Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 janvier 2020, 19-10.176, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Chauvin (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2020:C300066
CitationSur le caractère autonome de l'action indemnitaire par rapport à l'exercice de l'action rédhibitoire ou estimatoire, à rapprocher :1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.399, Bull. 2012, I, n° 192 (cassation), et l'arrêt cité
Case OutcomeRejet
Appeal Number32000066
Date30 janvier 2020
CounselMe Le Prado,SCP Boré,Salve de Bruneton et Mégret,SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
CourtTroisième Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Docket Number19-10176
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 66 FS-P+B+I

Pourvoi n° D 19-10.176




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2020

M. O... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-10.176 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. X... Q...,

2°/ à Mme L... M..., épouse Q...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ à la société D... U..., société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

4°/ à M. E... D..., domicilié [...] ,

5°/ à la société I... immobilier, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

M. D... et la société D... U... ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La société I... immobilier a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

M. D... et la société D... U..., demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

La société I... immobilier, demanderesse au pourvoi incident invoquent, à l'appui de son recours, un moyen de cassation également annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. G..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société D... U... et de M. D..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société I... immobilier, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 septembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 décembre 2017, pourvoi n° 16-24.170), M. G... a vendu à M. et Mme Q..., par l'intermédiaire de la société I... immobilier, une maison d'habitation moyennant le prix de 98 000 euros, l'acte de vente ayant été dressé par M. D..., notaire, membre de la SCP D...-U...-Z....

2. A la suite de l'apparition de désordres et après expertise, M. et Mme Q... ont assigné M. G... en garantie des vices cachés, ainsi que M. D... et la SCP notariale sur le fondement de la responsabilité délictuelle, lesquels ont appelé en garantie la société I... immobilier sur ce même fondement.

3. Par arrêt du 21 juillet 2016, la cour d'appel de Bourges a condamné M. G... à restituer aux acquéreurs une partie du prix de vente et à leur payer le coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble, outre divers frais et préjudices annexes.

4. Elle a également fixé à 10 % chacun la part de cette condamnation que le notaire et l'agent immobilier devraient supporter au titre de leur responsabilité délictuelle.

5. Cette décision a été cassée par arrêt de la troisième chambre civile du 14 décembre 2017, uniquement sur le montant des condamnations prononcées contre le vendeur, le notaire et l'agent immobilier.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, le moyen unique du pourvoi incident du notaire et le moyen unique du pourvoi incident de l'agent immobilier, réunis

Enoncé du moyen

6. M. G..., la SCP D... U... Z..., M. D... et la société I... immobilier font grief à l'arrêt de condamner le vendeur à payer aux acquéreurs le coût des travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble et de rappeler quele notaire et l'agent immobilier doivent supporter la condamnation à hauteur de 10 %, alors :

« 1°/ que les dommages et intérêts versés en application de l'article 1645 du code civil ne peuvent réparer que des préjudices distincts de la réparation des vices cachés et, en cas d'action estimatoire, ne peuvent au plus représenter que le coût résiduel non compensé par la restitution partielle du prix ; que dès lors, en faisant droit à la demande des époux Q... en paiement de la démolition-reconstruction de l'immeuble acquis de M. G..., qu'ils entendaient conserver en dépit des vices cachés dont il était affecté, peu important à cet égard qu'ils aient fait le choix de ne pas demander la restitution d'une partie du prix de vente, ou encore qu'ils aient, le cas échéant, exercé leur action indemnitaire de manière autonome, la cour d'appel a violé l'article 1645 du code civil ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;

2°/ que les dommages-intérêts dus, en application de l'article 1645 du code civil, ne sauraient avoir pour objet de compenser la moindre valeur du bien vendu due à la présence de vices cachés qui ne peut donner lieu qu'à une réduction de prix ; qu'en condamnant M. O... G..., sous la garantie partielle des exposants, à verser aux époux Q... notamment la somme de 129 931 euros TTC correspondant au coût de la démolition et de la reconstruction totale du bâtiment affecté de vices cachés bien que, les époux Q... ayant choisi de conserver le bien et ne pas solliciter la restitution d'une quelconque partie du prix de vente, les dommages-intérêts n'aient pu avoir pour objet le rééquilibrage du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1645 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;

3°/ qu'en toute hypothèse les juges doivent s'attacher à l'objet réel de la demande et ne peuvent, sous couvert d'indemnisation, allouer aux acquéreurs d'un bien immobilier la restitution du prix de vente ; qu'en condamnant les exposants à garantir M. O... G... de sa condamnation à payer la somme de 129 931 euros TTC correspondant au coût de la démolition et de la reconstruction du bâtiment, quand cette somme, tendait au rééquilibrage du contrat puisqu'elle visait à remédier à l'existence des vices cachés qui ne pouvait justifier qu'une action en réduction du prix de sorte que cette somme ne pouvait être mise à la charge du notaire, la cour d'appel a méconnu l'article 1645 du code civil, ensemble l'article 1382 du code civil ;

4°/ que les juges du fond sont tenus de réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte, ni profit pour la victime ; que, dans ses conclusions d'appel, la société I... Immobilier faisait valoir, qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, les époux Q... ne pouvaient solliciter l'allocation de dommages-intérêts incluant le coût intégral de travaux de démolition et de reconstruction de leur maison qui, certes étaient destinés à mettre fin aux vices cachés constatés, mais qui auraient dans le même temps pour effet de leur permettre, par une rénovation complète de l'existant, de faire l'acquisition d'un bien entièrement neuf pour le prix d'un bien ancien, dégradé et vétuste qu'ils avaient initialement décidé d'acquérir ; qu'il ressortait, en effet, de l'acte authentique de vente du 20 juillet 2007 que les époux Q... ont acquis auprès de M. G..., pour un prix de 98 000 euros, une maison d'habitation décrite dans l'acte de vente comme étant ancienne et affectée d'un nombre important de défauts connus des acquéreurs ; qu'en allouant néanmoins aux époux Q... la somme de 129.931 euros TTC, au titre des travaux de démolition et de reconstruction à neuf de leur maison, la cour d'appel a violé l'article 1645 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

5°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions d'appel, la société I... Immobilier faisait valoir, qu'en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, les époux Q... ne pouvaient solliciter l'allocation de dommages-intérêts incluant le coût intégral de travaux de démolition et de reconstruction de leur maison qui, certes étaient destinés à mettre fin aux vices cachés constatés, mais qui auraient dans le même temps pour effet de leur permettre, par une rénovation complète de l'existant, de faire l'acquisition d'un bien entièrement neuf pour le prix d'un bien ancien, dégradé et vétuste qu'ils avaient initialement décidé d'acquérir ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pourtant déterminant des conclusions de la société I... Immobilier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 1645 du code civil que le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur, qui peut exercer l'action en indemnisation indépendamment de l'action rédhibitoire ou estimatoire (Com., 19 juin 2012, pourvoi n° 11-13.176, Bull. 2012, IV, n° 132 ; 1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.399, Bull. 2012, I, n° 192 ; 3e Civ., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-15.205, Bull. 2015, III, n° 66).

8. Ainsi, lorsque l'immeuble vendu est atteint de vices cachés nécessitant sa démolition, l'acquéreur qui a choisi de le conserver sans restitution de tout ou partie du prix de vente est fondé à obtenir du vendeur de mauvaise foi des dommages et intérêts équivalant au coût de sa démolition et de sa reconstruction.

9. La cour d'appel a relevé que M. et Mme Q..., qui avaient choisi de conserver l'immeuble, ne demandaient que des...

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