CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 18/11/2021, 19BX02188, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme GIRAULT
Judgement Number19BX02188
Record NumberCETATEXT000044359118
Date18 novembre 2021
CounselCABINET BARDET ET ASSOCIES
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à lui verser une somme totale de 457 326,52 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2014 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de sa prise en charge au sein de cet établissement en 2007.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le CHU de Poitiers à lui verser une somme de 288 381,20 euros au titre des débours exposés et une somme de 1066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1700738 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le CHU de Poitiers, d'une part, à verser à Mme A... une somme de 119 731,66 euros, avant déduction de la provision de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2016 et capitalisation des intérêts au 13 décembre 2017, d'autre part, à verser à la CPAM de la Vienne une somme de 115 338,40 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre de ses débours, ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge du CHU de Poitiers les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 5 252,14 euros, ainsi qu'une somme de 1 600 euros au titre des frais exposés par Mme A..., et a rejeté le surplus des demandes des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mai, 30 septembre, 21 novembre 2019, 27 janvier 2020 et 18 mai 2021, le CHU de Poitiers, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2019 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... et de la CPAM de la Vienne devant le tribunal administratif.

Il soutient que :
- les conclusions incidentes de Mme A... sont irrecevables en ce qu'elles excèdent le quantum de sa demande de première instance ;
- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que sa responsabilité devait être engagée en raison d'une prise en charge post-opératoire fautive et d'un diagnostic tardif d'un syndrome douloureux complexe régional de type II ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il y avait lieu de mettre à sa charge 40 % du montant des préjudices indemnisables subis par Mme A... ;
- la demande d'indemnisation de 10 000 euros formulée Mme A... au titre des frais divers liés à son handicap n'est pas justifiée par la nécessité exposée de s'équiper d'ustensiles de cuisine adaptés à l'amputation de son index ;
- Mme A..., qui était sans activité professionnelle au moment de l'accident et qui n'établit pas qu'elle allait ouvrir une crèche d'entreprise trois mois après les faits, ne justifie pas de pertes de gains professionnels actuels ou futurs ; l'intéressée n'est pas inapte à toute activité professionnelle, notamment celle de conseiller service client à distance pour laquelle elle a été formée ;
- Mme A... n'établit pas le caractère certain des dépenses de santé futures qu'elle évalue à 63 793,15 euros ; elle ne démontre pas que le traitement médicamenteux serait rendu nécessaire par les fautes commises dans sa prise en charge, ni encore qu'elle devrait poursuivre ces traitements dans l'avenir ;
- Mme A... ne saurait solliciter une indemnisation au titre des frais d'aménagement d'un véhicule adapté alors qu'elle n'a pas été autorisée à conduire ;
- l'évaluation faite par le tribunal du préjudice d'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent, du préjudice sexuel permanent, dont Mme A... demande la majoration, n'est pas insuffisante ;
- Mme A... n'établit pas avoir subi un préjudice d'agrément et un préjudice d'établissement ; le tribunal a ainsi fait une évaluation excessive de ses préjudices ;
- contrairement à ce que demande la CPAM, en cas de perte de chance, la réparation qui incombe à l'hôpital doit être fixée en proportion de la chance perdue, et non correspondre à la totalité des frais exposés par elle ;
- il s'oppose à toute capitalisation des frais médicaux futurs de Mme A... ;
- le tribunal administratif ne pouvait faire droit aux demandes de la caisse au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs alors qu'il avait constaté l'absence de préjudice de Mme A... au titre de ces mêmes chefs de préjudice ;
- c'est également à tort que le tribunal administratif a fait droit aux demandes de la caisse au titre de la pension d'invalidité servie à Mme A... ; il n'est pas établi que le versement de cette pension serait imputable à la prise en charge de l'accident du 4 janvier 2007, alors que Mme A... avait déjà été victime en juin 2002 d'un accident à l'origine de fractures du membre supérieur droit à la suite duquel elle s'était vue reconnaître le statut de travailleur handicapé catégorie B ; l'attestation d'imputabilité établie par un médecin-conseil ne mentionne d'ailleurs pas cette pension ; en toute hypothèse, l'assiette du recours de la caisse est, faute de perte de gains professionnels, limitée au préjudice d'incidence professionnelle de Mme A... ; ce préjudice ayant été évalué à 50 000 euros, l'assiette du recours de la caisse est limitée à cette somme.

Par des mémoires, enregistrés les 29 octobre et 5 décembre 2019, 12 février 2020, 7 et 12 mai et 4 juin 2021, Mme A..., représentée par la société d'avocats Giroire-Revalier, conclut au rejet de la requête du CHU de Poitiers et à la mise à la charge de cet établissement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que des dépens, et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, que la somme que le CHU de Poitiers a été condamné à lui verser soit portée, dans le dernier état de ses conclusions, au montant total de 592 250,74 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2014, date de sa consolidation, et capitalisation des intérêts à partir du 22 mars 2015.

Elle soutient que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal, la responsabilité du CHU de Poitiers est engagée et les fautes commises par cet établissement lui ont fait perdre une chance d'amélioration de son état, dont le taux de 40 % doit être confirmé en appel ;
- elle est recevable à actualiser en appel ses demandes indemnitaires, notamment en se référant au nouveau barème de capitalisation de la Gazette du Palais publié en 2020 ;
- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'évaluation des déficits fonctionnels temporaire et permanent ;
- le tribunal lui a alloué à juste titre une somme de 1 799,16 euros au titre des frais de santé temporaires et une somme de 17 836 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire avant sa consolidation ;
- elle justifie avoir exposé des frais divers avant sa consolidation, rendus nécessaires par son handicap ; une somme de 10 000 euros doit lui être allouée à ce titre ;
- elle devait ouvrir une crèche dans les mois suivant son intervention et a ainsi subi une perte de gains professionnels ; cette perte doit être évaluée, sur une base de 1 300 euros par mois, à 488 280 euros pour les gains futurs ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que les frais de dépenses de santé futures dont il était sollicité l'indemnisation n'étaient pas certains ; son traitement médicamenteux est à sa charge, et représente, à raison de 206 boîtes par an au coût unitaire de 25,26 euros, une dépense annuelle de 5 265,36 euros ; elle doit suivre des séances de kinésithérapie, pour un coût annuel de 600 euros en se basant sur 12 consultations au prix unitaire de 50 euros ; son préjudice doit être évalué, après capitalisation, à 307 356,59 euros au titre de ces dépenses de santé permanentes et futures ;
- au titre des frais d'adaptation d'un véhicule, son préjudice doit être évalué, après capitalisation, à 52 402 euros, en se basant sur un surcoût annuel de 1 000 euros ;
- son préjudice permanent d'assistance par tierce personne doit être réévalué par application du nouveau barème de capitalisation de la Gazette du Palais ; l'expert a évalué son besoin d'assistance par une tierce personne permanente à 30 minutes par jour et son besoin d'aide-ménagère à 2 heures par semaine ; le cout de l'aide-ménagère doit être évalué à 153,60 euros par mois et l'assistance par tierce personne à 18 euros par heure ; son préjudice doit être évalué, après capitalisation, à 291 365,60 euros ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation de sa perte de gains professionnels permanente et future, alors pourtant qu'elle terminait tout juste un contrat de travail et avait un projet professionnel ; en se basant sur une perte de revenus de 1 300 euros par mois, son préjudice doit être évalué, après capitalisation, à 488 280 euros ;
- le tribunal a évalué à juste titre à 50 000 euros son préjudice d'incidence professionnelle ;
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de son...

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