Tribunal judiciaire de Paris, 22 décembre 2023, 22/03126
Date | 22 décembre 2023 |
Docket Number | 22/03126 |
Court | Tribunal judiciaire de Paris |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
2ème section
No RG 22/03126
No Portalis 352J-W-B7G-CWMFW
No MINUTE :
Assignation du :
29 Novembre 2021
JUGEMENT
rendu le 22 Décembre 2023
DEMANDERESSE
S.A.S. APODIS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0377
et par Maître Quentin MOUTIER de la SELARL AROBASE, avocat au barreau de TOURS, avocat plaidant,
DÉFENDERESSE
S.A. EQUASENS (anciennement PHARMAGEST INTERACTIVE)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2440
et par Maître Anne WILLIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.
Copies délivrées le :
- Maître DELAYPEUCH #A377 (exécutoire)
-Maître DOMAIN #C2440 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Anne BOUTRON, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DEBATS
A l'audience du 05 Octobre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe la 15 Décembre 2023 puis prorogé au 22 Décembre 2023.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La SA Pharmagest interactive, dont la dénomination sociale est devenue Equasens en mai 2022, concède aux pharmaciens qui contractent avec elle l'usage d'un logiciel de gestion d'officine dénommé "logiciel de gestion à portail intégré" (ci-après LGPI) permettant d'accéder à une ou plusieurs bases de données et à un applicatif de gestion des stocks et d'effectuer des commandes de produits pharmaceutiques et de parapharmacie.
Ce LGPI est installé dans le système informatique de l'officine, qui y accède à l'aide d'un mot de passe confidentiel, et traite les données saisies en son sein.
2. La société Apodis offre également des solutions logicielles à destination des professionnels de santé, pharmaciens et laboratoires, notamment une application informatique appelée "Apodis pharma" de gestion commerciale qui procure aux officines des tableaux de bord et outils de suivi des ventes et des stocks ainsi que des outils de prévention des ruptures de d'approvisionnement.
L'application Apodis pharma est alimentée avec le consentement du pharmacien par un logiciel nommé "Santé secure" qui extrait les données de vente du système informatique.
3. Par constat de commissaire de justice des 11 et 12 octobre 2018, la société Apodis a fait constater que la société Pharmagest interactive avait installé un dispositif informatique empêchant le logiciel Santé secure de se connecter au serveur de données d'une pharmacie de [Localité 5], équipée à la fois du LGPI et du logiciel Apodis Pharma.
A la suite des échanges entre les parties, la société Pharmagest a proposé à la société Apodis de conclure un "contrat de coopération technique et commerciale" lui donnant accès aux données de toutes les pharmacies équipées du logiciel LGPI via un connecteur, moyennant une licence et une redevance de connexion.
4. Par acte du 12 mars 2019, la société Apodis a fait assigner la société Pharmagest interactive devant le tribunal de commerce de Tours pour lui faire interdire tout nouveau blocage du logiciel Santé secure et réparer les conséquences dommageables de celui du 10 octobre 2018.
Par jugement du 29 octobre 2021, le tribunal de commerce de Tours s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris, la société Pharmagest interactive ayant soulevé des moyens tirés de ses droits de propriété intellectuelle.
5. Par constat d'huissier de justice du 23 septembre 2020, la société Apodis a fait constater la chute du nombre de connexions à son logiciel Santé secure dans la semaine du 21 octobre 2019.
6. Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2023, la société Apodis demande au tribunal de :
- interdire à la société Equasens tout acte ayant pour objet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti, sous astreinte, de 100.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- condamner la société Equasens à lui payer la somme de 280.000 euros en réparation des préjudices résultant de la voie de fait commise en octobre 2018 (trouble commercial, atteinte à son image, désorganisation et préjudice moral) ;
- ordonner la publication du jugement;
- condamner la société Equasens aux dépens et à lui payer la somme 44.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
7. Elle fait valoir que :
- la société Equasens a commis une faute si grossière qu'elle constitue une voie de fait en lui interdisant par des moyens illicites l'accès aux données des pharmacies utilisant son LGPI au lieu de recourir aux voies de droit qui lui étaient ouvertes (cf CA Paris 24 septembre 2015, 2014/17586) ;
- le blocage du site est dirigé exclusivement contre elle et est illicite en ce qu'il nécessite l'intrusion sur le système automatisé de données des pharmaciens à des fins autres que celles prévues aux contrats avec les officines, ce qui constitue le délit d'entrave au fonctionnement de ce système prévu à l'article 323-2 du code pénal ;
- ce faisant, la société Equasens ne pouvait se prévaloir d'aucun motif légitime en ce que la certification LAD est sans lien avec la possibilité d'une extraction par Santé secure, qui fonctionne en lecture seule et ne peut altérer les données tandis que la qualité de responsable du traitement au sens du RGPD revient aux pharmaciens eux-mêmes, qui ont donné leur accord à l'extraction de leurs données ;
- ces données ne sont pas des données de santé mais des informations commerciales et des statistiques de vente et la société Equasens n'a aucune objection à les délivrer contre paiement et...
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
2ème section
No RG 22/03126
No Portalis 352J-W-B7G-CWMFW
No MINUTE :
Assignation du :
29 Novembre 2021
JUGEMENT
rendu le 22 Décembre 2023
DEMANDERESSE
S.A.S. APODIS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0377
et par Maître Quentin MOUTIER de la SELARL AROBASE, avocat au barreau de TOURS, avocat plaidant,
DÉFENDERESSE
S.A. EQUASENS (anciennement PHARMAGEST INTERACTIVE)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2440
et par Maître Anne WILLIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.
Copies délivrées le :
- Maître DELAYPEUCH #A377 (exécutoire)
-Maître DOMAIN #C2440 (ccc)COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Anne BOUTRON, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DEBATS
A l'audience du 05 Octobre 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe la 15 Décembre 2023 puis prorogé au 22 Décembre 2023.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La SA Pharmagest interactive, dont la dénomination sociale est devenue Equasens en mai 2022, concède aux pharmaciens qui contractent avec elle l'usage d'un logiciel de gestion d'officine dénommé "logiciel de gestion à portail intégré" (ci-après LGPI) permettant d'accéder à une ou plusieurs bases de données et à un applicatif de gestion des stocks et d'effectuer des commandes de produits pharmaceutiques et de parapharmacie.
Ce LGPI est installé dans le système informatique de l'officine, qui y accède à l'aide d'un mot de passe confidentiel, et traite les données saisies en son sein.
2. La société Apodis offre également des solutions logicielles à destination des professionnels de santé, pharmaciens et laboratoires, notamment une application informatique appelée "Apodis pharma" de gestion commerciale qui procure aux officines des tableaux de bord et outils de suivi des ventes et des stocks ainsi que des outils de prévention des ruptures de d'approvisionnement.
L'application Apodis pharma est alimentée avec le consentement du pharmacien par un logiciel nommé "Santé secure" qui extrait les données de vente du système informatique.
3. Par constat de commissaire de justice des 11 et 12 octobre 2018, la société Apodis a fait constater que la société Pharmagest interactive avait installé un dispositif informatique empêchant le logiciel Santé secure de se connecter au serveur de données d'une pharmacie de [Localité 5], équipée à la fois du LGPI et du logiciel Apodis Pharma.
A la suite des échanges entre les parties, la société Pharmagest a proposé à la société Apodis de conclure un "contrat de coopération technique et commerciale" lui donnant accès aux données de toutes les pharmacies équipées du logiciel LGPI via un connecteur, moyennant une licence et une redevance de connexion.
4. Par acte du 12 mars 2019, la société Apodis a fait assigner la société Pharmagest interactive devant le tribunal de commerce de Tours pour lui faire interdire tout nouveau blocage du logiciel Santé secure et réparer les conséquences dommageables de celui du 10 octobre 2018.
Par jugement du 29 octobre 2021, le tribunal de commerce de Tours s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris, la société Pharmagest interactive ayant soulevé des moyens tirés de ses droits de propriété intellectuelle.
5. Par constat d'huissier de justice du 23 septembre 2020, la société Apodis a fait constater la chute du nombre de connexions à son logiciel Santé secure dans la semaine du 21 octobre 2019.
6. Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2023, la société Apodis demande au tribunal de :
- interdire à la société Equasens tout acte ayant pour objet d'entraver ou de fausser le transfert de données traitées par une officine vers la société Apodis, lorsque ladite officine y a consenti, sous astreinte, de 100.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- condamner la société Equasens à lui payer la somme de 280.000 euros en réparation des préjudices résultant de la voie de fait commise en octobre 2018 (trouble commercial, atteinte à son image, désorganisation et préjudice moral) ;
- ordonner la publication du jugement;
- condamner la société Equasens aux dépens et à lui payer la somme 44.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
7. Elle fait valoir que :
- la société Equasens a commis une faute si grossière qu'elle constitue une voie de fait en lui interdisant par des moyens illicites l'accès aux données des pharmacies utilisant son LGPI au lieu de recourir aux voies de droit qui lui étaient ouvertes (cf CA Paris 24 septembre 2015, 2014/17586) ;
- le blocage du site est dirigé exclusivement contre elle et est illicite en ce qu'il nécessite l'intrusion sur le système automatisé de données des pharmaciens à des fins autres que celles prévues aux contrats avec les officines, ce qui constitue le délit d'entrave au fonctionnement de ce système prévu à l'article 323-2 du code pénal ;
- ce faisant, la société Equasens ne pouvait se prévaloir d'aucun motif légitime en ce que la certification LAD est sans lien avec la possibilité d'une extraction par Santé secure, qui fonctionne en lecture seule et ne peut altérer les données tandis que la qualité de responsable du traitement au sens du RGPD revient aux pharmaciens eux-mêmes, qui ont donné leur accord à l'extraction de leurs données ;
- ces données ne sont pas des données de santé mais des informations commerciales et des statistiques de vente et la société Equasens n'a aucune objection à les délivrer contre paiement et...
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