CAA de PARIS, 4ème chambre, 17/02/2023, 14PA02419

Presiding JudgeM. EVEN
CounselCUATRECASAS,GONCALVES PEREIRA,SLP
Record NumberCETATEXT000047191654
Date17 février 2023
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Judgement Number14PA02419
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNCF a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement les sociétés Hoffmann et Co. Elektrokohle AG, Mersen S.A., Morgan advanced materials PLC, Schunk GmbH, Schunk Kohlenstofftechnik GmbH, SGL Carbon SE, Mersen France Amiens S.A.S., Morgan Carbon France et Schunk Electrographite à lui verser la somme de 14 200 000 euros, à parfaire, en réparation des préjudices résultant, pour elle, des pratiques anticoncurrentielles de ces sociétés.

Par un jugement nos 1308641 - 1301400/3-1 du 1er avril 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête n°14PA02419 et des mémoires enregistrés les 2 juin 2014, 4 juillet 2014, 19 juin 2015, 13 septembre 2016, 7 octobre 2016, 12 janvier 2017, 13 janvier 2017, 9 février 2017, 13 février 2017, 28 février 2017 et 7 septembre 2018, SNCF Mobilités, qui a repris les droits de l'établissement public Société nationale des chemins de fer français (SNCF) en ce qui concerne l'exploitation des trains, à compter du 1er janvier 2015, représentée par Me Celaya, a demandé à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté sa demande au motif qu'elle n'aurait pas justifié de l'existence d'un préjudice réel et certain directement lié au comportement anticoncurrentiel des sociétés intimées sanctionnées par la décision de la Commission européenne du 3 décembre 2003 ;

2°) de déclarer les sociétés intimées solidairement responsables des préjudices subis par SNCF Mobilités du fait des surcoûts payés sur ses achats de produits en conséquence de leur entente anticoncurrentielle tant auprès des sociétés intimées que de sociétés étrangères à l'entente sanctionnée ;

3°) à titre principal, de condamner les sociétés intimées, solidairement, à lui verser la somme de 9 118 044 euros représentant le montant de son préjudice ;

4°) subsidiairement, de désigner un expert pour une plus complète information de la Cour avec pour mission de chiffrer le préjudice subi par SNCF Mobilités du fait du surcoût payé sur ses achats de balais et bandes en carbone tant auprès des sociétés intimées que de sociétés étrangères au cartel ;

5°) de mettre à la charge des sociétés intimées, solidairement, une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens.

Par un arrêt avant dire droit du 13 juin 2019, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris nos 1308641-1301400/3-1 du 1er avril 2014 et, avant de statuer sur l'évaluation du préjudice subi par SNCF Mobilités, a ordonné qu'il soit procédé à une expertise afin d'évaluer les surcoûts subis par la SNCF au cours de la période de responsabilité sur la base d'une estimation par extrapolation des données disponibles concernant ses achats de balais et de bandes d'usure en carbone et graphite pour les pantographes de ses trains, réalisés auprès des sociétés appartenant au cartel, de leurs filiales et d'autres fournisseurs, en comparant les coûts supportés sur ces deux catégories de produits et ceux qui auraient dû l'être en l'absence d'entente.

L'expert a déposé son rapport le 15 juillet 2020, complété par des observations le 13 janvier 2021et le 24 février 2021.

Saisi de pourvois présentés par les sociétés Mersen et Mersen France Amiens, Morgan Carbon France, Morgan Advanced Materials PLC, Schunk Kohlenstofftechnik GmbH, Schunk GmbH, Schunk Carbon Technology et Schunk Hoffmann Carbon Technology, SGL Carbon SE, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision n°432981, 433423, 433477, 433563, 433564 du 12 octobre 2020, annulé l'arrêt du 13 juin 2019 en tant qu'il retient la responsabilité de la société Morgan Carbon France pour la période antérieure à l'année 1997 et a renvoyé, dans la mesure de la cassation prononcée, l'affaire devant la Cour.

II) Par des mémoires, enregistrés sous le n°21PA01276, le 20 novembre 2020, le 8 février 2021 et le 3 mai 2021, SNCF Voyageurs venant aux droits de SNCF Mobilités ci-après dénommée la SNCF, représentée par Me Celaya, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la Cour :

1)° de condamner les sociétés intimées, autres que Morgan Carbon France, solidairement, à lui verser la somme de 9 118 044 euros au titre de la réparation de son préjudice en retenant le taux d'intérêt légal capitalisé dès la date du dommage ;

2°) de condamner la société Morgan Carbon France, solidairement avec les autres sociétés intimées, à hauteur de la somme de 3 024 449 euros du préjudice ;

3°) de condamner les sociétés intimées, solidairement, à lui verser une somme de 250 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens.

La SNCF soutient que :

- le rapport final de l'expert comporte plusieurs erreurs qui n'apparaissaient pas dans le pré-rapport
et qui entrainent une réduction du montant du préjudice de la SNCF ;
- le rapport, contrairement au pré-rapport, supprime de l'assiette du dommage subi par la SNCF les achats de bandes effectués auprès de la société Hoffmann avant le 28 septembre 1994, date à laquelle la Commission fait débuter sa participation au cartel, alors qu'il n'y a pas lieu d'écarter " l'effet d'ombrelle " pour la société Hoffmann qui est acquise pour tous les fournisseurs sur le marché ;
- il convient donc d'intégrer dans l'évaluation du préjudice de la SNCF le montant des achats à la société Hoffmann antérieurs à 1994 soit 1 724 331 euros correspondant à un préjudice supplémentaire de 1 182 771 euros ;
- l'expert a introduit à tort une réfaction de 10% des taux de surprix des achats estimés auquel il a abouti pour les balais et les bandes ;
- les informations manquantes ne concernent que le fichier DB4, la réfaction de 1% des achats tracés ne doit pas être globale, mais limitée aux achats inclus dans ce fichier DB4 et le montant total des achats de la SNCF à prendre en compte pour l'assiette du préjudice subi doit donc être augmenté de 163 642 euros, correspondant à un préjudice additionnel de 45 666 euros ;
- les achats de la SNCF à prendre en compte pour déterminer l'assiette de son dommage doivent donc intégrer ceux réalisés après décembre 1999 en exécution des contrats-cadre conclus avant cette date tels qu'identifiés par l'expert, soit un montant de 3 170 167, 33 euros mais aussi ceux effectués sur les premières années du cartel négociés en 1988 avant le mois d'octobre, soit 2 144 839,34 euros, ce qui engendre un préjudice additionnel de 826 949 euros ;
- les corrections qui doivent être apportées au montant de préjudice retenu par le rapport d'expertise portent ce montant à 8 399 897 euros et comporte la correction de l'erreur affectant la feuille de calcul accompagnant le rapport d'expertise : 276 510 euros, la prise en compte des achats à la société Hoffmann avant 1994 : 1 182 771 euros, la suppression de la réfaction de 10 % sur les achats estimés : 294 508 euros, la suppression de la réfaction de 10 % sur les taux de surprix des balais et des bandes : 327 231 euros, la suppression de l'assiette de la réfaction de 1 % sur les achats tracés de balais : 45 666 euros ;
- il n'est pas justifié d'utiliser un taux de surprix qui augmenterait au cours des premières années du cartel (option B), il convient de retenir un taux moyen stable sur la période, ce qui correspond à la méthode classique d'évaluation qui reconnaît que l'intensité du cartel a pu varier au cours du temps et permet de prendre en compte ces variations ;
- les intérêts au taux légal doivent courir à compter de la date à laquelle le préjudice est survenu ;
Par des mémoires enregistrés les 20 novembre 2020 et 31 mars 2021 et une pièce complémentaire enregistrée le 30 juillet 2021, la SGL Carbon SE, (anciennement SGL Carbon AG), représentée par le cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer, a formulé ses observations à la suite du rapport d'expertise et demande de condamner la SNCF au paiement des frais d'expertise.

Elle soutient que :
- l'assiette du préjudice se limite à l'année 1999 et un taux progressif doit être appliqué ;
- la configuration n°2-B envisagée par le rapport d'expertise doit être retenue comme base de calcul du préjudice ;
- la décision du Conseil d'Etat n°432981 rendue le 12 octobre 2020 modifie le point de départ des intérêts dans le calcul du préjudice, les intérêts légaux ne pouvant commencer à courir qu'à compter du 1er février 2013, date de la demande, le taux d'intérêt légal devra être remplacé par le taux d'inflation pour la période allant de 1988 au 31 janvier 2013 ;
- le taux de surprix de la société Gerken de 19% calculé par l'expert est erroné et en conséquence :
- s'agissant des balais, considérer que la preuve du quantum d'un préjudice n'est pas rapportée ou à défaut que ce taux est de 6,6% au maximum ou à défaut ne peut excéder celui du cartel et modifier les calculs du préjudice des balais en conséquence ;
- s'agissant des bandes, considérer que la preuve du quantum d'un préjudice n'est pas rapportée ou à défaut que ce taux doit être réduit compte tenu de la prise en compte nécessaire des coûts de production dans l'analyse ;
- l'expertise comporte des erreurs dans l'estimation des surprix, l'absence de données s'agissant des fournisseurs homologués des balais ne permet pas d'établir le quantum du préjudice et le calcul de surprix des bandes doit prendre en compte les coûts de fabrication et la technologie des bandes collées qui renforce la pression concurrentielle sur les bandes traditionnelles en introduisant une tendance temporelle linéaire ;
- l'incohérence de l'expertise sur la prise en compte de l'effet d'ombrelle de la société Gerken qui pratiquait un surprix de 19% soit près du double de celui du cartel.
Par des mémoires enregistrés les 20 novembre 2020, 31 mars 2021 et 2 août 2021, la société Morgan Advanced Materials PLC (anciennement Morgan Crucible PLC) et la société Morgan Carbon...

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