Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 22/07/2022, 451653, Inédit au recueil Lebon

Judgement Number451653
Date22 juillet 2022
Record NumberCETATEXT000046082443
CourtCouncil of State (France)
Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 13 avril 2021, 15 juillet 2021 et 8 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association La Quadrature du Net demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-148 du 11 février 2021 portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l'exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la relance de procéder à la suppression des données traitées depuis l'entrée en vigueur de ce décret, sous astreinte de 1 024 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne des questions suivantes :
- " La collecte généralisée et indifférenciée, par une administration de données, dont des données à caractère personnel sensibles et le contenu de correspondances, sur l'unique critère que ces données ont été manifestement rendues publiques, aux fins de détection automatisée de manquements aux règles fiscales n'est-elle pas incompatible avec l'article 4 de la directive 2016/680 lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 de la charte des droits fondamentaux ' " ;
- " La collecte généralisée et indifférenciée, par une administration, de données, dont des données à caractère personnel sensibles et le contenu de correspondances, sur l'unique critère que ces données ont été manifestement rendues publiques, aux fins de conception d'outils de détection automatisée de manquements aux règles fiscales n'est-elle pas incompatible avec l'article 5 du règlement 2016/679 lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 de la charte des droits fondamentaux ' " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 096 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- le code de la consommation ;
- le code des douanes ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme B... de Moustier, rapporteure publique ;




Considérant ce qui suit :

1. L'article 154 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a autorisé à titre expérimental, pour une durée de trois ans, la mise en œuvre, par l'administration fiscale et l'administration des douanes et droits indirects, pour les besoins de la recherche de certaines infractions pénales et de certains manquements susceptibles de donner lieu au prononcé de sanctions administratives en matière fiscale ou douanière, d'un dispositif de collecte et d'exploitation automatisé des contenus librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation.

2. L'association La Quadrature du Net demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 11 février 2021 portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l'exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne, pris pour l'application de cet article 154.

Sur le cadre juridique applicable au décret attaqué :

3. Le décret attaqué autorise deux catégories de traitements de données à caractère personnel distinctes. D'une part, ses articles 4 et 5 définissent, respectivement pour la direction générale des finances publiques et pour la direction générale des douanes et droits indirects, les modalités de mise en œuvre des traitements de la phase dite d'apprentissage et de conception, dont le but consiste à développer des outils de collecte, de nettoyage et d'analyse des données afin d'identifier les titulaires des comptes et pages internet et de modéliser et d'identifier les agissements susceptibles de révéler la commission des infractions et manquements mentionnés au I de l'article 154 de la loi du 28 décembre 2019. D'autre part, ses articles 6, 7 et 8 définissent, pour les mêmes administrations, les modalités de mise en œuvre des traitements pendant la phase dite d'exploitation, qui consiste à déployer les outils conçus lors de la première phase en vue de collecter sur les plateformes, de sélectionner et de qualifier les données pertinentes afin de recueillir des indices destinés à être exploités par les services compétents pour la recherche de ces infractions et manquements.

4. En premier lieu, il résulte des dispositions des I et II de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés que les traitements de données à caractère...

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