CAA de PARIS, 9ème chambre, 23/12/2022, 21PA00542, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. CARRERE
Judgement Number21PA00542
Record NumberCETATEXT000046888591
Date23 décembre 2022
CounselTUROT
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Bouygues a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 84 978 819 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'adoption et de l'application du paragraphe III de l'article 34 de la loi n° 2006-1170 du 30 décembre 2006.

Par une ordonnance n° 1718795 du 5 septembre 2018, la présidente de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité au principe d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de la portée effective conférée par l'interprétation du Conseil d'Etat à l'autorisation prévue par les dispositions du II de l'article 34 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006.
Par un jugement n° 1718795 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er février 2021 et 2 mai 2022, la SA Bouygues, représentée par Me Turot et Me Briard, avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, en réparation de son préjudice résultant de l'intervention de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006, une somme globale de 117 427 606 euros, augmentée des intérêts légaux capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, outre la somme de 10 000 euros demandée à ce titre en première instance, la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement et ont manqué à leur obligation d'assurer le respect du contradictoire ;
- l'application de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 lui a occasionné un préjudice d'un montant de 55 418 589 euros consistant en son exclusion du bénéfice du dispositif de déduction fiscale, un préjudice porté à un montant de 61 999 017 euros lié au coût d'indisponibilité de la somme correspondant à la dette fiscale dont elle a dû s'acquitter, et un préjudice économique, résultant d'une distorsion de concurrence, et moral, lié à la médiatisation de son redressement, d'un montant de 10 000 euros ;
- la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors que le préjudice que lui a directement occasionné la loi du 30 décembre 2006 est grave, spécial et anormal et que les auteurs de cette loi n'ont pas entendu exclure, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ;
- la responsabilité de l'Etat pour manquement à ses obligations conventionnelles est susceptible d'être engagée, d'une part pour manquement aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales résultant de ce que les premiers juges ont fait droit à l'exception recours parallèle opposée par l'administration à sa demande portant sur le préjudice résultant de son exclusion du bénéfice de l'avantage fiscal en litige, et, d'autre part, pour manquement aux stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- sa requête est recevable, nonobstant son précédent recours tendant à contester le
bien-fondé de l'imposition, dès lors que, d'une part, le fondement de son recours indemnitaire est distinct malgré l'équivalence des montants, et que, d'autre part, la règle de l'exception de recours parallèle ne saurait lui être opposée sans entraîner une violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Par un mémoire en défense et un mémoire en duplique, enregistrés les 10 septembre 2021 et 13 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- la requête est irrecevable, s'agissant du préjudice résultant de l'exclusion du bénéfice de l'avantage fiscal, compte tenu de l'existence d'un recours parallèle de même objet ;
- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la Constitution ;
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et son premier protocole additionnel ;
- la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social ;
- l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Carrère,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Turot, représentant la SA Bouygues.

Considérant ce qui suit :

1. Sur délégation de compétence donnée le...

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