CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 24/06/2019, 17BX01819, 17BX01839, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LARROUMEC
Judgement Number17BX01819, 17BX01839
Record NumberCETATEXT000038684423
Date24 juin 2019
CounselCABINET FERRANT
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Sous le n° 1503048, M. et Mme A...et la Société Espace Loisir ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 2 522 486 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à l'occasion de la cessation de l'activité de leur camping, situé 66 route de la plage à Aytré, après le passage de la tempête Xynthia.

Par un jugement n° 1503048 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.


II. Sous le n° 1500811, M. et Mme A...et la Société Espace Loisir ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 2 160 693 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à l'occasion de la cessation de l'activité de leur camping, situé 66 route de la plage à Aytré, après le passage de la tempête Xynthia.

Par un jugement n° 1500811 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à la Société Espace Loisir une indemnité de 60 849,33 euros en réparation de son préjudice d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable du 22 décembre 2014.


III. Sous le n° 1502831, M. et Mme A...et la Société Espace Loisir ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune d'Aytré à leur verser la somme totale de 2 165 693 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à l'occasion de la cessation de l'activité de leur camping, situé 66 route de la plage à Aytré, après le passage de la tempête Xynthia.

Par un jugement n° 1502831 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.


Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 juin 2017 et 6 décembre 2018 sous le n° 17BX01819, M. et Mme A...et la Société Espace Loisir, représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1503048 du 12 avril 2017 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler la décision du 12 octobre 2015 par laquelle le préfet de Charente-Maritime a rejeté leur réclamation préalable indemnitaire en date du 10 août 2015 ;

3°) de condamner l'Etat à verser, d'une part, à la Société Espace Loisir la somme de 2 141 453 euros et, d'autre part, à M. et Mme A...la somme de 381 033 euros, en réparation de leurs préjudices ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- à titre liminaire, les autorités locales avaient parfaitement connaissance du risque d'inondations et de submersions marines de la zone où se situait le camping dès lors que, d'une part, cette zone avait été classée en zone à risque dans le plan d'occupation des sols applicable en 1978 et 1981, en l'occurrence en zone NDa, et que, d'autre part, le terrain avait été inondé lors de la tempête de 1999 ;
- or lors de la modification du plan d'occupation des sols (POS) de 1990, cette zone d'emplacement a fait l'objet d'un reclassement en zone UE, lequel a été maintenu tant en 2000 qu'en 2005, permettant l'autorisation des " constructions à usage de commerces, de bureaux, de services et les hôtels " et, partant, de leur camping, alors qu'une telle zone impliquait une vigilance accrue de la part de la préfecture quant aux activités proposées lors de l'instruction des demandes d'installation de campings, ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et de la commune d'Aytré, qui ont attendu le passage de la tempête Xynthia pour procéder, à l'occasion de la modification du plan local d'urbanisme du 29 janvier 2013, à un retour au zonage du POS initial, point sur lequel le tribunal administratif n'a pas statué ;
- à cet égard, le classement en zone UE étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation commise par la commune d'Aytré, les services instructeurs de la préfecture de Charente Maritime auraient dû refuser la demande d'autorisation demande d'extension du camping en excipant de l'illégalité du zonage, le Conseil d'Etat ayant rappelé, dans un avis n° 277280, du 9 mai 2005, Marangio, qu'il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement d'urbanisme illégal ;
- en tout état de cause, cette autorisation d'extension aurait dû être refusée sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, relatif aux exigences de sécurité et de salubrité publiques, la délivrance d'un permis de construire illégal, notamment dans le cas de permis autorisant des constructions dans des zones dangereuses, engageant la responsabilité de l'administration ;
- contrairement à ce qu'il soutient, l'Etat avait, par le biais de ses services, participé à l'instruction des autorisations d'occupation des sols de la commune d'Aytré et, partant, de leur camping ;
- dès lors que les services de la préfecture avaient connaissance des risques inhérents à cette zone, ils auraient dû élaborer un plan de prévention des risques naturels prévisibles, conformément aux articles L. 562-1 à L. 562-9 du code de l'environnement, y compris sur le territoire d'une seule commune, les citoyens tenant de l'article L. 125-2 du même code un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent, étant précisé qu'un plan de prévention des risques naturels sur les risques littoraux (submersions marines et inondation) a finalement été arrêté le 27 décembre 2012, après qu'une étude ait été prescrite par arrêté du 26 juillet 2010, la zone dans laquelle se situe leur camping ayant, à cette occasion, été comprise dans le périmètre à risques ;
- si le ministre se prévaut d'une prétendue transmission d'un courrier de porter à connaissance le 23 octobre 2001, l'administration ne produit pas cette pièce devant la cour, sachant que la rédaction de l'article L. 562-1 du code de l'environnement ne laisse présumer aucun doute quant à l'existence d'une obligation et non d'une faculté pour l'Etat de mettre en oeuvre et d'adopter un plan de prévention des risques naturels ;
- la tempête Xynthia n'était pas un phénomène exceptionnel et imprévisible, ce que démontrent tant le rapport sur les " éléments de mémoire et retour d'expérience de la tempête Xynthia ", qui souligne que les tempêtes précédentes étaient nombreuses et d'intensité identique, qu'un rapport d'enquête sénatoriale, lequel a relevé les fautes commises par les communes dans la délivrance des autorisations d'urbanisme dans ces zones à risques de submersion ;
- en outre, la préfecture s'est abstenue, d'une part, d'installer, sur le terrain d'assiette de leur camping, les panneaux indicatifs servant de repères de crues historiques requis par l'article L. 563-3 du code de l'environnement, faute sur laquelle le tribunal n'a pas statué, et, d'autre part, d'élaborer le schéma directeur de prévision des crues prévu par l'article L. 564-2 du code de l'environnement ;
- à cet égard, l'article L. 563-3 du code de l'environnement indique que l'installation de ces panneaux doit s'effectuer " avec l'assistance des services de l'Etat compétents ", ce qui implique que l'installation des repères de crues relève de la compétence de l'Etat ;
- si l'Etat allègue qu'il aurait adopté un schéma directeur de prévision des crues, il se borne à renvoyer à l'arrêté adoptant le schéma directeur de prévision des crues Loire-Bretagne adopté le 20 octobre 2005, soit postérieurement à l'acquisition de leur camping, document qu'il ne produit de surcroît pas à la procédure, ce qui ne permet pas de démontrer que des mesures d'information concrètes sur ce bassin auraient été adoptées ;
- les services de la préfecture n'ont pas davantage transmis aux collectivités territoriales compétentes en matière d'urbanisme les informations relatives au caractère inondable de la zone, en méconnaissance du principe dit de " porter à connaissance " prévu à l'article 121-2 du code de l'urbanisme, les modifications successives du POS de la commune d'Aytré n'ayant pas intégré les risques de submersion ;
- à cet égard, le courrier du 23 octobre 2001 dont le ministre fait état, qui se borne à transmettre l'atlas départemental des risques littoraux qui comportait une cartographie des hauteurs d'eau relevées dans des zones submergées, ne répondait pas aux obligations en matière de porter à connaissance ;
- le fait que le préfet n'ait pas déféré, dans le cadre du contrôle de légalité, les délibérations approuvant les diverses évolutions du POS de la commune de d'Aytré ainsi que de l'arrêté préfectoral autorisant l'extension de leur camping sis route de la plage constitue une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat, qui est caractérisée notamment par l'ancienneté de cette connaissance depuis plus de trente ans, le POS de 1978 classant déjà le terrain en zone à risque ;
- compte tenu de l'ensemble de ces fautes, la Société Espace Loisir a droit au paiement de la somme de 2 141 453 euros correspondant, d'une part, à son préjudice commercial consécutif à la fermeture définitive de leur camping, prononcée par arrêté du 1er juillet 2010, jusqu'à la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation au cours de l'année 2015 (2 121 518,00 euros) et, d'autre part, les intérêts de report des frais bancaires qu'elle n'a pas pu régler du fait d'une absence de trésorerie et en l'absence de versement plus rapide de l'indemnité d'expropriation (19 935,00 euros) ;
- M. et Mme A...ont droit, pour leur part, au versement par l'Etat de la somme totale de 381 033 euros en réparation de leur préjudice moral (5 000 euros), de leur perte de revenus issus de l'activité professionnelle pendant sept ans (134 764 euros pour le premier et 126 000 euros pour la seconde) et de la perte d'abondement d'un plan épargne entreprise...

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