Le nouveau droit du changement de régime matrimonial

AuteurPar Stéphane Piedelièvre
Fonction Professeur à l'Université de Paris 12
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Dans le vaste mouvement de réforme qui agite depuis quelques années, le droit patrimonial de la famille, la modification de l'article 1397 du Code civil n'est peut être pas celle qui a été le plus médiatisée, même s'il a immédiatement retenu l'attention des professionnels 1 . La modification essentielle est due à la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Son but essentiel était de supprimer le contrôle judiciaire. L'idée était assez ancienne 2 . On reprochait à cette procédure sa lenteur et son coût. On faisait également valoir qu'il existait désormais une inégalité entre l'époux français et les époux étrangers dont le régime matrimonial présentait un élément d'extranéité, puisque l'article 1397-3 les dispense de cette formalité. La suppression de principe de cette procédure aura comme conséquence corrélative un accroissement du rôle du notaire au cours de cette procédure qui verra son devoir de conseil s'accentuer dans des domaines où règne une certaine incertitude.

La procédure législative n'a pas été en ce domaine exempte de toute critique. Le nouvel article 1397 du Code civil prévoyait qu' « à peine de nullité, l'acte notarié contient la liquidation du régime matrimonial modifié ». Certains s'étaient émus de cette disposition en indiquant que la liquidation devait intervenir uniquement lorsqu'elle est nécessaire 3 . Le législateur a été sensible à cet argument et, à l'occasion de la loi portant réforme de la protection des majeurs du 5 mars 2007, il a en quelque sorte parachevé son oeuvre, ou peut être ajouté un nouvel élément d'incertitude, en ajoutant que la liquidation devait intervenir « si elle est nécessaire ».

On peut s'interroger sur les raisons de cette moindre médiatisation de la procédure du changement de régime matrimonial. Il est possible d'avoir une vision en quelque sorte minimaliste et considérer que finalement la réforme ne bouleverse pas les principes essentiels existant jusque là. L'essentiel serait que désormais il est possible de se passer d'un avocat. La meilleure preuve en est que l'intérêt de la famille est toujours la condition du changement, que l'on retrouve toujours le délai de deux ans. La règle de l'immutabilité du changement de régime matrimonial subsiste.

Si l'on veut continuer dans ce domaine, pourquoi ne pas dire que le changement de régime matrimonial a perdu une partie de son utilité. Au plan civil, on sait que le principal apport loi du 3 décembre 2001 tient à l'adoption d'une nouvelle conception de la famille et que cette loi a fait du conjoint survivant, toujours un héritier un peu à part dans la logique du droit des successions, mais de premier rang. Et que pire au plan fiscal ! La prochaine disparition annoncée des droits de mutation entre époux devrait sonner le glas de cette technique.

Malgré tout, cette vision minimaliste ne doit pas prospérer, en raison du caractère beaucoup trop réducteur de l'affirmation suivant laquelle le changement de régime matrimonial a pour objectif de favoriser le conjoint survivant et de ne pas payer de droits de mutation. La réforme du droit du changement de régime matrimonial doit être placée dans une optique beaucoup plus large qui est celle du nouveau droit patrimonial de la famille qui englobe aussi bien le droit des régimes matrimoniaux que celui des successions et des libéralités. L'évolution de la composition des patrimoines et la transformation des structures familiales imposaient cette retouche.

Il importe d'envisager les nouvelles conditions du changement de régime matrimonial (I), avant de préciser ses modalités de mise en oeuvre (II).

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I Les nouvelles conditions du changement de régime matrimonial

Le droit des successions et des libéralités a vu un net recul de l'ordre public. L'une des innovations les plus importantes de la réforme des successions a consisté à permettre un pacte sur succession future en autorisant un héritier réservataire à renoncer par avance à sa part de réserve. Le but de ce nouveau principe est d'encourager les règlements familiaux. Cette idée est également très présente dans le droit des libéralités avec les donations-partages transgénérationnelles. Il importait que ce recul de l'ordre public et cette avancée du contractuel se retrouve dans le changement de régime matrimonial.

Il s'opère par un recul du judiciaire et par une mise en avant du rôle du notaire. Cette nouvelle fonction aura corrélativement pour conséquence une aggravation de sa responsabilité, puisqu'il n'y aura plus toujours d'homologation judiciaire dont le rôle était de constater que le changement de régime respectait l'intérêt de la famille. Le nouvel article 1396 alinéa 3 du Code dispose désormais que « le mariage célébré, il ne peut être apporté de changement au régime matrimonial que par l'effet d'un jugement à la demande de l'un des époux dans le cas de la sépa- ration de biens ou des autres mesures judiciaires de protection ou par l'effet d'un acte notarié, le cas échéant homo- logué, dans le cas de l'article suivant ».

Jusqu'alors cet article disposait que « le mariage célébré, il ne peut être apporté de changement au régime matrimonial que par l'effet d'un jugement à la demande de l'un des époux dans le cas de la séparation de biens ou des autres mesures judiciaires de protection, soit à la requête des deux époux, ou par l'effet d'un acte notarié, le cas échéant homologué, dans le cas de l'article suivant ».

Malgré tout, le judiciaire n'est jamais loin, puisque l'homologation judiciaire réapparaît en cas d'opposition des enfants majeurs de chaque époux, minorité de l'un des enfants des époux ou comportement frauduleux à l'encontre des créanciers. Le législateur a créé en quelque sorte un changement de régime matrimonial à deux vitesses. On a une procédure de droit commun dans laquelle le juge n'intervient plus et une procédure plus exceptionnelle où l'homologation judiciaire est encore nécessaire.

A La procédure de...

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