Le délai de rétractation de l'acquéreur dans la loi SRU : les clarifications apportées par l'arrêt du 27 février 2008 (Cass. Civ. 3ème, 27 février 2008, nº 07-11303 et 07-11936)

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(texte de l'arrêt en page 16) )

Un commentaire de Marc Hérail, Maître de conférences à la Faculté de droit et de science politique de Rennes 1

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1. Depuis la loi nº 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite loi solidarité et renouvellement urbains, le droit de rétractation ou de réflexion accordé à l'acquéreur afin d'éviter les engagements impulsifs n'a cessé de susciter hésitations et interrogations quant à son application. La littérature abondante en la matière et les premiers arrêts des cours d'appel ont permis de répondre à un certain nombre de questions que pouvait rencontrer le praticien. Par un arrêt du 27 février 2008, la troisième chambre civile de la Cour de cassation répond au délicat problème de la modalité de purge du droit de rétractation de l'acquéreur immobilier en mettant fin, en apparence, à quelques divergences d'analyse en doctrine et en jurisprudence.

2. L'affaire, objet de la décision, est des plus banale : un compromis a été signé par l'intermédiaire d'une agence immobilière et remis en main propre à l'acquéreur le jour-même, accompagné des signatures des parties en présence et d'un document expliquant le droit de rétractation de l'acquéreur immobilier non professionnel. La cour d'appel de Rouen (6 décembre 2006) retient que le délai de sept jours n'a alors pas commencé à courir au motif que la remise en main propre du compromis à l'acquéreur par l'agent immobilier ne satisfaisait pas aux modalités de l'article L. 271-1 du CCH.

3. La Cour de cassation se trouve donc en position de répondre à la délicate question de la validité de la purge du droit de rétractation de l'acquéreur par simple remise de la promesse de vente contre récépissé. Les juges rejettent le pourvoi validant l'analyse des juges du fond :

« Mais attendu que la remise de l'acte en mains propres ne répond pas aux exigences de l'article L. 271- 1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de la loi nº 2000-1208 du 13 décembre 2000 ; qu'ayant exactement retenu que le document remis le jour de la signature de la promesse de vente par le mandataire du vendeur ne remplissait pas la condition exigée par la loi d'un mode de notification de l'acte présentant des garanties équivalentes à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour la date de réception et de remise, la cour d'appel, sans violation du principe de la contradiction et sans dénaturation, en a déduit, à bon droit, que le délai de sept jours n'avait pas commencé à courir avant la dénonciation de la promesse par M. Y... le 3 juillet 2003 » .

4. De prime abord, on ne peut que se satisfaire d'une situation désormais clarifiée par les juges, mais une réflexion plus approfondie de la portée et des conséquences de la décision conduit à craindre certaines complications quant à la réalisation de l'opération immobilière. Les craintes sont d'autant plus importantes qu'une malheureuse coïncidence amène à observer que cette décision intervient à un moment où les indicateurs économiques laissent craindre un essoufflement du marché immobilier fragilisant la situation des vendeurs en raison d'une « extension » de la faculté de se rétracter. Par ailleurs, la décision fait abstraction de la loi du 13 juillet 2006 qui autorise la remise en main propre sans que le moindre reproche puisse être fait aux magistrats, la loi étant inapplicable faute de décret.

5. Les juges condamnent ainsi définitivement la pratique, pourtant courante, de la remise en main propre du compromis contre récépissé afin de purger le droit de rétractation (I). Or, le constat d'une pratique contraire à cette décision de la Cour de cassation soulève la délicate question du sort des compromis qui n'ont pas encore été régularisés par acte authentique (II).

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I - La condamnation explicite de la remise en main propre contre récépissé

6. La rédaction de l'article L. 271-1 issu de la loi du 13 décembre à l'acquéreur 2000 laisse place à différentes interprétations concernant le formalisme de la notification du compromis de vente. Certes, la loi dispose que la notification se fait par LRAR tout en ouvrant la possibilité d'une autre modalité sans autre précision que celle relative au respect de la même sécurité que la LRAR. La doctrine a été divisée sur la validité de la remise en main propre contre récépissé, la question principale ayant pour objet le risque d'antidate que génère cette formalité (1) . Les notaires ont estimé possible la purge du droit de rétractation dès lors que sont prises des pré- cautions limitant le risque d'antidate (2) sans que la modalité ne garantisse de manière certaine la date de remi se (3) . La Cour de cassation confirme l'interprétation la plus stricte du texte issu de la rédaction de 2000, sans lever pour autant les hésitations découlant de son application.

A) La confirmation de l'interprétation rigoureuse de l'article L 271-1 du CCH

7. Les premiers arrêts ont été rendus par les cours d'appel d'Orléans et de Toulouse relativement à un compromis remis en main propre par des agents immobiliers aux acquéreurs (4) . Ces derniers ont contesté la régularité de la formalité au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 271-1 du CCH. Ces arrêts témoignent nettement du formalisme uniquement requis pour marquer de manière certaine le point de départ du délai, car le compromis signé par les parties et remis en main propre moyennant récépissé, signé lui-même par l'acheteur, témoigne indéniablement de la reconnaissance par ce dernier de l'existence de la vente et de son droit de rétractation. La crainte de l'antidate a néanmoins conduit les juges à adopter une solution relativement plus rigoureuse. L'article L. 271-1 du CCH dispose que les modalités employées doivent permettre de déterminer précisément la date de réception ou de remise du compromis. On ne saurait prétendre que le législateur impose la date certaine qui ne peut résulter que de formalités ou circonstances précises. A dire vrai, seul est exigé le caractère incontestable de cette date. La LRAR présente ce caractère en raison de l'intervention de l'administration des postes. La remise en main propre, parce qu'elle fait intervenir les parties et l'intermédiaire intéressé à la transaction, n'offre pas la même sécurité. D'ailleurs, les juges de la Cour d'appel de Toulouse précisent que la remise devrait se faire par un tiers hors des locaux d'agence ou à un autre moment que lors des visites domiciliaires (5) . Le constat demeure confus puisque...

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