Cour d'appel de Paris, 9 juin 2022, 20/162887

Case OutcomeInfirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Docket Number20/162887
Date09 juin 2022
CourtCourt of Appeal (Paris)
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

(no 11, 31 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : 20/16288 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCUH7

Décision déférée à la Cour : Décision no 20-D-16 de l'Autorité de la concurrence en date du 29 octobre 2020


DEMANDEURS AUX RECOURS :

DISTILLERIE DILLON S.A.S.
Prise en la personne de son président
Immatriculée au RCS de Bordeaux sous le no 466 203 338
Ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

BARDINET S.A.S.
Prise en la personne de son président
Immatriculée au RCS de Bordeaux sous le no 301 711 461
Ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

COMPAGNIE FINANCIÈRE EUROPÉENNE DE PRISES DE PARTICIPATION S.A.
Prise en personne de sa directrice générale
Immatriculée au RCS de Créteil sous le no 572 056 331
Ayant son siège [Adresse 5]
[Adresse 5]

Élisant toutes trois domicile au cabinet de Me Jeanne BAECHLIN
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Représentées par Me Jeanne BAECHLIN, de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistées de Me Emmanuel DIENY, de la SELEURL PRÔREUS, avocat au barreau de PARIS, toque : D 2045


EN PRÉSENCE DE :

L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Prise en la personne de son président
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représentée par Mmes [C] [Y] et [E] [H], dûment mandatées
LE MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE
TELEDOC 252 - DGCCRF
[Adresse 4]
[Adresse 4]

Représenté par Mme Florence RIBEIRO, dûment mandatée


COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

– Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, présidente,
– Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre,
– M. Gildas BARBIER, président de chambre,

qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Jocelyne AMOUROUX, avocate générale, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.




Vu la déclaration de recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence no 20-D-16 du 29 octobre 2020 déposée au greffe le 19 novembre 2020 par les sociétés Distillerie Dillon SAS, Bardinet SAS et Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation SA ;

Vu l'exposé des moyens déposé au greffe par les sociétés Distillerie Dillon SAS, Bardinet SAS et Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation SA, le 4 janvier 2021 ;

Vu les observations déposées au greffe par l'Autorité de la concurrence le 15 juin 2021 ;

Vu les observations déposées au greffe par le ministre chargé de l'économie le 15 juin 2021 ;

Vu le mémoire récapitulatif déposé au greffe par les sociétés Distillerie Dillon SAS, Bardinet SAS et Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation SA, le 13 décembre 2021 ;

Vu l'avis du ministère public du 4 mars 2022 transmis le même jour aux parties ;

Après avoir entendu, à l'audience publique du 10 mars 2022, les conseils des sociétés Distillerie Dillon, Bardinet et Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation, qui ont été mis en mesure de répliquer, le représentant de l'Autorité de la concurrence, celui du ministre chargé de l'économie ainsi que le ministère public.





SOMMAIRE



FAITS ET PROCÉDURE4


La réglementation applicable4

Le secteur concerné5

Les acteurs concernés5

La procédure devant l'Autorité de la concurrence 6

Le recours 7



MOTIVATION 8


I. SUR LE DÉFAUT DE MOTIVATION DE LA DÉCISION ATTAQUÉE 8


II. SUR LA PRATIQUE D'ACCORDS EXCLUSIFS D'IMPORTATION8


A. Sur l'existence d'accords exclusifs8

B. Sur la durée de la pratique12

1. Les cotes 706 (courriel du 25 février 2015), 605 (courriel du 19 mai 2015) et 604 (courriel du 4 avril 2016, 14 h 12)14

2. La cote 1316 (courriel du 26 avril 2015)15

3. La cote 608 (courriel du 16 février 2016)15

4. La cote 609 (deux courriels du 28 juin 2016, 11 h 23 et 11 h 39)16

5. Appréciation d'ensemble17


III. SUR L'IMPUTABILITÉ17


A. Sur les auteurs de la pratique prohibée par la loi17

B. Sur la responsabilité de la Cofepp18


IV. SUR LA CONTRARIÉTÉ DE L'ARTICLE L.420-2-1 DU CODE DE COMMERCE AU DROIT DE L'UNION20


A. Sur la contrariété de l'article L.420-2-1 du code de commerce au droit de la concurrence20

B. Sur la contrariété de l'article L.420-2-1 du code de commerce à la liberté de circulation des marchandises23


V. SUR L'EXEMPTION PRÉVUE À L'ARTICLE L.420-4, III, DU CODE DE COMMERCE24


VI. SUR LA SANCTION26


A. Sur la gravité de la pratique 26

B. Sur le dommage à l'économie28

C. Sur l'appartenance à un groupe29

D. Conclusion30


VII. SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES30







FAITS ET PROCÉDURE



1.La Cour est saisie du recours des sociétés Distillerie Dillon SAS (ci-après, « la société Distillerie Dillon »), Bardinet SAS (ci-après, « la société Bardinet ») et, Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation SA (ci-après, « la Cofepp ») contre la décision de l'Autorité de la concurrence no 20-D-16 du 29 octobre 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne aux Antilles et en Guyane (ci-après, « la décision attaquée »).

2.Par cette décision, l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité » ) a sanctionné, outre les sociétés précitées pour des pratiques commises sur le territoire de la Martinique, d'autres sociétés pour des pratiques commises sur les territoires de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Ces dernières sociétés n'ayant pas formé de recours, seules les pratiques commises sur le territoire de la Martinique seront examinées par la Cour.

3.Par ailleurs, l'union de coopératives « Centre Vinicole Champagne Nicolas Feuillatte » (ci-après, « le CVC-NF »), sanctionnée en qualité d'auteur avec les sociétés Distillerie Dillon SAS, Bardinet SAS et Cofepp, n'a pas formé de recours.


La réglementation applicable

4.L'article L.420-2-1 du code de commerce, instauré par l'article 5 de la loi no 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite « loi Lurel », prohibe, notamment à la Martinique, « les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises ».
5.Il résulte de l'article 5, II, de la loi précitée que la prohibition qu'elle édicte était applicable aux pratiques en cours et que les parties à ces accords ou pratiques disposaient d'un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la loi pour se mettre en conformité. La loi ayant été publiée au Journal officiel le 21 novembre 2012, le délai prévu à l'article 5 précité a expiré le 22 mars 2013.

6.L'article L.420-4 du code de commerce précise, en son III, que « ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L.420-2-1 les accords ou pratiques concertées dont les auteurs peuvent justifier qu'ils sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l'efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte ».


Le secteur concerné

7.Il existe trois circuits d'approvisionnement de la Martinique, comme en général dans les autres collectivités d'outre-mer, que l'Autorité de la concurrence a décrits dans son avis no 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer (cf, la décision attaquée, § 9).

8.Le fournisseur peut choisir d'approvisionner un territoire au moyen :

– d'un circuit dit « intégré », en implantant une structure logistique lourde lui permettant d'assurer lui-même le transport, la manutention des produits et l'approvisionnement des points de vente ;

– d'un circuit dit « court », en livrant les produits à un distributeur qui les répartit sur ses propres plateformes de stockage ;

– d'un circuit dit « intermédié », en recourant à un intermédiaire désigné sous le terme d' « importateur-grossiste » ou d' « agent de marques », qui peut prendre en charge certaines opérations logistiques (stockage, livraison, etc.), revendre aux distributeurs les produits achetés auprès des industriels et prendre également en charge certaines actions commerciales (promotions, par exemple).

9.Les pratiques concernent le secteur de la vente en gros de champagne dans le cadre du circuit dit « intermédié » et portent plus particulièrement sur celui vendu en Martinique sous les marques « Nicolas Feuillatte » et « Palmes d'Or ».


Les acteurs concernés

10. CVC-NF, fournisseur du produit en cause, est une union de coopératives agricoles à capital variable. Le CVC-NF regroupe, comme l'expose l'Autorité (décision attaquée, § 11 et suivants), près de 80 coopératives agricoles champenoises et représente près de 4500 associés coopérateurs. Le champagne produit par le CVC-NF est consommé notamment à la Martinique.

11.La société Distillerie Dillon, importateur du produit en cause est une société par action simplifiée spécialisée dans la production de boissons alcooliques distillées. Elle est détenue à 99,98 % par la société Bardinet. Ces deux sociétés ont leur siège social à [Localité 6], en [Localité 9].

12.La société Bardinet est détenue à 29,38 % par la Société des Vins et Spiritueux La Martiniquaise (ci-après « la société La Martiniquaise »), société par actions simplifiée, et à 70,62 % par la Cofepp, société anonyme. Ces deux sociétés ont leur siège social à [Localité 7]. La société La Martiniquaise est détenue à 99,98 % par la Cofepp.



La procédure devant l'Autorité de la concurrence

13.Le ministre chargé de l'économie a communiqué à l'Autorité un...

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