Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 janvier 2017, 15-23.547, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel (premier président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CO00135
Case OutcomeRejet
Docket Number15-23547
Date25 janvier 2017
CounselSCP Meier-Bourdeau et Lécuyer,SCP Monod,Colin et Stoclet
Appeal Number41700135
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2015), que le ministre chargé de l'économie, reprochant à la société Galec-groupement d'achats des centres Leclerc (le Galec) d'avoir soumis des fournisseurs à des obligations créant un déséquilibre significatif à raison de certaines clauses du contrat-cadre ayant régi leurs relations en 2009 et 2010, relatives au versement d'une ristourne de fin d'année (la RFA) au bénéfice du distributeur, l'a assignée en annulation de ces clauses, répétition de l'indu et paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° et III du code de commerce ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le Galec fait grief à l'arrêt de retenir un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, de prononcer l'annulation des clauses prévoyant ces obligations dans les accords GALEC conclus en 2009 et 2010 avec les quarante-six fournisseurs visés dans la liste jointe à l'arrêt, de le condamner à restituer les sommes perçues à ce titre et de prononcer à son encontre une amende civile alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ne sanctionnent que le fait de soumettre un partenaire commercial à une « obligation » créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que le simple fait d'obtenir une réduction de prix de la part de son cocontractant ne soumet ce dernier à aucune « obligation » au sens de ces dispositions ; qu'en considérant, pour condamner le Galec, que la RFA Galec, qui constitue une simple réduction du prix fournisseur, caractérisait une telle « obligation », la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;

2°/ qu'il résulte de la décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011 du Conseil constitutionnel que l'incrimination prévue à l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce n'est conforme au principe de légalité des délits et des peines que dans la mesure où la notion de « déséquilibre significatif » renvoie à la notion, suffisamment définie par la jurisprudence, qui figure à l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'en vertu de cet article, l'appréciation du « déséquilibre significatif » ne peut pas porter sur l'adéquation du prix au bien vendu ; qu'ainsi, le « déséquilibre significatif » au sens de l'article précité du code de commerce ne peut jamais résulter de l'inadéquation du prix au bien vendu ; qu'en jugeant pourtant que la loi avait entendu permettre un contrôle par l'administration du prix négocié par comparaison avec le tarif fournisseur, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;

3°/ que, si l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce devait être interprété comme permettant de sanctionner le fait d'obtenir une simple réduction de prix, l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce, en ce qu'il sanctionne le fait d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, serait privé de tout effet utile ; qu'il en résulte nécessairement que le législateur n'a pas entendu permettre un contrôle par l'administration du prix négocié par comparaison avec le tarif fournisseur ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que, dans les rapports noués entre un fournisseur et un distributeur, le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties s'apprécie au regard de la convention écrite prévue par l'article L. 441-7 du code de commerce, laquelle précise les obligations auxquelles se sont engagées les parties et fixe, notamment, les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, comprenant les réductions de prix, telles qu'elles résultent de la négociation commerciale qui s'opère dans le respect de l'article L. 441-6 de ce code ; qu'ayant constaté que l'annexe 2 des contrats-cadres stipulait que la ristourne litigieuse était prévue au titre des conditions de l'opération de vente, la cour d'appel en a justement déduit que les clauses litigieuses relevaient de l'article L. 442-6, I, 2° du même code ;

Et attendu, en deuxième lieu, que la similitude des notions de déséquilibre significatif prévues aux articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et L. 442-6, I, 2° du code de commerce, relevée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, n'exclut pas qu'il puisse exister entre elles des différences de régime tenant aux objectifs poursuivis par le législateur dans chacun de ces domaines, en particulier quant à la catégorie des personnes qu'il a entendu protéger et à la nature des contrats concernés ; qu'ainsi, l'article L. 442-6, I, 2° précité, qui figure dans le Livre quatrième du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et au Chapitre II du Titre IV, dédié aux pratiques restrictives de concurrence, n'exclut pas, contrairement à l'article L. 212-1 du code de la consommation, que le déséquilibre significatif puisse résulter d'une inadéquation du prix au bien vendu ; qu'en outre, la cour d'appel a exactement retenu que la loi du 4 août 2008, en exigeant une convention écrite qui indique le barème de prix tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, a entendu permettre une comparaison entre le prix arrêté par les parties et le tarif initialement proposé par le fournisseur ; qu'il suit de là que l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce autorise un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d'une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le Galec fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que la loi LME du 4 août 2008 a instauré le principe de libre négociabilité des tarifs et supprimé l'obligation de justifier toute réduction du prix fournisseur par une contrepartie ; que si l'article L. 441-7 du code de commerce dispose que la convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale et qu'elle fixe, notamment, les conditions de l'opérations de vente, y compris les réductions de prix, il n'en résulte pas pour autant que toute réduction de prix ne puisse intervenir qu'en contrepartie d'une obligation consentie par l'acheteur ; qu'en relevant pourtant, pour juger que la RFA Galec créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties aux contrats-cadres, que la loi LME n'avait pas supprimé la nécessité de contrepartie, que la réduction du prix accordée par le fournisseur devait avoir pour cause l'obligation prise par le distributeur à l'égard du fournisseur et qu'en l'espèce, la RFA Galec n'était compensée par aucune obligation réelle, la cour d'appel a violé les articles L. 441-6, L. 441-7 et L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;

2°/ qu'en tout état de cause, à supposer que les dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce impliquent l'exigence d'une contrepartie à toute réduction du prix « fournisseur », l'éventuelle méconnaissance de cette exigence ne conduit pas nécessairement à un « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ; qu'en se bornant à relever, pour juger que la RFA Galec créait un tel déséquilibre, que cette remise était dépourvue de contrepartie réelle et méconnaissait donc les dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 441-7 et L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;

3°/ que la caractérisation de l'infraction prévue à l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce suppose, tout d'abord, que le juge ait mis en balance les droits et obligations des parties au contrat, en les appréciant de manière concrète, que l'obligation imposée au cocontractant ait créé un « déséquilibre » dans ces droits et obligations et, enfin, que ce déséquilibre soit « significatif » ; qu'à supposer que le juge puisse, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, contrôler l'adéquation du prix au produit vendu, il lui appartiendrait alors d'évaluer le juste prix du produit et de rechercher si le tarif obtenu à la suite de la réduction du prix s'écarte significativement de ce juste prix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a procédé à aucun examen, même sommaire, des produits en cause ou des différents taux de remises consentis ; qu'en se bornant à relever que la RFA Galec créait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, sans rechercher si les tarifs obtenus à la suite de la réduction du prix s'écartaient significativement du juste prix des produits, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt rappelle que la loi du 4 août 2008, qui a posé le principe de la libre négociabilité des conditions de vente, et notamment des tarifs, a maintenu le principe selon lequel les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale ; qu'il relève que la libre négociabilité tarifaire se traduit notamment, pour le fournisseur, par la possibilité, prévue à l'article L. 441-6 du code de commerce, de convenir avec le distributeur de conditions particulières de vente, mais que les obligations auxquelles les parties s'engagent en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale doivent néanmoins être formalisées dans une convention écrite...

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