Décision judiciaire de Conseil d'Etat, 12 juillet 2013 (cas Conseil d'État, Assemblée, 12/07/2013, 344522, Publié au recueil Lebon)

Date de Résolution12 juillet 2013
JuridictionCouncil of State (France)
Nature Décision

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 novembre 2010 et 23 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Fédération nationale de la pêche en France ; la Fédération nationale de la pêche en France demande au Conseil d'Etat :

  1. ) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-1110 du 22 septembre 2010 relatif à la gestion et à la pêche de l'anguille en tant qu'il prévoit d'autoriser les pêcheurs professionnels à pêcher l'anguille de moins de douze centimètres et l'anguille argentée ;

  2. ) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 septembre 2010 relatif aux dates de pêche de l'anguille européenne (Anguilla anguilla) ;

  3. ) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la mise en place d'autorisations de pêche de l'anguille en eau douce ;

  4. ) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 octobre 2010 relatif aux obligations de déclarations des captures d'anguille européenne par les pêcheurs en eau douce ;

  5. ) d'enjoindre au Premier ministre de réexaminer le décret attaqué, d'étendre l'interdiction de la pêche de l'anguille de moins de douze centimètres et de l'anguille argentée à tout pêcheur, tant professionnel que de loisirs, en tous lieux, et d'assortir l'interdiction de toutes les mesures appropriées à la préservation de l'anguille européenne conformément au règlement (CE) n° 1100/2007 du 18 septembre 2007 ;

  6. ) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 1100/2007 du 18 septembre 2007 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la Fédération nationale de la pêche en France ;

  1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Conseil de l'Union européenne a adopté le 18 septembre 2007 le règlement (CE) n° 1100/2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes (Anguilla anguilla), espèce migratrice catadrome qui se reproduit dans la mer des Sargasses et grandit dans les eaux douces européennes, désormais classée dans la catégorie des espèces en situation de " danger critique d'extinction " ; que ce règlement a, notamment, imposé aux Etats membres d'élaborer un plan de gestion de l'anguille pour chaque bassin hydrographique et de le soumettre à la Commission avant le 31 décembre 2008 ; que l'objectif de ces plans de gestion est, dans une perspective de long terme, de " réduire la mortalité anthropique afin d'assurer avec une grande probabilité un taux d'échappement vers la mer d'au moins 40 % de la biomasse d'anguilles argentées " ; que, parmi les mesures des plans de gestion, figurent notamment, outre des mesures de repeuplement ou d'aménagement des cours d'eaux, " la réduction de l'activité de pêche commerciale " et " la limitation de la pêche récréative " ; que les plans doivent, en outre, comprendre des mesures permettant de suivre et de vérifier la réalisation de l'objectif fixé par le règlement en termes de taux d'échappement ; qu'en application de ce règlement, la France a présenté à la Commission le 31 décembre 2008 un plan national de gestion de l'anguille, ultérieurement révisé les 12 novembre 2009 et 3 février 2010 conformément à ce que prévoit l'article 5 du règlement ; que, par une décision du 15 février 2010, la Commission a approuvé, au vu des résultats de l'évaluation technique et scientifique réalisée par le Conseil international pour l'exploration de la mer, le plan de gestion français révisé ;

  2. Considérant qu'au titre des mesures de mise en oeuvre du plan national de gestion de l'anguille a été pris le décret du 22 septembre 2010 relatif à la gestion et à la pêche de l'anguille ; que ce décret interdit la pêche de l'anguille, aux trois stades de son développement (anguille de moins de douze centimètres, anguille jaune, anguille argentée), en dehors des limites des unités de gestion fixées par arrêté du préfet de région ; que l'article R. 436-65-3 du code de l'environnement, créé par l'article 1er de ce décret, interdit la pêche de l'anguille de moins de douze centimètres en amont des limites transversales de la mer à tous les pêcheurs, de loisir comme professionnels, mais institue un régime d'autorisation préalable de la pêche professionnelle de l'anguille de moins de douze centimètres dans les cours d'eau, leurs affluents et sous-affluents et dans les canaux dont l'embouchure est sur la mer du Nord, la Manche et la façade atlantique, pendant une période de cinq mois consécutifs au plus et dans la limite de quotas fixés par arrêté ministériel ; que l'article R. 436-65-5 du code de l'environnement, créé par le même article du décret, interdit la pêche de l'anguille argentée en amont des limites transversales de la mer à tous les pêcheurs mais institue un régime d'autorisation de la pêche professionnelle de l'anguille argentée sur certains cours d'eau et plans d'eau des unités de gestion de l'anguille Loire, Bretagne et Rhône-Méditerranée, pendant une période et dans des conditions fixées par arrêté ministériel ; que l'article 7 du même décret interdit la pêche de l'anguille de moins de douze centimètres en aval des limites transversales de la mer à tous les pêcheurs, mais institue un régime d'autorisation de la pêche professionnelle de l'anguille de moins de douze centimètres sur la façade atlantique, en Manche et en mer du Nord, pendant une période de cinq mois consécutifs au plus et dans la limite de quotas fixés par unité de gestion ; qu'enfin, l'article 9 du même décret interdit la pêche de l'anguille argentée en aval des limites transversales de la mer à tous les pêcheurs, mais institue un régime d'autorisation de la pêche professionnelle de l'anguille argentée sur la façade méditerranéenne, pendant une période fixée par arrêté ministériel ;

  3. Considérant que, par arrêté du 29 septembre 2010 pris sur le fondement du décret du 22 septembre 2010, le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat et le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ont défini les dates de pêche de l'anguille de moins de 12 centimètres, de l'anguille jaune et de l'anguille argentée par unité de gestion ; que, par deux arrêtés des 4 et 22 octobre 2010 pris sur le fondement du même décret, le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat a respectivement précisé, d'une part les conditions de délivrance des autorisations de pêche de l'anguille aux pêcheurs en eau douce, d'autre part les modalités de mise en oeuvre de l'obligation de déclaration des captures d'anguille européenne faite aux pêcheurs en eau douce ;

  4. Considérant que la Fédération nationale de la pêche en France demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 septembre 2010 en tant qu'il permet d'autoriser, en amont comme en aval des limites transversales de la mer, les pêcheurs professionnels à pêcher l'anguille de moins de douze centimètres et l'anguille argentée ; qu'elle doit être regardée comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés des 29 septembre et 4 octobre 2010 en tant seulement qu'ils s'appliquent à la pêche de l'anguille de moins de douze centimètres et à la pêche de l'anguille argentée ; qu'elle demande en outre l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 octobre 2010 ;

    Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 22 septembre 2010 :

    Sur le cadre juridique du litige :

  5. Considérant que l'article 34 de la Constitution prévoit, dans la rédaction que lui a donnée la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que " la loi détermine les principes fondamentaux (...) de la préservation de l'environnement " ; que, selon l'article 3 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la même loi constitutionnelle, " Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en...

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