Les responsabilités du promettant, du tiers-acquéreur et du notaire à la suite de la violation d'un pacte de préférence

AuteurChristina Corgas-Bernard
Pages8-11

Christina Corgas-Bernard, Maître de conférences à l'Université du Maine, enseignante à l'Ecole de notariat de Rennes

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Commentaire de l'arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 11 juillet 2006.

Les avant-contrats ont connu une actualité jurisprudentielle particulièrement riche au cours de l'année 2006. L'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 26 mai 2006 a particulièrement retenu l'attention1 . Rompant avec la jurisprudence antérieure, la Haute juridiction a admis la substitution à titre de sanction de la violation d'un pacte de préférence. Cette affaire ayant donné lieu à la formation de la Chambre mixte a fait l'objet d'une autre décision, en date du 11 juillet 2006, rendue par la Première Chambre civile de la Cour de cassation. Celle-ci était saisie du pourvoi articulé cette fois autour de l'allocation de dommages et intérêts au bénéficiaire du pacte2. Les faits sont connus. Une donation-partage contenant un pacte de préférence a attribué à M. Ruini Amaru une parcelle dépendant d'un bien immobilier. Cette parcelle a été vendue par son propriétaire à la SCI Emeraude, par acte reçu le 3 décembre 1985 par M. Solari, notaire. Le bénéficiaire du pacte agit alors en justice aux fins d'obtenir sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts. La demande de substitution a reçu l'issue que l'on connaît. Il restait à statuer sur la demande d'indemnisation dirigée à la fois contre le notaire, le tiers acquéreur et le promettant. La Première Chambre civile de la Cour de cassation reconnaît la responsabilité de ces derniers. Le notaire, le promettant et le tiers acquéreur sont condamnés in solidum à réparer le préjudice du créancier du pacte. Cet arrêt se singularise par la lecture particulièrement compréhensive qu'adopte la Haute juridiction des devoirs incombant à chacun des intéressés.

I- La responsabilité du promettant

Le promettant est le premier interlocuteur du bénéficiaire du pacte. Sans conteste, il engage sa responsabilité contractuelle pour ne pas avoir proposé à ce dernier la conclusion de la vente conformément aux stipulations de l'avant-contrat. A défaut d'une condamnation à réparer en nature la faute commise, il est redevable de dommages et intérêts. Il convient d'approuver la Cour de cassation qui ne s'est pas attardée sur le moyen du pourvoi, quelque peu teinté de mauvaise foi. Le promettant prétendait en effet avoir respecté ses engagements, dans la mesure où il avait notifié au bénéficiaire du pacte une offre deux ans après la conclusion de la vente avec le tiers acquéreur. La Cour de cassation rejette ce moyen, dans un attendu particulièrement bref, aux termes duquel elle approuve les juges du fond d'avoir décidé que le promettant avait violé le pacte de préférence à l'égard du bénéficiaire « pour avoir omis de lui proposer la vente projetée ». Il relève de l'évidence que la priorité d'achat offerte par le pacte doit être mise en oeuvre avant la conclusion de la vente avec le tiers. Tel est l'objet même de cette convention. Une fois la vente définitivement conclue, une offre présentée au bénéficiaire ne revêt plus aucun intérêt, à plus forte raison lorsque la vente a été réalisée plusieurs années en arrière. La propriété du bien litigieux ayant été définitivement transférée au tiers, le bénéficiaire n'a aucune préférence à faire valoir3.

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Le droit de préférence se trouve vidé de son contenu4 .

II- La responsabilité du tiers-acquéreur

En cas de violation du pacte de préférence, le principe de la responsabilité du tiers acquéreur, par hypothèse délictuelle, semble acquise en jurisprudence. Il en va particulièrement ainsi lorsque le tiers est l'auteur d'un concert frau- duleux avec le stipulant5 . Toutefois, en dehors du cas précis de la fraude, peu d'arrêts de la Cour de cassation se prononcent sur les conditions de cette responsabilité6 . Le présent arrêt a donc le mérite de dessiner les contours de la faute, autre que la fraude, susceptible d'être reprochée au tiers. En l'espèce, la Cour impute à l'acquéreur une faute de négligence pour ne pas s'être informé des obligations mises à la charge du vendeur. « La SCI Émeraude ét[ant] censée connaître l'existence du pacte de préférence en raison de l'opposabilité aux tiers des actes de donation-partage qui avaient été publiés à la conservation des hypothèques, la cour d'appel a pu décider que la SCI avait commis une faute de négligence en omettant de s'informer précisément des obligations mises à la charge de son vendeur ». Il convient de souscrire au postulat selon lequel la publication de l'avant-contrat à la conservation des hypothèques fait présumer sa connaissance par le tiers. Cette règle est un prolongement de l'article 1165 du Code civil. Si les actes juridiques ne peuvent faire naître de...

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