Tribunal de grande instance de Paris, 25 janvier 2022, 18/4839

Docket Number18/4839
Date25 janvier 2022
CourtTribunal de Grande Instance de Paris (France)
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS



3ème chambre
3ème section


No RG 18/04839 -
No Portalis 352J-W-B7C-CMZOR

No MINUTE :




Assignation du :
26 Avril 2018









JUGEMENT
rendu le 25 Janvier 2022
DEMANDERESSE

S.C. [Adresse 9]
Saint-Amand
[Localité 1]

représentée par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966


DÉFENDERESSES

S.A.R.L. VIGNOBLE [Z]
Le Bourg
[Localité 3]

représentée par Maître Annick LECOMTE de l'AARPI ALEZAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0401

S.A.R.L. CGM VINS
[Adresse 6]
[Localité 2]

représentée par Maître Antoine VEY de la SELEURL VEY AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0238

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
[N] [E], juge

assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 14 Octobre 2021 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. L'affaire a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition le 25 Janvier 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

________________________________

Exposé du litige

1.La société [Adresse 9] (ci-après la société [Adresse 8]), producteur de vins de l'IGP Côtes de Gascogne et d'Armagnac, est notamment titulaire

- des marques verbales suivantes, toutes enregistrées pour désigner notamment des vins :

1- [Adresse 8], marque française no 4202685 (déposée le 10 août 2015)
2- [Adresse 8], marque de l'UE no016788151 (déposée le 1er juin 2017)

3- Premières grives, marque française no4202661 (déposée le 10 août 2015)
4- Premières grives, marque de l'UE no016957102 (déposée le 5 juillet 2017)

5- Dernières grives, marque française no4202667 (déposée le 10 aout 2015)
6- Dernières grives, marque verbale de l'UE no016957111 (déposée le 5 juillet 2017)

7- Premières grives, marque française no98744094 (déposée le 27 avril 1998 selon la base Inpi, renouvelée)
8- Dernières grives, marque française no98744093 (déposée le 27 juillet 1998 selon la base Inpi, renouvelée)
9- [Adresse 8] brut de cuve, marque française no3664645 (déposée le 17 aout 2009, renouvelée)

- des marques semi-figuratives suivantes, toutes enregistrées pour désigner des vins ou des boissons alcooliques

10- [Adresse 8], marque française no3938898 (déposée le 3 aout 2012)
11- [Adresse 8], marque française no98740280 (déposée le 30 juin 1998, renouvelée)
12- Premières grives, marque de l'UE no017882187 (déposée le 29 mars 2018)

13- [Adresse 8], marque internationale ne désignant pas la France, no793370 (déposée le 21 novembre 2002, renouvelée).

2.Elle indique avoir découvert en janvier 2018 que la société Vignobles [Z], producteur et distributeur de vins, commercialisait des vins blancs moelleux et secs IGP Côtes de Gascogne sous le signe « Faute de grives, je bois du merle », et lui avoir adressé une mise en demeure de s'arrêter le 2 février ; puis avoir découvert le 27 février 2018 que la société Cgm vins, distributeur de vins, distribuait ces vins Fautes de grives, et avait, dans un courriel de promotion et dans une brochure commerciale, indiqué que le vin Faute de grives moelleux était un « produit anthologique assimilé [Adresse 8] ».

3.Après avoir pratiqué une saisie-contrefaçon contre chacune de ces deux sociétés le 28 mars 2018, elle les a assignées le 26 avril suivant en contrefaçon des marques 1 à 6, et concurrence déloyale et parasitaire. En cours d'instance, les défenderesses ont soulevé la nullité des marques invoquées, la société Vignobles [Z] soulevant en outre la nullité des marques 7 à 13 ainsi que d'une marque française non identifiée (no4090753).

4.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 avril 2021, la société [Adresse 8] soulève l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles en nullité des marques, résiste au fond aux prétentions adverses, et demande,
?invoquant à titre principal contre les deux défenderesses une contrefaçon des marques Premières grives (3 et 4), Dernières grives (5 et 6), contre la seule société Cgm vins une contrefaçon des marques [Adresse 8] (1 et 2) ; et subsidiairement une concurrence déloyale et parasitaire, de condamner
?en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon, à titre provisionnel :
?la société [Z] à lui payer 1 263 758, 24 euros (360 195 + 903 563, 24) ;
?la société Cgm vins et la société [Z], in solidum, à lui payer 413 710, 80 euros (77 934, 8 + 335 776) ;
?en réparation du préjudice d'image résultant de la contrefaçon, à titre provisionnel :
?la société [Z] à lui payer 806 752 euros ;
?la société Cgm vins et la société [Z], in solidum, à lui payer 299 800 euros
?invoquant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire, de condamner la société [Z] à lui payer, à titre provisionnel, 180 000 euros ;
?d'interdire aux sociétés [Z] et Cgm vins de commercialiser le produit « Faute de grives » ou tout produit similaire, sous astreinte ;
?leur enjoindre de lui remettre sous astreinte la copie des contrats et documents comptables relatifs aux vins « Faute de grives » depuis janvier 2017,
?ordonner la publication du jugement dans 5 journaux, sur le site internet de chaque défenderesse et sur son propre site internet ;
?enfin de condamner les défenderesses in solidum à lui payer 56 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (avec recouvrement par son avocat) et l'exécution provisoire.

5.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 mars 2021, la société Cgm vins soulève la nullité des marques invoquées et demande d'en ordonner la radiation auprès de l'EUIPO et de l'Inpi, résiste à l'ensemble des demandes dirigées contre elle, subsidiairement demande la garantie de la société Vignobles [Z], et en toute hypothèse réclame contre la société [Adresse 8] une amende civile, 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, et 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (avec recouvrement par son avocat).

6.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 juin 2021, la société Vignobles [Z] demande en substance de
?déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon et rejeter toutes les demandes dirigées contre elle,
?subsidiairement de condamner la société Cgm vins à la garantir de toute condamnation prononcée à raison de la mention « assimilé [Adresse 8] »
?déclarer nulles les marques 1 à 12 ainsi qu'une marque française no4090753, encore la dénomination sociale « scv [Adresse 9] » « pour contrariété au droit de l'étiquetage », avec interdiction d'usage sous astreinte, et d'ordonner à la société [Adresse 8] de procéder auprès de l'Ompi à la radiation de la marque internationale (13) ;
?condamner la société [Adresse 8] à lui payer 100 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre une amende civile, avec exécution provisoire,
?ainsi que 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens (avec recouvrement par son avocat).

7.L'instruction a été close le 24 juin 2021, mais le 6 juillet 2021, la société Cgm vins en a demandé la révocation, faisant valoir que la demanderesse avait fortement augmenté ses demandes indemnitaires dans ses dernières conclusions du 14 avril, avec de nombreuses pièces supplémentaires, et qu'elle s'est vu refuser un report de la clôture en juin 2021 alors qu'elle avait besoin d'un bref délai pour apporter des pièces comptables qu'elle n'aurait pas pu communiquer plus tôt, au regard de la date d'arrêt des comptes. La société [Z] s'est associée à cette demande. La société [Adresse 8], en revanche, s'y est opposée et a réclamé une indemnité de procédure, faisant notamment valoir que l'augmentation du montant de ses demandes ne correspondait qu'à la poursuite des actes de contrefaçon, que les nouvelles pièces étaient pour l'essentiel des tickets de vente, et que les documents comptables étaient demandés depuis 3 ans et auraient pu être communiqués sans attendre.

8.À l'audience du 14 octobre 2021, le tribunal, considérant que la société Cgm vin avait disposé d'un temps suffisant pour répondre aux dernières conclusions de la société [Adresse 8], que dès lors les motifs invoqués ne caractérisaient pas une cause grave, et qu'au demeurant elle n'avait pas pris la peine de notifier les nouvelles conclusions qu'elle voulait voir admettre ce qui indiquait que la révocation de la clôture allait causer un délai supplémentaire important, a rejeté la demande en révocation et réservé les dépens de l'incident. L'affaire a donc été plaidée, et le jugement mis en délibéré.


MOTIFS

1o) Demandes reconventionnelles en nullité (et déchéance) des marques et de la dénomination sociale

Moyens des parties

9.La société [Z] estime ses demandes recevables contre l'ensemble des marques car elles sont identiques ou appartiennent à une même famille et sont exploitées ensemble sur les mêmes étiquettes ; s'agissant de la marque internationale, elle expose (ailleurs dans ses conclusions, p.68-69) que l'égalité des armes oblige à lui permettre une « réponse du berger à la bergère » tenant à une radiation auprès de l'OMPI sous astreinte.

10.Sur le fond, visant les articles7, paragraphe 1, sous f), et 58, paragraphe 1, sous c) du règlement sur la marque de l'Union européenne, les articles L. 711-2, 7o, 8o, et L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle, et la règlementation relative à l'étiquetage des vins, elle soutient (en substance) que les marques sont « déceptives » en ce qu'elles sont déposées pour n'importe quel vin alors que « [Adresse 8] » renverrait à une appellation d'origine précise ; et qu'elles sont exploitées sur des étiquettes dont les...

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