CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 18/12/2020, 14VE02462, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. BEAUJARD
Judgement Number14VE02462
Record NumberCETATEXT000042701314
Date18 décembre 2020
CounselCMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE*
CourtCour administrative d'appel de Versailles (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Crédit Industriel et Commercial (CIC), agissant en tant que tête du groupe d'intégration fiscale de la filiale intégrée CIC Est, anciennement dénommée Crédit industriel d'Alsace-Lorraine a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003, assortie des intérêts moratoires ;

Par une ordonnance du 17 janvier 2011, le président du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, a transmis la demande au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1100432 du 6 juin 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 août 2014, 14 avril 2015, 11 février 2016, 30 mai 2016, 31 août 2016, 24 janvier 2017, 24 avril 2019 et 31 mai 2019, la société CIC, représentée par le cabinet CMS Francis Lefebvre avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie à hauteur de 7 285 152 euros au titre de 2002, et à hauteur de 12 112 337 euros au titre de 2003, et d'assortir ces sommes des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 54 310 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'État aux entiers dépens.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Montreuil :
- les premiers juges ont omis de répondre à plusieurs moyens, tirés de ce qu'il y a lieu de prendre en compte la situation particulière des investisseurs très minoritaires sur lesquels on ne peut pas faire reposer la charge de la preuve de la régularité des distributions, de ce que l'administration n'a entrepris aucune démarche dans le cadre de l'assistance administrative, de ce que les difficultés à collecter les éléments de preuve nécessaires sont dues à l'absence de toute réaction de l'administration suite à la production des premières pièces de la société, et de ce que les demandes en matière de preuve formulées par l'administration dans son mémoire du 10 juin 2013 sont tardives ;
- le jugement litigieux est, par conséquent, entaché d'un défaut de motivation ;
- il repose sur des erreurs de fait et des fausses constations : en particulier, les premiers juges ont estimé à tort que le CIC Est avait limité le quantum de ses demandes, ce qui n'était pas le cas ;
- les premiers juges ont retenu des modalités de calcul des restitutions erronées : la société ne demandait pas l'application d'un pourcentage appliqué à une fraction du montant de l'impôt sur les sociétés ayant frappé les bénéfices à l'origine des dividendes mais l'application du taux de l'avoir fiscal aux dividendes reçus, soit un montant imputable sur l'impôt sur les sociétés égal à 2/3 des avoirs fiscaux ;

Sur le bien-fondé des impositions :
- les décisions du Conseil d'Etat Accor et Rhodia ne peuvent être transposées stricto sensu au cas d'espèce, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un litige relatif au précompte mobilier mais à l'avoir fiscal et qu'il concerne des sociétés qui détiennent moins de 5% des capitaux dans les filiales distributrices de dividendes, ce qui ne leur permet pas d'obtenir les éléments de preuve exigés ;
- la preuve du caractère régulier et ordinaire des distributions est apportée pour presque toutes les distributions, à l'exception des distributions Rodamco North America NV et
Banca Toscana, au titre desquelles elle abandonne ses prétentions ;
- elle justifie du montant de l'impôt acquitté et, le cas échéant, de l'impossibilité de prouver le paiement de l'impôt par les sociétés distributrices établies dans d'autres États membres ;
- eu égard à la position retenue par le Conseil d'Etat dans une décision n° 403332 du 28 janvier 2019, elle accepte le principe d'un plafonnement de l'avoir fiscal en fonction de l'impôt acquitté à l'étranger ainsi que les modalités de calcul précisées par cette décision et par les conclusions du rapporteur public ;
- elle accepte le principe d'une diminution des sommes restituables correspondant au montant de l'avoir fiscal italien qu'elle aurait pu obtenir sur ses titres ; toutefois, en pratique, n'ayant pas obtenu cet avoir fiscal, elle maintient intégralement sa demande quant aux dividendes perçus de sociétés italiennes.
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- les arrêts C-310/09 du 15 septembre 2011 et C-416/17 du 4 octobre 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour le CIC et celles de M. B... pour le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Une note en délibéré, présentée pour le CIC, a été enregistrée le 12 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Crédit industriel et commercial (CIC) Est, filiale du groupe intégré CIC et anciennement société CIAL, a perçu, au titre des années 2002 et 2003, des dividendes versés par ses filiales établies dans d'autres États membres de l'Union européenne, dividendes qui ne relevaient pas du régime fiscal des sociétés mères. Elle n'a pas pu bénéficier, à l'occasion de ces distributions, de l'avoir fiscal prévu par les dispositions alors applicables de l'article 158 bis du code général des impôts qui réservaient le bénéfice de ce crédit d'impôt aux seuls dividendes de source française. La société CIC relève régulièrement appel du jugement du 6 juin 2014, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté à raison de ces dividendes, à hauteur de l'avoir fiscal auquel la perception de ces dividendes aurait donné droit si les sociétés distributrices avaient été établies en France, soit 11 594 157 euros au titre de 2002 et 18 194 301 euros en 2003. Dans le dernier état de ses écritures, la société requérante limite sa demande de restitution aux sommes de 7 285 152 euros au titre de 2002 et de 12 112 337 euros au titre de 2003, qui correspond à l'avoir fiscal auquel elle aurait pu prétendre au titre de 71 lignes de distributions.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu aux moyens tirés de ce que la société CIC justifiait du taux, du montant ainsi que du paiement de l'impôt sur les sociétés effectivement acquitté à l'étranger sur les dividendes versés par des filiales dans l'Union européenne. A cette occasion, ils n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens, tels que la prise en compte de la situation particulière des investisseurs très minoritaires, pas plus que sur les griefs faits à l'administration qui n'aurait entrepris aucune démarche dans le cadre de l'assistance administrative, qui n'aurait pas réagi suite à la production des premiers éléments de preuve produits et qui aurait fait connaître tardivement la nature des pièces justificatives attendues. Par suite, les moyens tirés du défaut de réponse à plusieurs moyens et de l'insuffisance de motivation doivent être écartés.
3. En second lieu, si la société CIC soutient que les premiers juges se seraient appuyés sur de fausses constatations, en estimant à tort qu'elle avait limité le montant de ses demandes et en traduisant de manière erronée les modalités de calcul de l'avoir fiscal dont elle demandait le bénéfice, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ne constitue pas un moyen d'irrégularité du jugement et ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des demandes de restitution :
En ce qui concerne la compatibilité du dispositif de l'avoir fiscal au droit de l'Union :
4. Aux termes du I de l'article 158 bis du code général des impôts, en vigueur pendant les années d'imposition en litige : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué:/ a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ;/ b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor [...] / Le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa est fixé à [...] 10 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2003. [...] ".
5. Aux termes du 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " [...] toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres [...] sont interdites ".
6. Il résulte de l'arrêt C-310/09 du 15 septembre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne que ces dispositions s'opposent à la législation d'un État membre, telle que la législation française, ayant pour objet d'éliminer la double imposition économique des...

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