Cour d'appel de Paris, 25 mars 2021, 20/024047

Case OutcomeStatue à nouveau en déboutant le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Docket Number20/024047
Date25 mars 2021
CourtCourt of Appeal (Paris)
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 25 MARS 2021

(no 17, 50 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 20/02404 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBM6K

Décision déférée à la Cour : Décision de l'Autorité des marchés financiers (procédure no 18/02 - décision no 17) en date du 4 décembre 2019


REQUÉRANTE :

SOCIÉTÉ MORGAN STANLEY & CO. INTERNATIONAL PLC
société de droit anglais
agissant par son conseil d'administration, lequel agit lui-même par l'un de ses membres
ayant son siège social sis [Adresse 1]
LONDRES (ANGLETERRE)

Élisant domicile au cabinet de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES
[Adresse 2]
[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Stéphane BENOUVILLE, du cabinet FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J007
Assistée de Me Arnaud DE LA COTARDIERE du cabinet LINKLATERS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J030
Assistée de Me Antoine GOSSET-GRAINVILLE, de l'AARPI CABINET BDGS ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0202


EN PRÉSENCE DE :

L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
prise en la personne de son président
[Adresse 3]
[Localité 2]

Représentée par M. [S] [M], Mme [A] [K] et M. [P] [T], dûment mandatés


COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 novembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

– Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, présidente,
– Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre,
– Mme Sylvie TRÉARD, conseillère,

qui en ont délibéré.
GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET


MINISTÈRE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au parquet général


ARRÊT :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre, et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.


* * * * * * * *


Vu la décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers no 17 du 4 décembre 2019 ;

Vu la déclaration de recours contre cette décision et l'exposé des moyens déposés au greffe de la Cour les 11 et 26 février 2020 par la société Morgan Stanley & Co. International PLC ;

Vu le mémoire en intervention volontaire accessoire de M. [C] déposé au greffe de la Cour le 1er juillet 2020 et l'arrêt de la Cour en date du 15 octobre 2020 la déclarant irrecevable ;

Vu les observations déposées au greffe de la Cour le 30 juillet 2020 par l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le mémoire de la société Morgan Stanley & Co. International PLC déposé au greffe de la Cour le 20 octobre 2020 ;

Le ministère public ayant reçu toutes les pièces de la procédure ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 26 novembre 2020, en leurs observations orales, les conseils de la société Morgan Stanley & Co. International PLC et les représentants de l'Autorité des marchés financiers, la société Morgan Stanley & Co. International PLC ayant été mise en mesure de répliquer.


*
* *











SOMMAIRE




FAITS ET PROCÉDURE4


Présentation de la société mise en cause et de son rôle4

Le contexte boursier de l'année 2015 et les événements précédents les faits litigieux4

Les faits litigieux5

La phase administrative de la procédure6

La décision attaquée6

Le recours entrepris7



MOTIVATION8


I. SUR LA COMPÉTENCE DE LA COMMISSION DES SANCTIONS CONCERNANT LES TRANSACTIONS PORTANT SUR DES OBLIGATIONS LINÉAIRES ORDINAIRES (OLO)8


II. SUR LES MOYENS D'ANNULATION TIRÉS DES ATTEINTES PORTÉES AUX DROITS DE LA DÉFENSE AU COURS DE L'ENQUÊTE
15


III. SUR LA CARACTÉRISATION DES MANIPULATIONS DE COURS20


A. Sur les manipulations de cours par fixation d'un cours à un niveau anormal ou artificiel fondées sur le 1o b) de l'article 631-1 du RGAMF
20

1. Sur les principes applicables21

2. Sur la manipulation du cours du FOAT22

3. Sur la manipulation du cours des OAT32

4. Sur la manipulation du cours des OLO37

5. Sur le bénéfice de l'exception prévue par l'article 631-1 1o b) du RGAMF39

B. Sur la manipulation de cours par le recours à une tromperie ou à un artifice prévue au 2o de l'article 631-1 du RGAMF40


IV. SUR L'IMPUTABILITÉ DES MANQUEMENTS DE MANIPULATION DE COURS À LA SOCIÉTÉ MORGAN STANLEY43


V. SUR LA SANCTION45


VI. SUR LA DEMANDE D'ANONYMISATION DE LA DÉCISION À INTERVENIR EN CE QUI CONCERNE LES PERSONNES PHYSIQUES
49



*
* *



FAITS ET PROCÉDURE



Présentation de la société mise en cause et de son rôle

1.La société Morgan Stanley & Co. International PLC (ci-après la « société Morgan Stanley »), société de droit anglais ayant son siège social à Londres (Royaume-Uni), filiale du groupe bancaire et financier américain Morgan Stanley, est composée de plusieurs divisions, dont l'une comprend l'activité dite « European Liquid Flow Rates », confiée, notamment, au bureau de trading « European Government Bonds and Agencies Desk » (ci-après le « Desk »).

2.Elle intervenait, en 2015, en qualité de spécialiste en valeurs du Trésor (ci-après « SVT ») pour plusieurs obligations souveraines d'États européens (« European Government Bonds » dites « EGB »). Elle était ainsi agréée par l'Agence France Trésor (ci-après l'« AFT ») pour animer le marché secondaire des obligations françaises et garantir sa liquidité.

3.Selon les explications apportées par la société Morgan Stanley, non contestées, outre les interventions du Desk en qualité de teneur de marché, celui-ci mène également des activités de gestion de risques, incluant des opérations de couverture.

4.Dans le cadre de ces activités de gestion de risques, les traders du Desk négocient des instruments souverains dont les prix sont, à des degrés divers, corrélés et mettent en place des stratégies en fonction d'événements macro-économiques.

5.L'une d'elles, connue sous le nom de position « FIG » consiste pour le Desk à négocier simultanément des instruments français, italiens et allemands (d'où l'acronyme « FIG » pour « French Italian German ») afin d'obtenir (ou gérer) une exposition au risque souverain français par rapport au risque souverain allemand et italien.


Le contexte boursier de l'année 2015 et les événements précédents les faits litigieux

6.Comme l'indiquent les différents rapports versés aux débats par la société Morgan Stanley, non contestés sur ce point, en mars 2015, dans un contexte de baisse des émissions nettes d'obligations par les émetteurs souverains européens à l'origine d'une baisse de l'offre et donc de la liquidité sur les marchés EGB et les marchés des EGB connexes, la Banque centrale européenne (ci-après la « BCE ») a débuté un programme dit d'assouplissement quantitatif la conduisant à acheter des EGB à hauteur de 60 milliards d'euros par mois.

7.Craignant une insuffisance de vendeurs pour satisfaire le programme de la BCE, le marché s'est porté sur la détention de positions longues sur les obligations souveraines, notamment allemandes, avant que la tendance ne s'inverse par la vente des obligations allemandes en quantités assez importantes.

8.Ces ventes ont entraîné la baisse des rendements des obligations allemandes, conduisant les investisseurs à acquérir des obligations françaises.

9.En juin 2015, des préoccupations de risque de crédit sont apparues, liées à la crise grecque et au risque de sortie de la Grèce de la zone Euro. Les investisseurs ont alors recherché des obligations d'État présentant une bonne qualité de crédit, comme l'Allemagne, sans que ce mouvement en faveur des produits à plus faible risque ne profite pleinement aux instruments présentant un risque de crédit intermédiaire, comme la France et la Belgique.

10.Cette situation a entraîné un écart entre le rendement des instruments allemands et celui des instruments français ( ci-après le « spread franco-allemand »), un niveau de volatilité élevé du marché obligataire et une baisse importante de la liquidité du marché.

11.Le 15 juin 2015, soit la veille des opérations litigieuses, la société Morgan Stanley a exécuté un ordre d'achat auprès d'une banque japonaise (ci-après la « transaction BTMU ») portant sur des obligations assimilables du Trésor (ci-après les « OAT ») d'un montant de 500 millions d'euros, augmentant sa position longue concernant le risque français, et, à titre de couverture, a cédé 950 Futures ayant pour sous-jacents des obligations souveraines françaises (ci-après les « FOAT »), 1 940 Futures ayant pour sous-jacents des obligations souveraines allemandes (ici des « FGBL ») et acquis 250 millions d'euros de notionnel d'Itraxx.

12.À la fin de la journée la société Morgan Stanley affichait des pertes de 6 millions de dollars, de sorte que le management du Desk a décidé de réduire l'exposition au risque français.


Les faits litigieux

13.Le 16 juin 2015, la société Morgan Stanley a réalisé des opérations par l'intermédiaire du Desk, consistant en :

– des acquisitions entre 9h29 et 9h44 sur Eurex — marché allemand réglementé de produits dérivés — portant sur des contrats à terme, en l'espèce des FOAT et des Futures ayant pour sous-jacents des obligations souveraines allemandes (de types « FGBL » et « FGBX ») ;

– puis, des cessions à 9h44 sur les plateformes de négociation électronique MTS France, Broker Tec et MTS Belgium portant sur des obligations françaises (les OAT) et belges, appelées « Obligations Linéaires Ordinaires » (ci-après les « OLO »).

14.Le bon fonctionnement de la plateforme de négociation MTS France ayant été perturbé le même jour à 9h44, à la suite de cessions massives d'OAT, les OAT en cause ont été suspendues pendant 4 minutes, tandis que la liquidité offerte sur ce marché a été réduite pendant près d'une heure.

15.C'est dans ce contexte que, le 4 décembre 2015, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (ci-après, l' « AMF...

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