Conseil d'État, Juge des référés, 31/07/2023, 476028, Inédit au recueil Lebon

Record NumberCETATEXT000047935776
Date31 juillet 2023
Judgement Number476028
CounselSARL LE PRADO – GILBERT
CourtCouncil of State (France)
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 juillet 2023 et le 19 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Défense des milieux aquatiques demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant à titre principal sur le fondement de l'article L. 122-11 du code de l'environnement et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus du ministre de l'agriculture et de la souveraineté et du secrétaire d'Etat chargé de la mer de faire droit à sa demande tendant à la fermeture partielle de la pêche maritime du 1er au 15 août 2023 dans tous les sites Natura 2000 dédiées au grand dauphin et au marsouin commun du Golfe de Gascogne en ce qui concerne l'activité des chalutiers pélagiques en paire ciblant des espèces démersales, des chalutiers de fond ciblant des espèces pélagiques et démersales, des filets tramails ciblant des espèces pélagiques et démersales, des chalutiers pélagiques à panneaux ciblant des espèces démersales, des sennes ciblant les petites espèces pélagiques, des filets maillants ciblant les espèces pélagiques et démersales et des chalutiers pélagiques en paire ciblant les grandes espèces pélagiques ;

2°) d'ordonner sous huitaine la publication au Journal officiel de la République française du dispositif de cette suspension, au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- les décisions d'autorisation générale de la pêche et de délivrance de licences de pêche, y compris dans les zones Natura 2000, méconnaissent les articles L. 414-4, R. 414-19 et R. 414-23 du code de l'environnement en ce qu'elles ont été prises sans analyse des risques ni évaluation des incidences Natura 2000 et doivent dès lors être suspendues en application de l'article L. 122-11 du code de l'environnement ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, la diminution de la population de dauphin commun perdure depuis dix ans et que son état n'est pas satisfaisant, en deuxième lieu, l'avis du 29 juin 2023 du conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) démontre que les données de mortalité de dauphin commun se sont aggravées par rapport à février 2023 dans le golfe de Gascogne et que plus aucun des scénarios de réduction proposés ne pourraient réduire suffisamment les captures et, en dernier lieu, aucune disposition n'a été annoncée par l'administration pour réduire le pic des captures estivales de dauphin ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle méconnaît l'article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil et l'article L. 414-1 du code de l'environnement dès lors qu'aucune analyse de risque ni d'évaluation des incidences n'a été réalisée avant d'autoriser la pêche dans les sites marins Natura 2000 du golfe de Gascogne ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les échouages de dauphins sont plus importants que les années précédentes, qu'ils excèdent les prévisions de capture établies par le conseil international pour l'exploration de la mer et que la fermeture de la pêche du 1er au 15 août 2023 serait la dernière opportunité pour ne pas aggraver le bilan des captures de 2023, sans impacter de manière significative le secteur de la pêche maritime ;
- elle méconnaît le principe de précaution ;
- la suspension de la décision devra faire l'objet d'une publication afin d'assurer l'information des tiers intéressés et maintenir la sécurité juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au secrétaire d'Etat chargé de la mer qui n'ont pas produit d'observations.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 juillet 2023, présentée par l'association Défense des milieux aquatiques.


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Défense des milieux aquatiques, et d'autre part, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, la Première ministre, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le secrétaire d'Etat chargé de la mer ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 20 juillet 2023, à 14 heures :

- Me Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Défense des milieux aquatiques ;

- le représentant de l'association Défense des milieux aquatiques ;

- les représentants du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ;

- la représentante du secrétaire d'Etat chargé de la mer ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au lundi 24 juillet 2023 à 18 heures.
Par un mémoire après audience, enregistré le 23 juillet 2023, l'association Défense des milieux aquatiques maintient l'ensemble de ses conclusions. Elle soutient, en premier lieu, que la décision attaquée entre dans le champ des dispositions l'article L. 414-4 du code de l'environnement dès lors que l'activité de pêche maritime doit être assimilée à une occupation du domaine public maritime, en deuxième lieu, que la condition d'urgence est satisfaite et, en dernier lieu, qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Par deux mémoires après audience, enregistrés les 21 et 24 juillet 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la décision attaquée n'entre pas dans le champ des dispositions l'article L. 414-19 du code de l'environnement.



Considérant ce qui suit :

1. L'association Défense des milieux aquatiques demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement, à titre principal, de l'article L. 122-11 du code de l'environnement ou, à titre subsidiaire, de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite de refus du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et du secrétaire d'Etat chargé de la mer de faire droit à sa demande tendant à la fermeture partielle de la pêche maritime du 1er au 15 août 2023 dans tous les sites Natura 2000 dédiées au grand dauphin et au marsouin commun du Golfe de Gascogne et en périphérie immédiate de ces sites.

Sur le cadre juridique du litige :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche (PCP), qui en fixe les objectifs, cette dernière, notamment, d'une part, " applique l'approche de précaution en matière de gestion des pêches et vise à faire en sorte que l'exploitation des ressources biologiques vivantes de la mer rétablisse et maintienne les populations des espèces exploitées au-dessus des niveaux qui permettent d'obtenir le rendement maximal durable ", et d'autre part " met en œuvre l'approche écosystémique de la gestion des pêches afin de faire en sorte que les incidences négatives des activités de pêche sur l'écosystème marin soient réduites au minimum ". L'article 6 de ce règlement prévoit qu'aux fins de la réalisation des objectifs énoncés à l'article 2, l'Union européenne adopte des mesures de conservation dont la nature est précisée aux articles 7 et suivants. L'article 19 de ce règlement permet en outre à chaque Etat membre d'" adopter des mesures pour la conservation des stocks halieutiques dans les eaux de l'Union " à la triple condition que ces mesures " a) s'appliquent uniquement aux navires de pêche battant son pavillon ou, dans le cas d'activités de pêche qui ne sont pas menées par un navire de pêche, à des personnes établies sur cette partie de son territoire auquel le traité s'applique; / b) soient compatibles avec les objectifs énoncés à l'article 2; / c) soient au moins aussi strictes que les mesures existantes en vertu du droit de l'Union ".

3. Le règlement (UE) 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à la conservation des ressources...

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