Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mai 2018, 16-27.506, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:C100443
Case OutcomeRejet
Docket Number16-27506
Subject MatterPROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité contractuelle - Obligation de renseigner - Etendue - Médecin prescripteur - Portée PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité - Devoir d'information - Etendue - Devoir de se renseigner sur le résultat des examens prescrits - Manquement - Portée RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de renseigner - Médecin - Dispense - Impossibilité d'informer le patient - Caractérisation - Exclusion - Cas SANTE PUBLIQUE - Laboratoires d'analyses de biologie médicale - Modalités de communication des réultats - Existence d'un protocole avec le médecin prescripteur - Opposabilité au patient - Défaut - Portée
Appeal Number11800443
Date03 mai 2018
CounselSCP Baraduc,Duhamel et Rameix,SCP Potier de La Varde,Buk-Lament et Robillot,SCP Richard
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBull. 2018, I, n° 79
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 7 juillet 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-22.756), que Mme B..., gynécologue, chargée de suivre la grossesse de Mme Z..., a, le 11 décembre 1999, lors de la visite du troisième mois, prescrit un test sanguin destiné notamment à déceler un risque de trisomie 21, à effectuer entre le 15 décembre 1999 et le 4 janvier 2000 ; que, le 6 janvier, Mme Z... a fait réaliser ce prélèvement au sein du laboratoire Javouhey qui l'a transmis au laboratoire du centre hospitalier de Mamao; que, n'étant pas équipé du logiciel permettant d'analyser les prélèvements effectués au-delà de la dix-huitième semaine, ce laboratoire l'a adressé au laboratoire Cerba à Paris ; que les résultats du test ont mis en évidence un risque accru de 1/110 de donner naissance à un enfant atteint de trisomie 21, mais n'ont été transmis ni au médecin du laboratoire du centre hospitalier de Mamao, ni à Mme B..., ni à Mme Z... ; qu'à compter de la trente-troisième semaine de grossesse, cette dernière a été suivie par M. X..., gynécologue obstétricien, en vue de son accouchement ; que, le 27 mai 2000, Mme Z... a donné naissance à l'enfant Hinatea Y..., atteinte de trisomie 21 ; que, le 24 juin 2003, Mme Z... et M. Y..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille, ont assigné Mme B... et M. X... en responsabilité et indemnisation, en soutenant que l'absence de diagnostic de la trisomie 21 les avaient privés de la possibilité de demander une interruption médicale de grossesse ; que, l'enfant étant née avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, l'application de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, transposant l'article 1er, I, de cette loi, a été écartée ;

Attendu que M. X... et Mme B... font grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement de différentes sommes à Mme Z... et M. Y... en réparation des préjudices résultant du handicap de leur fille, alors, selon le moyen :

1°/ que le médecin, tenu d'une simple obligation de moyens, doit à son patient des soins attentifs, consciencieux, et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé, d'une part, que Mme Z..., âgée de 26 ans, ne présentait aucun antécédent dans sa famille d'enfant atteint d'une malformation congénitale, que les examens cliniques et obstétricaux étaient normaux, tout comme les échographies foetales, et, d'autre part, qu'il existait comme usage entre le praticien ayant prélevé le tritest et le laboratoire effectuant l'analyse que seuls des résultats démontrant une trisomie 21 étaient transmis ; qu'il résultait de ces éléments qu'il n'existait aucun élément médical, biologique ou échographique faisant ressortir un risque de trisomie 21 et qu'en l'absence de transmission des résultats par le laboratoire, M. X..., intervenu en fin de grossesse et succédant à Mme B..., n'avait pas de raison de suspecter une trisomie 21 ni de vérifier auprès du laboratoire le résultat de l'examen prescrit par un autre confrère ; qu'en retenant néanmoins une faute de M. X... pour ne pas s'être inquiété de l'absence de résultat au dossier de la patiente lorsqu'il a pris en charge celle-ci à trente-trois semaines de grossesse, la cour d'appel, opérant une analyse rétrospective des éléments qui lui étaient soumis, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce ;

2°/ que, si le médecin est tenu, en principe, de donner à son patient une information loyale, claire et appropriée, sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés, il est toutefois fois dispensé d'exécuter cette obligation en cas d'impossibilité de délivrer l'information ; que cette impossibilité est caractérisée, lorsque le médecin ne dispose pas, sans faute de sa part, de cette information ; qu'en décidant que Mme B... avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, en s'abstenant d'informer Mme Z... de ce que le test de dépistage qui avait été pratiqué avait fait apparaître un risque de trisomie 21, après avoir pourtant constaté que le laboratoire de biochimie ayant réalisé le test n'informait expressément le médecin prescripteur du résultat obtenu que lorsque celui-ci faisait apparaître un risque de trisomie 21, ce dont il résultait que Mme B... n'était pas restée dans l'ignorance du résultat obtenu, mais s'était vue implicitement indiquer par le laboratoire, qui ne lui avait communiqué aucun document, que le test n'avait pas fait apparaître de risque de trisomie 21, ce dont il résultait que Mme B... n'avait pas commis de faute en s'abstenant d'informer Mme Z... du résultat effectif du test, qu'elle ignorait dès lors que l'indication inverse résultait de la pratique de communication du laboratoire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève qu'il n'existait aucun élément médical, biologique ou échographique autre que ce test permettant de suspecter un risque de trisomie 21, que le protocole en vigueur entre Mme B... et le laboratoire de biochimie du centre hospitalier de Mamao prévoyait que celui-ci n'informait le médecin prescripteur du résultat du test que dans le cas d'un risque de trisomie 21, ce qui avait conduit ce praticien à considérer, en l'absence de transmission du résultat de ce test, que celui-ci était normal et qu'en raison de ce protocole, les dysfonctionnements des laboratoires avaient eu comme conséquence un défaut de prescription d'une amniocentèse ; qu'il ajoute que Mme B..., ayant prescrit l'examen, devait être en mesure d'informer elle-même sa patiente quant à son résultat, sans dépendre des aléas d'une communication par les laboratoires, que l'intervention des médecins biologistes des laboratoires chargés du test ne pouvait la dispenser d'en demander le résultat et qu'elle n'était pas fondée à opposer à Mme Z... l'absence de toute réponse des laboratoires relative à l'examen ordonné ni à se prévaloir de leur erreur ou de leur négligence ; qu'ayant ainsi écarté toute impossibilité pour Mme B... d'exécuter son obligation d'information, la cour d'appel a pu en déduire qu'elle avait commis une faute en ne sollicitant pas le résultat de cet examen ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le dossier médical de Mme Z..., transmis à M. X..., ne contenait pas de réponse au test demandé et que ce praticien ne pouvait fonder son diagnostic sur le défaut de réponse des laboratoires, elle a pu, sans opérer une analyse rétrospective des éléments soumis, retenir qu'il avait également commis une faute en ne s'assurant pas du résultat de ce test ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X... et Mme B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du 30 avril 2007, d'avoir jugé que les docteurs A... B... et Hugues X... étaient responsables in solidum du préjudice personnellement subi par l'enfant trisomique Hinatea Y... depuis sa naissance, [...], d'avoir en conséquence désigné un expert pour évaluer les préjudices subis, d'avoir condamné in solidum les docteurs A... B... et Hugues X... à payer aux époux Y... ès qualités de représentant légaux de leur fille mineure la somme de 5.966.587 F CFP à titre de provision sur l'indemnisation du préjudice personnel de celle-ci, d'avoir déclaré les docteurs A... B... et Hugues X... responsables in solidum du préjudice personnellement subi par les époux Y... en raison de la trisomie 21 non diagnostiquée de leur enfant Hinatea, d'avoir condamné in solidum A... K... et Hugues X... à payer à chacun des époux Y... la somme de 2.000.000 en réparation de leur préjudice moral et d'avoir réservé le préjudice matériel et économique personnel des époux Y... ;

AUX MOTIFS QUE la responsabilité du médecin ne peut être engagée que s'il est démontré qu'il a commis une faute et que cette faute a causé le dommage ; que la faute est caractérisée lorsque le médecin n'a pas donné au patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ; que la gravité de la faute n'influe pas sur sa qualification, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une simple erreur ; que l'obligation du médecin est de moyen ; qu'il suffit que parmi les causes dont la conjonction a occasionné le dommage, se trouve une faute du médecin pour que celui-ci soit tenu de réparer l'intégralité du dommage, sauf son action récursoire contre les tiers dont l'activité fautive aurait concouru à la réalisation du préjudice ; que le médecin peut s'exonérer en établissant l'existence d'une cause étrangère : cas de force majeure, faute de la victime ou fait d'un tiers, dès lors qu'elle a été irrésistible, imprévisible et extérieure ; qu'il appartient au médecin de prouver la bonne exécution de son obligation d'information du patient sur la nature des investigations, interventions ou traitements envisagés, ainsi que sur les risques pouvant en découler ; que le dommage constitue un préjudice réparable lorsqu'il est certain personnel et direct ; que lorsque la victime a été privée d'une espérance future dont il est impossible de savoir, de par le fait dommageable, si elle se serait réalisée, cette perte de chance...

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