Tribunal de grande instance de Paris, 7 juin 2022, 15/14150
Date | 07 juin 2022 |
Docket Number | 15/14150 |
Court | Tribunal de Grande Instance de Paris (France) |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 7]
3ème chambre
3ème section
No RG 15/14150 -
No Portalis 352J-W-B67-CGHRH
No MINUTE :
Assignation du :
18 Septembre 2015
JUGEMENT
rendu le 07 Juin 2022
DEMANDEURS
S.A.S. PIXMANIA
[Adresse 3]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. [I] prise en la personne de Maître [J] [H] [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. PIXMANIA
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentées par Maître Didier BRUERE-DAWSON du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0260
DÉFENDERESSE
SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION DE LA COPIE PRIVEE AUDIOVISUELLE ET SONORE, dite COPIE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Olivier CHATEL de l'AARPI ASSOCIATION D'AVOCATS CHATEL - BLUZAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R039
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
Linda BOUDOUR, juge
assistés de Lorine MILLE, greffière,
DÉBATS
A l'audience du 16 Février 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Le jugement était mis en délibéré au 19 avril 2022, la décision a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats qu'elle serait rendue par mise à disposition le 07 juin 2022.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
___________________________
Exposé du litige
1. La société Pixmania distribuait des produits électroniques et notamment des supports de données, ou supports d'enregistrement, soumis à la « rémunération pour copie privée », redevance légale destinée à indemniser les titulaires de droits d'auteurs ou de droits voisins pour l'existence du droit de copie à usage privé, et qui est recouvrée par la ‘Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore', dite Copie France (ci-après « la société Copie France »). La société Pixmania estime avoir payé au titre de ces redevances des sommes qui n'étaient pas dues car fondées sur des produits qui ont été exportés et n'étaient dès lors pas soumis à redevance ; et a assigné la société Copie France en remboursement et dommages et intérêts devant le présent tribunal, le 18 septembre 2015.
2. La société Pixmania a, depuis, bénéficié d'une procédure de sauvegarde (27 octobre 2015), puis été placée en redressement judiciaire (14 janvier 2016), l'ensemble de ses actifs a été cédé (selon jugement du 5 février 2016), et,le 25 février 2016, le redressement a été converti en liquidation.
3. En cours de procédure, la société Pixmania, représentée par son liquidateur, a engagé le 23 mai 2017 une action connexe devant le tribunal de commerce de Nanterre, qui s'est déclaré incompétent au profit du présent tribunal le 5 décembre 2018. Dans l'intervalle, plus précisément entre décembre 2017 et mars 2019, aucun acte n'a été accompli par les parties dans la présente procédure. Aucun acte n'a encore été accompli entre mars 2019 et janvier 2020. Finalement, la mise en état de l'affaire a duré 6 années, au cours desquelles les parties ont échangé, chacune, 9 jeux d'écritures (assignation comprise). Aucun incident n'a dû être jugé, et aucun sursis à statuer n'a été ordonné. Pour autant, aucune radiation n'a été prononcée.
4. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, la société Pixmania, représentée par son liquidateur (la selarl [I] prise en la personne de Me [I])
? demande, « pour le cas où le tribunal l'estimerait nécessaire », de surseoir à statuer et poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
? « Un système déclaratif qui faisait payer une compensation de copie privée, sans distinction de la provenance des approvisionnements, ni de la destination des marchandises en transit est-il compatible avec le régime de la directive no2001/29 »
? « Un système qui conditionne le droit au remboursement pour exportation à la constitution d'un dossier administratif, dont l'examen est remis à la discrétion de la société de gestion collective, et qui de surcroît, dispense l'organisme percepteur de tout devoir d'information sur ses doutes, ni n'impose de délai de restitution de l'avance pouvant, le cas échéant, excéder 3 ans, est-il compatible avec la directive et son exigence de droit de remboursement effectif et ne rendant pas excessivement difficile l'exercice dudit droit au remboursement ? »
? demande, au cas contraire, de condamner la société Copie France à lui payer :
? 10 900 000 euros au titre du remboursement auquel elle avait droit sur l'indemnisation pour copie privée de la période 2003-2015, avec intérêts au taux légal « au jour de leur mise en demeure »
? 325 000 euros « au titre des préjudices de trésorerie, sauf à parfaire »
? 20 740 418,25 euros, au titre de l'insuffisance d'actifs, « déduction faite, le cas échéant, du montant de la condamnation qui aura été prononcée au sujet de la créance de remboursement pour la période 2003 à 2015 » ;
? plus subsidiairement, demande une expertise aux frais avancés de la société Copie France pour estimer le montant des remboursements dus ainsi que des dommages et intérêts ;
? outre 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont recouvrement par le « cabinet Chain association d'avocats » ;
5. Elle invoque d'abord la répétition de l'indu, exposant avoir indument payé des redevances sur des supports exportés, pour un montant net, une fois déduites les redevances réellement dues, non « gelées » par la procédure collective, et non payées, de 11,0 millions d'euros fin 2015, comme en attesterait le rapport d'un cabinet externe du 15 juin 2016 ; elle estime que si les fournisseurs entre les mains desquels elle a versé ces redevances ne les ont pas payées à la société Copie France, c'est à cette dernière qu'il incombe de le prouver ; qu'en toute hypothèse 77 775,28 euros HT restent impayés sans motif valable sur les redevances liées à des fournisseurs dont Copie France a dit s'être assurée du paiement ; et qu'elle dispose d'un droit à remboursement consacré par la Cour de justice de l'Union européenne.
6. Elle invoque ensuite la responsabilité civile de la société Copie France, pour des fautes tenant :
1) à la perception de sommes dont la société Copie France n'aurait jamais dû appeler le paiement, car concernant des marchandises en transit ou destinées à l'export ;
2) à l'appel de redevances sur les entrées en stock des produits alors que la redevance n'est exigible qu'à la sortie de stock ;
3) à n'avoir pas aménagé un dispositif permettant un remboursement effectif et non excessivement difficile : le dispositif n'était pas indiqué, était discrétionnaire, donnant lieu à des vérifications durant près de 3 ans avec un long audit imposé par Copie France de son système informatique, laissant peser sur l'exportateur le risque de défaillance d'un fournisseur, laissant cet exportateur dans la dépendance de l'action ou de l'inaction de la société Copie France, tout en ne l'informant pas de ces éventuelles défaillances de fournisseurs ;
4) à n'avoir pas effectivement remboursé les sommes dues, remboursement que la société Copie France a au contraire conditionné à ses rapports avec les fournisseurs auxquels la société Pixmania estime être étrangère, au demeurant sans démontrer la réalité des litiges invoqués, et alors selon elle qu'il aurait de toute façon suffi à la société Copie France d'éditer un avoir à ces sociétés et d'en informer la société...
JUDICIAIRE
DE [Localité 7]
3ème chambre
3ème section
No RG 15/14150 -
No Portalis 352J-W-B67-CGHRH
No MINUTE :
Assignation du :
18 Septembre 2015
JUGEMENT
rendu le 07 Juin 2022
DEMANDEURS
S.A.S. PIXMANIA
[Adresse 3]
[Localité 6]
S.E.L.A.R.L. [I] prise en la personne de Maître [J] [H] [I] es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. PIXMANIA
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentées par Maître Didier BRUERE-DAWSON du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0260
DÉFENDERESSE
SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION DE LA COPIE PRIVEE AUDIOVISUELLE ET SONORE, dite COPIE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Olivier CHATEL de l'AARPI ASSOCIATION D'AVOCATS CHATEL - BLUZAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R039
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
Linda BOUDOUR, juge
assistés de Lorine MILLE, greffière,
DÉBATS
A l'audience du 16 Février 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Le jugement était mis en délibéré au 19 avril 2022, la décision a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats qu'elle serait rendue par mise à disposition le 07 juin 2022.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
___________________________
Exposé du litige
1. La société Pixmania distribuait des produits électroniques et notamment des supports de données, ou supports d'enregistrement, soumis à la « rémunération pour copie privée », redevance légale destinée à indemniser les titulaires de droits d'auteurs ou de droits voisins pour l'existence du droit de copie à usage privé, et qui est recouvrée par la ‘Société pour la perception de la rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore', dite Copie France (ci-après « la société Copie France »). La société Pixmania estime avoir payé au titre de ces redevances des sommes qui n'étaient pas dues car fondées sur des produits qui ont été exportés et n'étaient dès lors pas soumis à redevance ; et a assigné la société Copie France en remboursement et dommages et intérêts devant le présent tribunal, le 18 septembre 2015.
2. La société Pixmania a, depuis, bénéficié d'une procédure de sauvegarde (27 octobre 2015), puis été placée en redressement judiciaire (14 janvier 2016), l'ensemble de ses actifs a été cédé (selon jugement du 5 février 2016), et,le 25 février 2016, le redressement a été converti en liquidation.
3. En cours de procédure, la société Pixmania, représentée par son liquidateur, a engagé le 23 mai 2017 une action connexe devant le tribunal de commerce de Nanterre, qui s'est déclaré incompétent au profit du présent tribunal le 5 décembre 2018. Dans l'intervalle, plus précisément entre décembre 2017 et mars 2019, aucun acte n'a été accompli par les parties dans la présente procédure. Aucun acte n'a encore été accompli entre mars 2019 et janvier 2020. Finalement, la mise en état de l'affaire a duré 6 années, au cours desquelles les parties ont échangé, chacune, 9 jeux d'écritures (assignation comprise). Aucun incident n'a dû être jugé, et aucun sursis à statuer n'a été ordonné. Pour autant, aucune radiation n'a été prononcée.
4. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 octobre 2021, la société Pixmania, représentée par son liquidateur (la selarl [I] prise en la personne de Me [I])
? demande, « pour le cas où le tribunal l'estimerait nécessaire », de surseoir à statuer et poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
? « Un système déclaratif qui faisait payer une compensation de copie privée, sans distinction de la provenance des approvisionnements, ni de la destination des marchandises en transit est-il compatible avec le régime de la directive no2001/29 »
? « Un système qui conditionne le droit au remboursement pour exportation à la constitution d'un dossier administratif, dont l'examen est remis à la discrétion de la société de gestion collective, et qui de surcroît, dispense l'organisme percepteur de tout devoir d'information sur ses doutes, ni n'impose de délai de restitution de l'avance pouvant, le cas échéant, excéder 3 ans, est-il compatible avec la directive et son exigence de droit de remboursement effectif et ne rendant pas excessivement difficile l'exercice dudit droit au remboursement ? »
? demande, au cas contraire, de condamner la société Copie France à lui payer :
? 10 900 000 euros au titre du remboursement auquel elle avait droit sur l'indemnisation pour copie privée de la période 2003-2015, avec intérêts au taux légal « au jour de leur mise en demeure »
? 325 000 euros « au titre des préjudices de trésorerie, sauf à parfaire »
? 20 740 418,25 euros, au titre de l'insuffisance d'actifs, « déduction faite, le cas échéant, du montant de la condamnation qui aura été prononcée au sujet de la créance de remboursement pour la période 2003 à 2015 » ;
? plus subsidiairement, demande une expertise aux frais avancés de la société Copie France pour estimer le montant des remboursements dus ainsi que des dommages et intérêts ;
? outre 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont recouvrement par le « cabinet Chain association d'avocats » ;
5. Elle invoque d'abord la répétition de l'indu, exposant avoir indument payé des redevances sur des supports exportés, pour un montant net, une fois déduites les redevances réellement dues, non « gelées » par la procédure collective, et non payées, de 11,0 millions d'euros fin 2015, comme en attesterait le rapport d'un cabinet externe du 15 juin 2016 ; elle estime que si les fournisseurs entre les mains desquels elle a versé ces redevances ne les ont pas payées à la société Copie France, c'est à cette dernière qu'il incombe de le prouver ; qu'en toute hypothèse 77 775,28 euros HT restent impayés sans motif valable sur les redevances liées à des fournisseurs dont Copie France a dit s'être assurée du paiement ; et qu'elle dispose d'un droit à remboursement consacré par la Cour de justice de l'Union européenne.
6. Elle invoque ensuite la responsabilité civile de la société Copie France, pour des fautes tenant :
1) à la perception de sommes dont la société Copie France n'aurait jamais dû appeler le paiement, car concernant des marchandises en transit ou destinées à l'export ;
2) à l'appel de redevances sur les entrées en stock des produits alors que la redevance n'est exigible qu'à la sortie de stock ;
3) à n'avoir pas aménagé un dispositif permettant un remboursement effectif et non excessivement difficile : le dispositif n'était pas indiqué, était discrétionnaire, donnant lieu à des vérifications durant près de 3 ans avec un long audit imposé par Copie France de son système informatique, laissant peser sur l'exportateur le risque de défaillance d'un fournisseur, laissant cet exportateur dans la dépendance de l'action ou de l'inaction de la société Copie France, tout en ne l'informant pas de ces éventuelles défaillances de fournisseurs ;
4) à n'avoir pas effectivement remboursé les sommes dues, remboursement que la société Copie France a au contraire conditionné à ses rapports avec les fournisseurs auxquels la société Pixmania estime être étrangère, au demeurant sans démontrer la réalité des litiges invoqués, et alors selon elle qu'il aurait de toute façon suffi à la société Copie France d'éditer un avoir à ces sociétés et d'en informer la société...
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