CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 15/12/2021, 20BX02068, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme PHEMOLANT
Judgement Number20BX02068
Record NumberCETATEXT000044512832
Date15 décembre 2021
CounselRUFFIE FRANCOIS CABINET D'AVOCATS
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme AJ... W..., M. B... X..., M. AE... AI..., M. E... F..., Mme P... AH..., Mme AK... G..., M. L... AQ..., M. K... AQ..., M. AU... N..., Mme AL... O..., Mme AB... I..., l'association Vivre en vallée de l'Isle, l'association Sepanso Gironde, la commune de Porchères, M AS... J..., Mme AP... AN..., M. AM... AC..., M. D... R..., M. A... R..., M. Q... AR..., M. Y... AR..., M. H... AD..., M. S... AF..., Mme AO... T..., M. C... U..., M. Z... M... et M. AA... V... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2013 par lequel le préfet de la Gironde a autorisé la société Calcaires et Diorites du Moulin du Roc (CDMR) à exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et graviers ainsi qu'une installation de lavage et de criblage de matériaux sur le territoire des communes de Porchères et de Saint-Antoine-sur-l'Isle.

Par un jugement n° 1403397 et 1404587 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2016 et le 19 septembre 2018, M. AT... J..., M. A... R..., M. Q... AR..., M. Y... AR..., M. S... AF..., Mme AO... T..., M. C... U..., M. AA... V..., Mme AJ... W..., M. B... X..., M. AE... AI..., Mme AK... G..., M. K... AQ..., M. L... AQ..., M. AU... N..., Mme AL... O... et l'association Vivre en vallée de l'Isle et la commune de Porchères, représentés par Me Ruffié, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :
- ils sont recevables à interjeter appel du jugement contesté ; ils étaient recevables à contester l'arrêté d'autorisation en vertu des articles L. 142-2 et R. 514-3-1 du code de l'environnement ;
- l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation est entachée d'insuffisances ; le diagnostic faune/flore contenu dans cette étude est lacunaire ; l'étude d'impact ne prévoit pas que la préservation de la ripisylve est un enjeu à protéger ; l'étude d'impact comporte des analyses contradictoires en ce qui concerne l'impact du projet sur la qualité des eaux ; ses conclusions en ce qui concerne l'impact du projet sur le trafic routier sont erronées ;
- l'évaluation des incidences Natura 2000 contenue dans le dossier d'autorisation est entachée d'insuffisances en ce qui concerne l'objectif de préservation de la ripisylve ;
- l'autorité environnementale et le commissaire-enquêteur ont commis des erreurs sur le volume des matériaux extraits ; cette erreur a nui à l'information du public et de l'administration ;
- l'avis du commissaire-enquêteur doit être regardé comme défavorable car il contient une réserve concernant la détection de la présence de la tortue cistude dans l'emprise du projet qui n'a pas été levée ;
- la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) s'est réunie avant qu'une étude complémentaire ne soit réalisée sur la présence des tortues cistude dans l'emprise du projet ;
- le préfet n'a pas tenu compte des avis défavorables rendus pendant la procédure d'instruction de la demande d'autorisation, en particulier celui de la CDNPS ; le seul avis favorable, celui de la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle, est entaché d'un défaut d'impartialité en raison de l'intérêt personnel du maire et d'autres conseillers municipaux à la réalisation du projet contesté ;
- le projet entraîne la destruction ou au moins la perturbation de la vie des tortues cistude, espèce protégée, et de leurs habitats ; le pétitionnaire aurait dû solliciter une autorisation spéciale après consultation du conseil national de la protection de la nature ou du conseil départemental ;
- l'arrêté d'autorisation est incompatible avec le schéma départemental des carrières (SDC) car il permet la réalisation d'un projet dans une zone que ce document identifie comme présentant des " contraintes ou enjeux environnementaux " ; il s'agit aussi d'une zone que le SDC ne regarde pas comme prioritaire pour l'exploitation des carrières ; enfin, il existe dans l'emprise du projet des parcelles de vigne AOC ;
- les dispositions de la carte communale applicable autorisant la mise en valeur des ressources naturelles dans la zone N, dans laquelle se trouve le projet, sont incompatibles avec le SCOT du Grand Libournais ;
- le projet ne respecte pas non plus le règlement national d'urbanisme applicable à la commune et notamment son article R. 111-14 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison des conséquences néfastes que le projet aura sur les tortues cistude, espèce protégée, observées dans l'emprise de la future exploitation ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des impacts négatifs du projet sur le trafic routier existant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 septembre 2016 et le 19 octobre 2018, la société CDMR, représentée par Me Lanoy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les requérants personnes physiques ne justifient pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 6 novembre 2013 car ils ne démontrent pas l'existence d'un risque d'atteinte aux personnes et à l'environnement résultant du fonctionnement de la carrière ;
- l'objet social de l'association Sepanso Gironde est trop large pour qu'elle soit regardée comme ayant intérêt à contester l'arrêté en litige ; de plus, cette association n'a pas justifié de sa qualité pour agir en première instance ;
- l'association Vivre en Vallée de l'Isle a été créée spécifiquement dans le but de contester l'arrêté du 6 novembre 2013 ; elle ne justifie pas d'un intérêt à agir en application de l'article L. 142-1 du code de l'environnement ; cette association n'est pas non plus représentée par une personne habilitée à cet effet ;
- les moyens ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en intervention, enregistrés le 3 novembre 2016 et le 30 octobre 2017, la commune de Saint-Antoine-sur-l'Isle, représentée par Me Bergeon, conclut à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux.

Par un mémoire en défense, présenté le 11 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Il s'en remet aux observations présentées par le préfet en première instance.

Par un arrêt n° 16BX02153 du 4 décembre 2018, la cour a rejeté la requête.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une décision n° 427655 du 29 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par M. J... et autres, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par des mémoires et des pièces, enregistrés les 18 décembre 2020 ainsi que les 19 janvier, 14 et 28 octobre 2021, l'association Vivre en vallée de l'Isle et autres concluent aux mêmes fins et portent à 3 000 euros le montant de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent également que :
- des éléments de fait et de droit nouveaux justifient la réouverture de l'instruction ; une ordonnance rendue le 27 mars 2018 par le président du tribunal de grande instance de Libourne, a commis un expert pour constater ou non la présence de tortues cistudes sur l'emprise du projet ; le principe du contradictoire n'a pas été méconnu dès lors que le juge judiciaire a considéré que les requérants étaient fondés à ne pas appeler de partie adverse ; il ressort des termes du rapport d'expertise, qui comporte des constatations purement techniques et objectives, qu'à défaut de tortues, ces opérations ont permis d'observer la présence de lotier hérissé sur la zone, celle d'un couple pie-grièche écorcheur à une trentaine de mètres du périmètre concerné et d'au moins un ou deux spécimens de gobemouche gris à l'intérieur de l'emprise du projet ;
- en contestant l'intérêt à agir des différents requérants intervenus devant le tribunal administratif, la société pétitionnaire remet en cause le bien-fondé du jugement et la recevabilité de la requête en appel ; dès lors qu'ils n'ont pas obtenu satisfaction devant le tribunal administratif, leur intérêt à agir est incontestable ;
- leur requête est présentée par des personnes physiques riverains du projet, une association locale ayant pour objet la préservation de la qualité de vie de la commune hébergeant le projet et une association agréée pour la protection de l'environnement dans le département ; la qualité des présidents de ces associations pour ester a été justifiée par des pièces produites devant les premiers juges ;
- la société pétitionnaire n'est pas fondée à contester la régularité des opérations d'expertise réalisée sur ordonnance du président du tribunal de grande instance de Libourne ; le caractère non-contradictoire des opérations est légalement prévu par les dispositions du code de procédure civile ; selon une jurisprudence établie, lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance du principe du contradictoire ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier ; de plus, l'affiliation de l'association Cistude Nature à la Sepanso n'est pas de nature à entacher, à elle-seule...

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