La méthode 6s. Du contrôle de qualité industriel à l’évaluation du risque médical

AuteurEmmanuel Alain Cabanis
Occupation de l'auteurMembre correspondant de l’Académie nationale de médecine, professeur à l’université Pierre et Marie Curie Paris 6, faculté Pierre et Marie Curie - site Pitié-Salpêtrière, chef du service de neuro-imagerie.
Pages125-132

Résumé

La méthode statistique dite «six sigma» (6º), puissant outil de contrôle de qualité (États-Unis, 1931), se traduit en probabilité réduite de survenue d'événements indésirables. Aujourd'hui étendue à la gestion, elle est devenue une référence mondiale. L'«exigence de qualité» devient «réduction de probabilité dans la variabilité», le risque de survenue d'un événement indésirable devant s'abaisser vers six écarts-type (sigma) par rapport à la moyenne. Au sein d'un échantillon suffisant à distribution gaussienne, cela signifie seulement 3,4 chances de survenue de l'événement sur un million. Le modèle de cet «objectif idéal» peut contribuer aux efforts de la médecine.

Définitions

La méthode «six sigma» (6º), née aux États-Unis il y a 75 ans, quantifie sta-tistiquement l'amélioration d'une «procédure» (ou processus). Il s'agissait initialement de la qualité d'objets fabriqués et aujourd'hui, de la qualité de la gestion et des comportements 1 a 7 .

Comme son nom l'indique, la méthode repose sur l'analyse de l'écart type (sigma) ou déviation standard d'un large échantillon (106) à distribution gaussienne. Le titre signifie donc «six déviations standards d'«opportunités» ou «événements» ou d'«occurences» à partir de leur moyenne arithmétique».

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Puissant outil de comparaison statistique, il définit, en chiffres, un objectif optimisé, proche de l'idéal, de la qualité, en rapport coût/efficacité. Il conduit donc à réduire les défauts d'un «processus», autrefois dans la fabrication d'un objet, aujourd'hui, dans la gestion de l'entreprise, analyse «systémique», pour en améliorer l'efficacité. En traduction statistique, le premier objectif est la réduction de la variabilité.

Historique

En 1931, Walter Shewhart, ingénieur des Bell Labs (États-Unis) initie l'utilisation de la statistique comme référence de qualité. Armand Feigenbaum (1945), ingénieur chez General Electric, devient directeur mondial de la fabrication et du contrôle de qualité jusqu'en 1968. Il définit le principe d'une «qualité totale». La firme Motorola (semi-conducteurs, 1985), suivie par Allied Signal, General Electric (1994), Bombardier (avionique), Nokia (téléphone) (1996), Lockheed, Sony, Polaroïd, DuPont, Toshiba (1997), puis Ford Motor Company, American Express, Siemens, Air France Industrie, Société Générale, AXA, parmi d'autres, adoptent cette référence. Tous les groupes créent des équipes spécialement dédiées au sein de l'entreprise. Des applications aux domaines de la santé (hôpitaux, cliniques) et de l'avionique débutent dans les années 2000.

Rappel d'éléments statistiques (voir figure)

L'échantillon des valeurs mesurées («opportunités», «événements» ou «occurences») doit être de dimension suffisante (au-delà de 103, vers 106 et plus). Sa distribution doit respecter une loi normale (ou loi de Laplace-Gauss), représentée par une courbe en cloche, symétrique par rapport à la valeur moyenne (m) (ici, objectif de perfection recherchée). La valeur de l'écart type (racine carrée de la variance) apparaît. La surface mesurée sous la courbe correspond à une probabilité dont la valeur est donnée par les tables de la loi de Laplace-Gauss.

En conséquence, l'intervalle entre les bornes « m - 1s» et « m + 1s», comprend 68,26 % des valeurs mesurées et exclut 100 - 68,26 = 31,74 % d'événements indésirables. Entre les bornes « m - 2s» et « m + 2º» se situent 95,44 % des valeurs mesurées, 4,56 % des valeurs étant, cette fois, exclus. On peut aussi exprimer ce pourcentage en parties par million (ppm) («opportunités», «événements» ou «occurences» pour un million de «survenues», en anglais « defects per one million opportunities» ou DPMO). Le résultat est, ici, de 45 600 ppm. Dans l'intervalle « m - 3º» et « m + 3º» sont comprises 99,73 % des valeurs ou 2 700 ppm.

L'intervalle «m - 6º» et «m + 6º» est «l'objectif 6º», presque-perfection recherchée, donnant son nom à la méthode statistique. En pratique, il s'agit d'un objectif à court terme. Avec le...

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