Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 23 mars 2022, 17-17.981, Publié au bulletin
Presiding Judge | M. Chauvin |
ECLI | ECLI:FR:CCASS:2022:C100338 |
Case Outcome | Rejet |
Subject Matter | ARBITRAGE - Arbitrage international - Sentence - Recours en annulation - Reconnaissance ou exécution de la sentence - Compatibilité avec l'ordre public international - Recherche effectuée par le juge de l'annulation - Applications diverses |
Date | 23 mars 2022 |
Docket Number | 17-17981 |
Counsel | SARL Ortscheidt,SCP Piwnica et Molinié |
Appeal Number | 12200338 |
Court | Première Chambre Civile (Cour de Cassation de France) |
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 338 FS-P+B
Pourvoi n° W 17-17.981
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022
M. [B] [K], domicilié [Adresse 3] (Lettonie), a formé le pourvoi n° W 17-17.981 contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la République du Kirghizistan, dont le siège est [Adresse 1]), agissant poursuites et diligences par le Center of Court Representation, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [K], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la République du Kirghizistan, et l'avis de M. Poirret, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2017), en 2007, à la suite d'un appel d'offres, M. [K], citoyen letton, a acquis la banque kirghize Insan Bank, devenue Manas Bank. A la suite du changement de régime en République du Kirghizistan en avril 2010, Manas Bank a été placée sous administration provisoire, puis sous séquestre, jusqu'au prononcé de son insolvabilité en juillet 2015.
2. M. [K] a alors engagé à [Localité 2] une procédure d'arbitrage ad hoc sur le fondement de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements entre la République de Lettonie et celle du Kirghizistan (TBI) et du Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI).
3. La République du Kirghizistan a formé un recours en annulation contre la sentence arbitrale du 24 octobre 2014, qui l'a condamnée à verser la somme de 15 020 000 dollars à M. [K] et a ordonné à celui-ci de lui transférer sa participation dans les actions de Manas Bank.
4. A la suite de l'arrêt qui a annulé la sentence et rejeté sa demande de dommages-intérêts, M. [K] a formé un pourvoi, qui a été radié en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile par ordonnance du 12 juillet 2018 et a été réinscrit au rôle par ordonnance du 21 janvier 2021.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [K] fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence, alors :
« 1°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que le juge doit "rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, tel que défini par les stipulations de la convention de Mérida", que cette recherche "n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci", que les relations entre M. [K] et M. [X] [U], le fils du président de la République, "peuvent être qualifiées d'inappropriées dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", que "l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières", que "la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la régularité de ses contrôles sur la banque sujette à caution", que "Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment", que "le volume et la structure des transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2017, apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize ; un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes" et qu'"il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank était reprise par M. [K] afin de bénéficier dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie" de sorte que "la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international", la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que le tribunal arbitral avait écarté l'allégation de blanchiment sur laquelle reposait "toute entière" la défense de la République du Kirghizstan faute d'élément probant, a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire, en violation de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
2°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en déduisant l'existence d'indices "graves, précis et concordants de ce que Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment", pour décider que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence "aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses", de procès-verbaux d'audition de témoins devant le tribunal arbitral et de rapports d'expertise soumis aux arbitres, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire et a révisé la sentence, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
3°/ que s'agissant de la violation de l'ordre public international, seule la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est examinée par le juge de l'annulation au regard de la compatibilité de sa solution avec cet ordre public ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la valeur de Manas Bank, telle que déterminée par le tribunal arbitral pour fixer le montant de l'indemnisation accordée à M. [K], découlait d'opérations de blanchiment auxquelles celui-ci aurait participé, directement ou indirectement, à défaut de quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'a pas pour effet de le faire bénéficier du produit d'activités de blanchiment, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile que le juge de l'annulation doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international.
7. La cour d'appel a énoncé que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation, même dans un contexte international, et relève de l'ordre public international, la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses faisant l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption conclue à Mérida le 9 décembre 2003.
8. Elle a rappelé qu'il lui appartenait, non pas de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de Manas Bank avaient été ou non prises légalement au regard du droit kirghize ou si les agissements de la République du Kirghizistan constituaient des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence était de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par la convention de Mérida.
9. Elle a retenu à bon droit qu'une telle recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'était ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux, son seul office à cet égard consistant à s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respectait le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes.
10. Ayant analysé successivement les relations ayant existé entre M. [K] et le président de la République du Kirghizistan en place de 2005 à 2010, les conditions d'acquisition de Manas Bank et les contrôles opérés sur la banque, les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank dont le capital était détenu par M. [K], ainsi que le volume et la structure des opérations réalisées par Manas...
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 mars 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 338 FS-P+B
Pourvoi n° W 17-17.981
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MARS 2022
M. [B] [K], domicilié [Adresse 3] (Lettonie), a formé le pourvoi n° W 17-17.981 contre l'arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la République du Kirghizistan, dont le siège est [Adresse 1]), agissant poursuites et diligences par le Center of Court Representation, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [K], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la République du Kirghizistan, et l'avis de M. Poirret, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2017), en 2007, à la suite d'un appel d'offres, M. [K], citoyen letton, a acquis la banque kirghize Insan Bank, devenue Manas Bank. A la suite du changement de régime en République du Kirghizistan en avril 2010, Manas Bank a été placée sous administration provisoire, puis sous séquestre, jusqu'au prononcé de son insolvabilité en juillet 2015.
2. M. [K] a alors engagé à [Localité 2] une procédure d'arbitrage ad hoc sur le fondement de l'Accord pour la promotion et la protection des investissements entre la République de Lettonie et celle du Kirghizistan (TBI) et du Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI).
3. La République du Kirghizistan a formé un recours en annulation contre la sentence arbitrale du 24 octobre 2014, qui l'a condamnée à verser la somme de 15 020 000 dollars à M. [K] et a ordonné à celui-ci de lui transférer sa participation dans les actions de Manas Bank.
4. A la suite de l'arrêt qui a annulé la sentence et rejeté sa demande de dommages-intérêts, M. [K] a formé un pourvoi, qui a été radié en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile par ordonnance du 12 juillet 2018 et a été réinscrit au rôle par ordonnance du 21 janvier 2021.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [K] fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence, alors :
« 1°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que le juge doit "rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, tel que défini par les stipulations de la convention de Mérida", que cette recherche "n'est pas limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par ceux-ci", que les relations entre M. [K] et M. [X] [U], le fils du président de la République, "peuvent être qualifiées d'inappropriées dans la mesure où les prestations immobilières fournies par Manas Bank à M. [X] s'analysent comme des abus de biens sociaux", que "l'appel d'offres s'est déroulé dans des conditions irrégulières", que "la probité de l'auditeur externe de Manas Bank était douteuse et la régularité de ses contrôles sur la banque sujette à caution", que "Manas Bank prolongeait, dans un état doté de faibles structures de contrôle, les activités d'une banque lettone peu soucieuse des règles de vigilance anti-blanchiment", que "le volume et la structure des transactions réalisées par une banque qui était en déconfiture lors de sa reprise par M. [K] à la fin de l'été 2017, apparaissent sans rapport avec l'état de l'économie kirghize ; un succès aussi foudroyant, dans un temps aussi bref, dans un pays aussi pauvre, n'est pas explicable par des pratiques bancaires orthodoxes" et qu'"il résulte de ce qui précède des indices graves, précis et concordants de ce qu'Insan Bank était reprise par M. [K] afin de bénéficier dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment qui n'avaient pu s'épanouir dans l'environnement moins favorable de la Lettonie" de sorte que "la reconnaissance ou l'exécution de la sentence entreprise, qui aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses, viole de manière manifeste, effective et concrète l'ordre public international", la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que le tribunal arbitral avait écarté l'allégation de blanchiment sur laquelle reposait "toute entière" la défense de la République du Kirghizstan faute d'élément probant, a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire, en violation de l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
2°/ que le juge de l'annulation est juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français et non juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en déduisant l'existence d'indices "graves, précis et concordants de ce que Insan Bank a été reprise par M. [K] afin de développer, dans un Etat où ses relations privilégiées avec le détenteur du pouvoir économique lui garantissaient l'absence de contrôle réel de ses activités, des pratiques de blanchiment", pour décider que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence "aurait pour effet de faire bénéficier M. [K] du produit d'activités délictueuses", de procès-verbaux d'audition de témoins devant le tribunal arbitral et de rapports d'expertise soumis aux arbitres, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire et a révisé la sentence, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile ;
3°/ que s'agissant de la violation de l'ordre public international, seule la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est examinée par le juge de l'annulation au regard de la compatibilité de sa solution avec cet ordre public ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que la valeur de Manas Bank, telle que déterminée par le tribunal arbitral pour fixer le montant de l'indemnisation accordée à M. [K], découlait d'opérations de blanchiment auxquelles celui-ci aurait participé, directement ou indirectement, à défaut de quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'a pas pour effet de le faire bénéficier du produit d'activités de blanchiment, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile que le juge de l'annulation doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international.
7. La cour d'appel a énoncé que la prohibition du blanchiment est au nombre des principes dont l'ordre juridique français ne saurait souffrir la violation, même dans un contexte international, et relève de l'ordre public international, la lutte contre le blanchiment d'argent provenant d'activités délictueuses faisant l'objet d'un consensus international exprimé notamment dans la Convention des Nations Unies contre la corruption conclue à Mérida le 9 décembre 2003.
8. Elle a rappelé qu'il lui appartenait, non pas de vérifier si les décisions de placement sous administration provisoire puis sous séquestre de Manas Bank avaient été ou non prises légalement au regard du droit kirghize ou si les agissements de la République du Kirghizistan constituaient des violations de l'obligation de traitement juste et équitable prévue par le TBI, mais de rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence était de nature à entraver l'objectif de lutte contre le blanchiment en faisant bénéficier une partie du produit d'activités de cette nature, telles que définies par la convention de Mérida.
9. Elle a retenu à bon droit qu'une telle recherche, menée pour la défense de l'ordre public international, n'était ni limitée aux éléments de preuve produits devant les arbitres ni liée par les constatations, appréciations et qualifications opérées par eux, son seul office à cet égard consistant à s'assurer que la production des éléments de preuve devant elle respectait le principe de la contradiction et celui d'égalité des armes.
10. Ayant analysé successivement les relations ayant existé entre M. [K] et le président de la République du Kirghizistan en place de 2005 à 2010, les conditions d'acquisition de Manas Bank et les contrôles opérés sur la banque, les relations de Manas Bank avec la Baltic International Bank dont le capital était détenu par M. [K], ainsi que le volume et la structure des opérations réalisées par Manas...
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