CAA de PARIS, 8ème chambre, 15/04/2024, 23PA04709, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme VRIGNON-VILLALBA
Record NumberCETATEXT000049424260
Judgement Number23PA04709
Date15 avril 2024
CounselPERE
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2023 par lequel le préfet de police de Paris a décidé son transfert aux autorités polonaises et d'enjoindre au préfet territorialement compétent d'enregistrer sa demande d'asile, de lui délivrer un formulaire OFPRA et une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de cinq jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de verser à son conseil la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. G... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2023 par lequel le préfet de police de Paris a décidé son transfert aux autorités polonaises et d'enjoindre au préfet territorialement compétent d'enregistrer sa demande d'asile, de lui délivrer un formulaire OFPRA et une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de cinq jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de verser à son conseil la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2321184, 2321222/8 du 16 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, à l'article 1er de son jugement, admis Mme A... et M. D..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à l'article 2, annulé les arrêtés du 1er septembre 2023 par lesquels le préfet de police de Paris a décidé du transfert de Mme A... et de M. D... aux autorités polonaises, à l'article 3, enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme A... et de M. D... et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, à l'article 4, mis à la charge de l'Etat le versement à Me Père, sous réserve de leur admission définitive au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance et, à l'article 5, rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2023 et le 21 mars 2024, le préfet de police de Paris demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2321184, 2321222 du 16 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... et de M. D....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'arrêté du 1er septembre 2023 portant transfert de Mme A... était insuffisamment motivé et a annulé par voie de conséquence l'arrêté du même jour décidant le transfert de M. D... ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... et M. D... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par deux mémoires enregistrés le 29 février 2024, Mme A... et M. D... concluent au rejet de la requête et demandent, chacun, que le paiement à leur conseil de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le moyen soulevé par le préfet de police n'est pas fondé ;
- en tout état de cause, l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il aurait dû viser le a) de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013, dont le préfet aurait dû faire application, et non pas le b) de ce même article, dont le préfet a fait application ;
- les arrêtés attaqués méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le préfet ne pouvait pas se fonder sur les dispositions du b) de l'article 11 règlement (UE) n° 604/2013 pour décider que F... était l'Etat responsable au sens de ce règlement ; en vertu du a) de ce même article, dès lors que Mme A... et ses deux enfants n'ont pas déposé de demande d'asile en Pologne mais en ont déposé une en France, c'est celle-ci qui était l'Etat responsable de l'examen des demandes de protection de l'ensemble de la famille.
Par une lettre du 6 mars 2024, la cour a informé les parties qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'arrêté portant transfert de Mme A... aux autorités polonaises pouvait être légalement fondé, avec le même pouvoir d'appréciation et sans priver l'intéressé d'aucune garantie, sur les dispositions du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 au lieu des dispositions de l'article 11 de ce même règlement.

Mme A... et M. D... ont présenté leurs observations en réponse à cette communication le 18 mars 2024.

Le préfet de police a présenté ses observations en réponse à cette communication le 21 mars 2024.

Mme A... et M. D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 7 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit :

1. Mme A... et M. D..., nés respectivement le 11 mai 1986 et le 1er mai 1982 à Luanda (Angola) sont, selon leurs déclarations, entrés en France, avec leurs deux filles, à l'été 2023. Le 17 juillet 2023, ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Après avoir été informés par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé des empreintes de M. D... avait révélé qu'il avait présenté une demande d'asile en Pologne, le 5 juin 2023, le préfet de police de Paris a saisi les autorités polonaises d'une demande de reprise en charge de M. D... sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, puis, le 3 août 2023, d'une demande de prise en charge de Mme A... sur le fondement de l'article 11 de ce même règlement. Les autorités polonaises ayant expressément accepté de prendre en charge les intéressés et leurs deux enfants, le 9 août 2023, sur le fondement de c) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, après réexamen conformément au paragraphe 2 de l'article 5 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 s'agissant de Mme A... et des deux enfants du couple, le préfet de police de Paris a décidé leur transfert par deux arrêtés du 1er septembre 2023, qui ont été annulés par un jugement du 16 octobre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris. Le préfet de police relève régulièrement appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui...

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