CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 04/04/2024, 22VE00794, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. EVEN
Record NumberCETATEXT000049372648
Judgement Number22VE00794
Date04 avril 2024
CounselGRINFOGEL
CourtCour administrative d'appel de Versailles (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cromology services a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire lui a infligé une amende administrative de 562 694 euros, ou à titre subsidiaire, de réformer cette décision.

Par un jugement n° 1909636 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ramené la sanction prononcée à l'encontre de la société Cromology services le 21 juin 2019 à un montant de 281 347 euros et a rejeté le surplus des conclusions présentées par cette société.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, la société Cromology services, représentée par Me Grinfogel, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le ministre de la transition écologique et solidaire lui a infligé une amende administrative de 562 694 euros ;

3°) d'ordonner le remboursement de toute somme mise en recouvrement avant l'annulation des décisions attaquées, assortie des intérêts au taux légal ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que l'instruction n'a pas été rouverte en dépit de la production d'un mémoire enregistré le 7 janvier 2022 contenant des éléments de droit et de fait nouveaux, qu'elle n'était pas en mesure de produire avant la clôture de l'instruction ;
- les premiers juges ont méconnu leur office en matière de plein contentieux des sanctions administratives en faisant application des nouvelles dispositions de l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement à la place de celles de l'article L. 541-10-11 du même code, dans leur version applicable à la date de la sanction attaquée ;
- il est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée ;
- les premiers juges ont méconnu son droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ;
- il est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas tenu compte de certaines pièces qu'elle a produites devant eux ;
- il est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
- il est irrégulier en tant que les premiers juges ont dénaturé l'un des moyens qu'elle a soulevé devant eux, tiré de la critique du calcul de l'amende retenue par l'administration ;
- l'amende administrative est entachée d'irrégularité en raison de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée ;
- elle méconnaît le principe d'impartialité ;
- elle est irrégulière en ce qu'elle méconnaît les garanties procédurales prévues par l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement et par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que les droits de la défense ;
- elle est insuffisamment motivée en ce qui concerne les manquements reprochés à la société, ainsi que sur le montant de l'amende ;
- elle est entachée d'irrégularité en ce qu'elle ne mentionne pas le délai et les modalités de paiement de l'amende ;
- elle méconnaît le principe de non-rétroactivité de la loi répressive la plus sévère ;
- elle méconnaît les principe de légalité des délits et des peines, ainsi que le principe d'application immédiate de la loi répressive la plus douce ;
- elle méconnaît le principe de nécessité des délits et des peines ;
- elle méconnaît l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement, notamment en ce qui concerne le nombre d'unités, le montant de l'amende par unité de produit concerné, les avantages retirés, le fait que l'exposante a été sanctionnée en sa qualité d'administrateur de la société EcoDDS, et le facteur de gravité retenu ;
- elle méconnaît les articles 10-1, 10-2 et 13-1 de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoirs ;
- elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi.

La requête a été communiquée le 12 juillet 2022 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui n'a pas produit de mémoire en défense ou d'observations.

Par un mémoire distinct, enregistré le 16 septembre 2022, la société Cromology services a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement dans sa version antérieure à la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, de l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement issu de la recodification de l'article L. 541-10-11 opérée par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, puis modifié par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, de l'article L. 541-10 II du code de l'environnement dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et, enfin, de l'article L. 541-10 I et II du code de l'environnement dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2020-105.

Par une ordonnance n° 22VE00793-22VE00794 du 30 juin 2023, le premier vice-président de la Cour, président de la 2e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement dans sa version antérieure à la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 et de rejeter le surplus.

Par une décision n° 475737 du 29 septembre 2023, le Conseil d'Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité transmise au Conseil constitutionnel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Grinfogel pour la société requérante.


Considérant ce qui suit :

1. La société Cromology services, spécialisée dans le secteur de la fabrication de peintures et de produits de décoration, a une activité génératrice de " déchets diffus spécifiques ménagers " (DDS ménagers). Conformément au principe de la responsabilité élargie des producteurs énoncé par les dispositions figurant au II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement, cette société a choisi de participer à la mise en place d'un éco-organisme nommé " EcoDDS ". A la suite de l'expiration de son agrément, survenue le 31 décembre 2018, et dans l'attente d'un nouvel agrément, cette société EcoDDS a temporairement suspendu la collecte des DDS ménagers à compter du 11 janvier 2019. Par une décision du 21 juin 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire a infligé à la société Cromology services une amende administrative d'un montant de 562 694 euros motivée par le manquement à ses obligations découlant de sa responsabilité élargie en tant que producteur de DDS ménagers, au cours de la période allant du 11 au 29 janvier 2019. La société Cromology services fait appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est borné à ramener la sanction prononcée à son encontre à la somme de 281 347 euros.

2. Aux termes de l'article L. 541-10-11 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " En cas d'inobservation d'une prescription définie par la présente section ou les textes réglementaires pris pour son application, le ministre chargé de l'environnement avise la personne intéressée des faits qui lui sont reprochés et de la sanction qu'elle encourt. La personne intéressée est mise à même de présenter ses observations, écrites ou orales, dans le délai d'un mois, le cas échéant, assistée d'un conseil ou représentée par un mandataire de son choix. / Au terme de cette procédure, le ministre chargé de l'environnement peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer une amende administrative dont le montant tient compte de la gravité des manquements constatés et des avantages qui en sont retirés. Ce montant ne peut excéder, par unité ou par tonne de produit concerné, 1 500 € pour une personne physique et 7 500 € pour une personne morale. La décision mentionne le délai et les modalités de paiement de l'amende. / Les sanctions administratives mentionnées au présent article sont recouvrées comme des créances étrangères à l'impôt et au domaine. ". Aux termes de l'article L. 541-9-5 du même code : " En cas d'inobservation d'une prescription définie à la présente...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT