Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 septembre 2022, 19-25.108, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Chauvin
ECLIECLI:FR:CCASS:2022:C100614
CitationAss. plén., 29 avril 2022, pourvoi n° 18-18.542, Bull., (Cassation partielle partiellement sans renvoi ).
Case OutcomeCassation sans renvoi
Appeal Number12200614
Docket Number19-25108
Date07 septembre 2022
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
CounselSARL Delvolvé et Trichet,SCP Rousseau et Tapie,SCP Bénabent
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Cassation sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 614 FS-B

Pourvoi n° J 19-25.108






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société Libyan Invesment Authority, société de droit libyen, dont le siège est [Adresse 3] (Libye), a formé le pourvoi n° J 19-25.108 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Libyan Arab Foreign Investment Company, société de droit libyen, dont le siège est [Adresse 4] (Libye),

2°/ à la société [P] [D] [F] et fils, société de droit koweïtien, dont le siège est [Adresse 1] (Égypte),

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Libyan Invesment Authority, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Libyan Arab Foreign Investment Company, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [P] [D] [F] et fils, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2019) et les productions, sur le fondement d'une sentence arbitrale revêtue de l'exequatur, portant condamnation à paiement de l'Etat libyen, la société [P] [D] [F] et fils (la société [F]) a fait pratiquer en France, le 5 juillet 2013, des saisies-attributions au préjudice de la Libyan Investment Authority (LIA) et de sa filiale à 100 %, la société Libyan Arab Foreign Investment Company (la société LAFICO), entre les mains de la banque BIA et de la Société générale, et, le 13 août 2013, une saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières détenus par la société CER, filiale à 100 % de la société LAFICO.

2. L'arrêt du 5 septembre 2019 a rejeté les demandes de la LIA et de la société LAFICO en contestation de ces saisies.

3. Devant la Cour de cassation, la LIA a fait état du gel de ses avoirs en application de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies mises en oeuvre, au sein de l'Union européenne, par le règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye.

4. Par un arrêt du 3 novembre 2021 (n° 655), il a été sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie par un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. plén., 10 juillet 2020, pourvois n° 18-18.542 et 18-21.814) de la question de savoir si les dispositions d'un autre règlement européen, relatif à des mesures restrictives à l'égard de l'Iran et comportant une définition des mesures de gel analogue à celle du règlement n° 2016/44, s'opposaient à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l'autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d'effet attributif, telle qu'une saisie conservatoire.

5. Par un arrêt du 11 novembre 2021 (C-340/20), la CJUE a répondu à la question préjudicielle.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 1, 5 § 4 et 11 § 2 du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011 et l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution :

7. Le premier de ces textes dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) « fonds », les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, y compris et notamment, mais pas exclusivement :
i) le numéraire, les chèques, les créances en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement ;
ii) les dépôts auprès d'établissements financiers ou d'autres entités, les soldes en comptes, les créances et les titres de créances ;
iii) les titres de propriété et d'emprunt, tels que les actions et autres titres de participation, les certificats représentatifs de valeurs mobilières, les obligations, les billets à ordre, les warrants, les obligations non garanties et les contrats sur produits dérivés, qu'ils soient négociés en Bourse ou fassent l'objet d'un placement privé ;
iv) les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs ;
[...]
b) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds ou tout accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence une modification de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, y compris la gestion de portefeuilles. »

8. Selon le deuxième, tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux entités énumérées à l'annexe VI, parmi lesquelles figure la LIA, ou que celles-ci avaient en leur possession, détenaient ou contrôlaient à la date du 16 septembre 2011 et qui se trouvaient en dehors de Libye à cette date restent gelés.

9. Le troisième dispose :

« 2.Par dérogation à l'article 5, § 4, et pour autant qu'un paiement soit dû au titre d'un contrat ou d'un accord conclu ou d'une obligation souscrite par la personne, l'entité ou l'organisme concerné avant la date de sa désignation par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions, les autorités compétentes des États membres, mentionnées sur les sites internet énumérés à l'annexe IV, peuvent autoriser, dans les conditions qu'elles jugent appropriées, le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies :

a) l'autorité compétente concernée a établi que le paiement n'enfreint pas l'article 5, § 2, ni ne profite à une entité visée à l'article 5, § 4 ;

b) l'État membre concerné a notifié au comité des sanctions, dix jours ouvrables à l'avance, son intention d'accorder une autorisation. »

10. Le quatrième dispose :

« L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.

La notification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution.

Toutefois, les actes de saisie notifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours.

Lorsqu'une...

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