travail hebdomadaire à 48 heures devant faire l'objet de contreparties spécifiques, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels exerçant à temps partiel n'a pas davantage été pris en considération ;
- la délibération litigieuse méconnaît les dispositions du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatives aux droits à congés annuels ainsi que le droit aux congés supplémentaires dits de fractionnement et le droit à la réduction du temps de travail, dès lors que le fractionnement du décompte du temps de travail sur deux semestres, en exploitant pratiquement toute la durée de travail maximum permise par la directive 2003/88/CE, rend impossible la faculté pour les agents, d'une part, de s'absenter jusqu'à 31 jours consécutifs et, d'autre part, d'effectuer des heures supplémentaires, puisque le nombre d'heures de garde annuelles effectuées au titre de la durée normale de service exploite pratiquement la totalité de la durée du travail maximum ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le SDIS 87 pouvait fixer un régime de temps de travail prévoyant...

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