Le principe d'une protection par un droit de propriété industrielle

AuteurMarie-Catherine Chemtob-Concé
Occupation de l'auteurDocteur en droit de l’université Paris II (Panthéon-Assas), maître de conférences des universités UFR de médecine et pharmacie de Rouen université de Rouen
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L'expression « brevetabilité du vivant » est fréquemment utilisée pour référer à l'ensemble des problèmes soulevés par la protection par les droits de propriété industrielle des innovations dans le domaine des biotechnologies6,7.

Cette expression qui suggère l'idée d'une « appropriation du vivant par le brevet » risque d'entraîner une confusion entre propriété incorporelle et propriété corporelle traditionnelle en étendant faussement le monopole de la première. C'est pourquoi, il est plus correct d'évoquer la protection des inventions relatives à la matière biologique ou aux êtres vivants par les divers mécanismes de la propriété industrielle8.

Concernant le terme « vivant » force est de constater que le règne vivant n'existe pas en tant que tel comme catégorie juridique dans le droit positif de la majorité des pays européens.

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La convention de Rio9 sur la biodiversité fait référence à la « diversité biologique », sans préciser si elle inclut le « vivant humain »10.

Certes, les êtres vivants sont considérés, en vertu de la « summa divisio » entre les choses et les personnes, comme des choses objets de droit et les êtres humains comme des personnes. Notre système juridique est dominé par cette distinction fondamentale entre les personnes et les choses11. La distinction entre la personne et la chose constitue le fondement principal de notre civilisation ; elle a libéré l'homme de l'esclavage et c'est sur elle que repose la dignité de la personne. On vend une vache ou un terrain, pas un « homme ». Les termes « êtres » et « humains » demeurent cependant ambigus. Ainsi le foetus humain, qui est une individualité biologique appartenant à l'espèce humaine, n'est pas considéré comme un sujet de droit par la loi bioéthique française n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au corps humain12. La même position est maintenue dans le texte révisé.

Mais, avec le développement des biotechnologies, c'est plus fondamentalement le statut du matériel génétique humain (les gènes, les chromosomes et le génome) qui a été mis en question. L'opinion dominante classique considère que tant qu'il est partie prenante du corps, indissocié de celui-ci, le matériel génétique est le corps humain lui-même, c'est-à-dire est la personne et par conséquent inappropriable13.

Cependant, aujourd'hui, en doctrine, un fort courant se dégage pour admettre que le matériel génétique humain peut présenter les caractéristiques d'une chose : tout d'abord, dans son élément corporel, l'ADN étant un support chimique présent dans les cellules du corps humain, ensuite dans son élément incorporel, l'information génétique pourrait recevoir la qualification de chose14. Le génome de l'espèce humaine serait en revanche inappropriable, parce que chose commune.

Toutefois, ces interrogations sur la reconnaissance d'un droit privatif sur le matériel génétique ne doivent pas conduire à confondre droit de brevet et propriété corporelle d'un objet. Le brevet est un droit de propriété incorporelle. Il a pour fonction de conférer à son titulaire un monopole temporaire d'exploitation sur une invention, c'est-à-dire une création abstraite de nature technique et industrielle. Ce droit s'acquiert à l'issue d'une procédure administrative conduite devant une instance spécialisée, les offices nationaux de brevets ou les instancesPage 7 régionales établies par une convention internationale (tel l'Office européen des brevets créé par la convention européenne sur le brevet).

Il ne s'agit donc pas, selon l'analyse doctrinale traditionnelle, d'un droit de propriété véritable, à savoir celui qui caractérise la propriété corporelle portant sur des objets tangibles. Cependant, le droit conféré présente l'une des prérogatives essentielles du droit de propriété : un...

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