Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 juin 2022, 19-20.999, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2022:CO00360
Case OutcomeRejet
Date01 juin 2022
Docket Number19-20999
Appeal Number42200360
Subject MatterCONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 10 - Liberté d'expression - Violation - Défaut - Cas - Abus de position dominante
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
CounselSCP Célice,Texidor,Périer,SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2022




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 360 FS-B

Pourvoi n° T 19-20.999




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2022

1°/ La société Janssen-Cilag, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société Johnson & Johnson, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (États-Unis),

ont formé le pourvoi n° T 19-20.999 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence, domiciliée [Adresse 2],

2°/ au ministre chargé de l'Economie, domicilié [Adresse 7],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la présidente de l'Autorité de la concurrence, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte aux sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Paris ;

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juillet 2019), par décision n° 17-D-25 du 20 décembre 2017, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), considérant que la société Janssen-Cilag, qui commercialise un médicament princeps constitutif d'un dispositif transdermique de fentanyl appelé Durogesic, s'était, au cours de l'année 2008, immiscée indûment dans la procédure nationale d'examen des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM) portant sur les spécialités produites par la société Ratiopharm, par une intervention juridiquement infondée auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l'AFSSAPS), devenue depuis l'Agence nationale de sécurité du médicament, (l'ANSM), afin de convaincre cette dernière de refuser l'octroi, au niveau national, du statut de générique aux spécialités concurrentes de Durogesic en dépit de l'obtention de ce statut au niveau européen, et avait, une fois ces autorisations octroyées, diffusé, jusqu'à mi-août 2009, un discours dénigrant sur les spécialités Ratiopharm auprès de professionnels de santé exerçant en milieu hospitalier et en ville, a infligé une sanction pécuniaire à la société Janssen-Cilag, ainsi qu'à la société Johnson & Johnson, en qualité de société mère, pour abus de position dominante entrant dans le champ d'application des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L. 420-2 du code de commerce.

3. Saisie d'un recours contre cette décision, la cour d'appel de Paris a réformé, en le réduisant, le montant de la sanction.

Examen des moyens

Sur le cinquième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Janssen-Cilag et Johnson & Johnson font grief à l'arrêt de rejeter le moyen d'annulation de la décision de l'Autorité pris de l'incompétence de celle-ci pour apprécier les arguments juridiques développés par la société Janssen-Cilag devant l'AFSSAPS et, par voie de réformation de cette décision, de leur infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 21 millions d'euros, alors :

« 1°/ que le directeur général de l'AFSSAPS, auquel les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du code de la santé publique attribuent une compétence exclusive pour se prononcer sur l'identification d'un médicament comme une spécialité générique et sur son inscription au répertoire des groupes génériques, est seul compétent pour apprécier, sous le contrôle du juge administratif, le bien fondé, au regard des normes du code de la santé publique, des arguments juridiques et scientifiques soulevés par un laboratoire pharmaceutique dans le cadre de l'instruction préparatoire à l'édiction de telles décisions ; que l'Autorité n'a pas pour mission légale de veiller au respect des règles de santé publique ; qu'il s'ensuit que lorsque le directeur général de l'AFSSAPS a pris, en application des textes susvisés, une décision reconnaissant le bien-fondé des arguments soulevés par un laboratoire pharmaceutique, l'Autorité ne saurait, sans outrepasser les compétences que lui attribuent les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce, se faire elle-même juge de la légalité des arguments juridiques soulevés par ce laboratoire au regard des normes du droit pharmaceutique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le directeur général de l'AFSSAPS avait édicté le 28 juillet 2008 une décision par laquelle il avait refusé en l'état d'identifier les spécialités Ratiopharm comme médicaments génériques en vue de leur inscription au répertoire des groupes génériques, compte tenu de l'absence de démonstration suffisante de l'identité de la quantité de substance active libérée dans l'organisme entre les spécialités Durogesic et celles de Ratiopharm ; qu'il s'évinçait ainsi des termes de cette décision que son auteur avait nécessairement considéré qu'il disposait bien du pouvoir d'appréciation que la société Janssen-Cilag l'avait invité à exercer ; qu'en jugeant néanmoins que l'Autorité n'avait pas outrepassé sa compétence en appréciant elle-même le bien-fondé de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS sans se considérer liée par l'analyse juridique que ce dernier avait pu suivre dans le cadre du dossier des spécialités Ratiopharm, au motif que la mission de répression des pratiques anticoncurrentielles confiée à l'Autorité impliquerait une plénitude de compétence, qui ne saurait être entravée en la rendant captive d'une analyse juridique retenue par une autre autorité administrative, cependant que le directeur général de l'AFSSAPS était exclusivement compétent pour exercer le contrôle de la conformité de l'argumentation juridique soutenue devant lui aux normes du droit pharmaceutique, la cour d'appel a violé les articles L. 5121-10 et R. 5121-5 du code de la santé publique et les articles L. 461-1 et L. 462-6 du code de commerce ;

2°/ que l'Autorité était d'autant moins compétente pour faire prévaloir sa propre appréciation de la légalité de l'argumentation juridique soulevée par le laboratoire Janssen-Cilag devant le directeur général de l'AFSSAPS au regard des normes du droit pharmaceutique sur celle qu'en avait faite cette autorité sanitaire qu'une telle appréciation n'était pas dissociable d'un jugement sur la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle l'AFSSAPS avait fait droit à cette argumentation ; que l'Autorité avait énoncé dans sa décision qu'un laboratoire pharmaceutique en position dominante "ne peut pas s'immiscer indûment dans le processus décisionnel d'une autorité de santé, en présentant à cette dernière des arguments de nature à l'inciter à adopter une décision contraire au cadre juridique s'imposant à elle" et que tel était le cas en l'espèce puisque "l'agence française de santé ne disposait d'aucune marge de manoeuvre pour revenir sur ce statut [de médicament générique], reconnu par la décision du 23 octobre 2007 de la Commission européenne", de sorte qu'elle "était tenue d'accorder une AMM nationale reconnaissant le statut de générique aux spécialités génériques de fentanyl transdermique de Ratiopharm et d'en tirer les conséquences juridiques en les inscrivant au répertoire des génériques" et que "sur les sollicitations de Janssen-Cilag, l'AFSSAPS a réuni des groupes de travail – le GTMG et le GTNPA – revenant indûment sur le statut de générique de ces spécialités", puis "a alors rendu, le 28 juillet 2008, des décisions d'AMM concernant ces spécialités mais en refusant leur inscription au répertoire des génériques" ; qu'en affirmant néanmoins que l'Autorité n'avait pas outrepassé ses compétences dès lors qu'elle ne s'était pas prononcée sur la légalité des décisions prises par le directeur général de l'AFSSAPS, cependant qu'il ressortait des énonciations mêmes de la décision attaquée que l'examen du bien-fondé de l'argumentation soulevée par le laboratoire à laquelle l'Autorité s'était livrée n'était pas détachable d'une appréciation de la légalité de la décision administrative du 28 juillet 2008 par laquelle le directeur général de l'AFSSAPS y avait fait droit, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;

3°/ que la cour d'appel a elle-même énoncé que "dès lors que les spécialités Ratiopharm se sont vu reconnaître, par la décision de...

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