CAA de DOUAI, 2ème chambre, 09/04/2024, 22DA02443, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme Massias
Record NumberCETATEXT000049424417
Judgement Number22DA02443
Date09 avril 2024
CounselCABINET CHAUTEMPS
CourtCour administrative d'appel de Douai (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Méricourt a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés ERG, Nord Constructions Nouvelles (NCN), Houyez et Dekra Industrial à lui verser la somme de 128 099,56 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices financiers qu'elle a subis du fait des fautes contractuelles commises par ces dernières à l'occasion des opérations de construction d'un restaurant municipal et d'un centre social situés rue de la Gare et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1709747 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a mis la société ERG hors de cause et a condamné les sociétés NCN, Houyez et Dekra Industrial à verser solidairement à la commune de Méricourt une somme de 121 694,58 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Il a fixé les quotes-parts de responsabilité de ces sociétés à hauteur de 10% pour la société Dekra Industrial, 40% pour la société NCN et 50% pour la société Houyez et les a condamnées à se garantir mutuellement sur cette base. Enfin, il a condamné les mêmes sociétés à verser à la commune de Méricourt et à la société ERG la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions des parties pour le surplus.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 novembre 2022, 13 février 2023, 17 mars 2023, 6 juin 2023, 9 octobre 2023 et 31 octobre 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) Houyez, représentée par Me Véronique Ducloy, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement, de rejeter les demandes de la commune de Méricourt à son encontre et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en fixant les quotes-parts de responsabilité comme suit : 15 % pour la société Houyez, 10 % pour la société Dekra Industrial, 40 % pour la société ERG et 35 % pour la société NCN et de rejeter les demandes des sociétés ERG et Dekra Industrial à son encontre ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Méricourt ou de tout autre succombant le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la société ERG avait clairement informé la commune de la nécessité de conduire une étude G2 PRO ; la commune de Méricourt a délibérément fait le choix de ne pas affermir la tranche conditionnelle, portant sur la réalisation d'une telle étude, de son contrat avec la société ERG ; le maître d'œuvre a confirmé la nécessité d'une telle étude dès la remise, le 31 juillet 2015, du dossier de consultation des entreprises ; son sous-traitant le lui a rappelé une nouvelle fois par un courriel du 5 octobre 2016, antérieur au début des travaux de fondations ; la commune n'a commandé que tardivement cette étude, après le début des travaux de fondations ; le maître d'œuvre n'est en tout état de cause pas le mandataire de la commune dans ses rapports avec la société ERG ; la commune de Méricourt est donc seule à l'origine de son préjudice ;
- la société ERG a commis une faute en donnant, dans son étude G2 AVP, une définition erronée ou du moins insuffisamment précise de la nature du sol ; la détermination des caractéristiques géologiques et géomécaniques du sol relève du champ de l'étude G2 AVP et non de celle de l'étude G2 PRO qui a seulement pour objet de déterminer le mode de fondations à prévoir ; dès lors que cette étude a induit en erreur la maîtrise d'œuvre et la maîtrise d'ouvrage, il appartient à la société ERG de supporter la réparation de leurs préjudices ; en outre, le maître d'œuvre n'était pas chargé d'assurer la conception technique détaillée des travaux de gros œuvre et les études d'exécution ; le lot " Gros œuvre " mettait ces missions à la charge du titulaire ; la société NCN a elle-même manqué à son obligation de conseil ;
- il s'ensuit que le lien de causalité entre le prétendu manquement du maître d'œuvre à sa mission et les préjudices de la commune n'est pas établi et que le maître d'œuvre ne saurait être condamné à indemniser cette dernière ;
- la société Dekra Industrial a elle-même commis une faute contractuelle en s'abstenant de demander à la commune de réaliser l'étude G2 PRO, en donnant un avis favorable au dimensionnement des pieux le 31 octobre 2016 alors que la commune avait commandé l'étude G2 PRO deux semaines auparavant et en n'identifiant pas l'erreur dont l'étude G2 AVP était entachée ; il s'ensuit que la part de responsabilité de la société Houyez ne saurait en tout état de cause être fixée à plus de 15 %.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier 2023 et 8 septembre 2023, la société ABO-ERG Géotechnique, anciennement dénommée ERG, représentée par Me Marie-Laure Carrière, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il la met hors de cause, au rejet de la requête d'appel de la société Houyez en tant qu'elle est dirigée contre elle et au rejet des demandes de l'ensemble des autres parties à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Houyez, BA BAT et Dekra Industrial soient condamnées à la relever et la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause, à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société Houyez ou de toute autre partie déclarée responsable au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :
- le rapport G2 AVP, remis le 20 juillet 2015, constituait une simple ébauche et devait être confirmé par la réalisation d'une étude G2 PRO conformément à ce que prévoit la norme NF P 94-500 ; ce rapport ne comporte pas d'erreur d'interprétation dès lors qu'il indique clairement, s'agissant de la couche de craie limoneuse, des variations de caractéristiques importantes ; ce rapport a permis de poser l'indication de fondations profondes de type pieux, ce qui n'a pas été démenti par la suite ; l'ancrage préconisé par le rapport reposait sur des pieux de 12 mètres ancrés de 6,40 mètres dans la craie ; la société Atlas Fondations a fait une mauvaise interprétation de ce rapport dès lors qu'elle a retenu une majorité de pieux descendus à seulement 8 mètres de profondeur, ce qui n'est pas cohérent avec l'ancrage préconisé dans le rapport G2 AVP ;
- le lancement du projet sans réalisation de l'étude G2 PRO relève de la responsabilité du maître d'ouvrage, qui s'est sciemment abstenu de la commander, et de celle du maître d'œuvre, qui a failli à ses missions en ne conseillant pas le maître d'ouvrage sur ce point et en élaborant le projet sans cette étude ; en outre, l'entreprise NCN, débitrice d'une obligation de résultat, a fait une interprétation erronée de l'étude G2 AVP, tandis que le contrôleur technique, tenu de s'assurer que les fondations de l'ouvrage étaient dimensionnées conformément aux règles de l'art géotechnique, s'est abstenu de relever cette erreur commise par cette entreprise ;
- il s'ensuit qu'elle n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles ; en tout état de cause, elle serait fondée à demander à être garantie par les sociétés Houyez, BA BAT, Dekra Industrial, NCN et Atlas Fondations.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 février 2023 et 19 juin 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Dekra Industrial, représentée par Me France Chautemps, conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué, au rejet des demandes de la commune de Méricourt à son encontre et à sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les sociétés ERG et Houyez soient condamnées à la relever et la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute dans l'accomplissement de sa mission, laquelle consiste uniquement dans la prévention des aléas techniques et ne s'étend pas à la prévention des aléas financiers ; en l'espèce, aucune atteinte à la solidité de l'ouvrage, qu'elle aurait dû identifier, n'est rapportée ; seule l'erreur d'interprétation de la société ERG est à l'origine du sous-dimensionnement initial des pieux et du préjudice financier invoqué par la commune ; il ne lui appartenait pas de vérifier les notes de calculs et les hypothèses de l'étude G2 AVP de la société ERG ; en phase exécution, elle a émis un avis suspendu sur le " dossier technique pieux " le 13 octobre 2016 puis un avis défavorable dans son compte-rendu de visite du 20 décembre 2016, confirmé les 16 février 2017 et 3 mars 2017 ;
- dès lors que le maître d'ouvrage a délibérément fait le choix de ne pas solliciter la réalisation de l'étude G2 PRO avant le lancement de l'appel d'offres, sa part de responsabilité ne saurait être fixée à moins de 30 % ;
- la commune n'est...

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