Le mandat de protection future (II) : Le déploiement

AuteurPar Jézabel Jeannot
Fonction Doctorante à l'Université de Lyon III
Pages15-21


Dans notre numéro 22 du mois de mars 2007, nous avions publié, sous la signature de Jézabel Jeannot, la première partie de son étude sur le mandat de protection future titrée « Le mandat de protection future : figure libre d'assistance ? » . Ce mois-ci, nous publions la seconde partie de cette étude, consacrée au déploiement du mandat de protection future.
La confection d'un mandat de protection future, outre les conditions précédemment exposées 1 , doit être parachevée par l'acceptation du mandataire de la mission qui lui est confiée 2 . Toutefois, cette acceptation ne fige pas le mandat, la liberté contractuelle pouvant encore s'exprimer tant que celui-ci ne s'est déployé, et ce dans les mêmes formes que celles initiales. Ainsi l'oeuvre d'anticipation peut être tout simplement détruite par l'une ou l'autre des parties, soit que le mandant la révoque, soit que le mandataire y renonce. L'exercice de cette faculté doit être notifié au cocontractant 3 et, le cas échéant, au notaire. Aucune sanction n'est cependant prévue par la loi au cas de défaut de notification. Si ce défaut est sans réelle conséquence dans l'hypothèse d'une révocation par le mandant, en revanche son impact peut être lourd dans celle d'une renonciation par le mandataire, qu'il pourrait être alors concevable de priver d'effet. Le mandant peut également modifier le contenu du mandat, tout changement appelant naturellement une nouvelle acceptation de la part du mandataire. La liberté contractuelle perdure donc au delà de la première rédaction, ce qui peut permettre - à condition d'être diligent - d'ajuster le contenu du mandat en fonction de l'évolution de la situation du mandant. Cette liberté cesse d'un trait, lorsque le mandat prend effet 4 . C'est ce déploiement qui retiendra ici notre attention, de son dies a quo à son dies ad quem (A), de son amplitude à ses conséquences (B).
@A. Prise d'effet et extinction
@@Dies a quo
Élément matériel et élément légal.5 Le mandat de protection future est un contrat à exécution différée. Son déclenchement est subordonné à un élément matériel unique, nécessaire mais insuffisant. Il s'agit de la survenance d'une altération des facultés mentales ou corporelles du mandant de nature à empêcher l'expression de sa volonté, au point qu'il ne peut plus pour- voir seul à ses intérêts, conformément à l'article 425. Autrement dit, on retrouve la même cause d'ouverture qu'en matière de mesures judiciaires de protection, ce qui conforte l'analyse selon laquelle le mandat de protection future, tout en étant un contrat, créerait un régime de protection à part entière et alternatif. Selon que sa survenance était ou non certaine, le mandat est donc conclu soit avec un terme suspensif, soit avec la condition suspensive (dépourvue cependant de rétroactivité) de l'inaptitude. Si aucune mise en oeuvre n'est ainsi concevable sans que n'ait surgi cet événement, cela est néanmoins insuffisant. Il faut encore que cette altération soit constatée par un médecin agrée qui établira un certificat d'inaptitude - le problème du refus du mandant de se soumettre à l'examen médical pouvant se poser, puisqu'on ne peut l'y contraindre. À l'élément matériel s'ajoute un élément légal : une procédure doit ensuite être engagée, qui cependant a été réduite au minimum, tout juste ce qu'il faut pour prétendre à une officialisation de la mise en oeuvre du mandat. Le mandataire doit remettre le certificat médical ainsi que le mandat au greffe du tribunal d'instance. Au vu de ce certificat, le greffier en chef constatera et datera la prise d'effet du mandat, et restituera ce dernier au mandataire. Le notariat souhaitait que le déclenchement du mandat soit davantage surveillé 6 . Il proposait de prévoir, à défaut d'une procédure homologation, une possibilité d'élever le contentieux avant la prise d'effet. Cette dernière aurait consisté en ce que la loi organise la désignation par le mandant d'une ou plusieurs personnes de confiance à qui serait notifié, en même temps qu'au mandant, le dépôt au greffe du certificat médical par le mandataire. Un délai de contestation aurait commencé à courir à compter de cette notification, la faculté de contestation ne pouvant porter que sur les éventuelles difficultés de mise en oeuvre du mandat. Ceci aurait permis « de vider, en amont, et uniquement en cas de difficultés, les contestations éventuelles. Soit aucune contestation n'est élevée et le contrôle serait alors du seul ressort du greffier ; soit une contestation est portée devant le juge et ce dernier se déterminerait par jugement,susceptible de recours 7 » . Cette solution n'a donc pas été retenue par la réforme. La loi du 5 mars 2007 n'a instauré aucun contrôle juridictionnel préalable à l'exécution du mandat, le juge n'intervenant qu'a posteriori, s'il est saisi 8 . Ce choix est conforme, pensera-t-on, au principe de liberté qui anime le mandat de protection, ainsi qu'au souci de la prise en compte et du respect de la volonté de la personne vulnérable. En effet, l'absence de contrôle particulier, en amont, permet que cette volonté puisse s'exécuter rapidement, dès lors que l'hypothèse particulière d'application du mandat de protection s'est réalisée. En réalité, la solution était de toute façon dictée par un autre choix, celui du législateur d'opter pour un mandat de protection qui ne crée aucune incapacité 9 , tandis que le notariat avait en vue une figure libre hissée au même rang que la tutelle ou curatelle 10 . Dès lors que le mandat de protection « à la française » n'a, sur le plan de la capacité, pas plus d'impact que la sauvegarde de justice 11 , on comprend que la proposition susvisée et a fortiori celle d'une procédure d'homologation aient été écartées. Aussi légère soit-elle, puisqu'une déclaration médicale et une inscription au greffe suffisent, il faut cependant bien avoir conscience que la procédure de déclenchement du mandat de protection repose tout entière sur l'initiative du mandataire.
Absence de publicité. La loi du 5 mars 2007 n'a prévu aucune publicité du mandat. Sur ce point, à nouveau, le législateur n'a pas retenu les voeux du notariat, lequel souhaitait que « le mandat de protection future fasse, dès sa mise en oeuvre, l'objet d'une mesure de publicité au répertoire civil et que mention de cette inscription soit portée sur l'extrait d'acte de naissance de la personne concernée 12 » . Outre cette mesure obligatoire lors de la prise d'effet, une publicité facultative était également proposée dès la signature du mandat, et qui aurait pu être assurée par le notariat à l'image du Fichier central des dernières volontés. Ces solutions s'inscrivaient toujours dans la perspective d'une figure autonome de protection « au même titre » que la tutelle et la curatelle 13 . Or, comme nous l'avons expliqué, le majeur sous mandat de protection n'étant pas incapable, il ne pouvait être fait inscription de cette mesure conventionnelle sur les actes de l'état civil. Aucune publicité plénière n'est ainsi organisée, mais sans doute sera-t-il néanmoins nécessaire que soit prévu 14 au moins un répertoire spécifique, à l'instar de celui existant en matière de sauvegarde de justice 15 , qui serait ici tenu par le greffe. Il faudra alors déterminer les personnes ayant pouvoir de consulter ce répertoire. Comme pour la sauvegarde de justice, il pourrait être concevable que seules puissent être informées de la mise en oeuvre d'un mandat de protection, les personnes habilitées à demander l'ouverture d'une tutelle et les professionnels du droit ayant besoin de cette information pour la rédaction d'un acte juridique ou d'un acte de procédure. Une information minimum serait ainsi permise, et surtout bien- venue. L'absence de publicité plénière permet certes d'éviter la réticence des tiers à traiter avec la personne vulnérable. Toutefois, rappelons qu'une mesure de sauvegarde de justice est par essence temporaire, ce qui n'est pas le cas, en théorie, d'un mandat de protection future. La publicité minimale instaurée pour les mesures de sauvegarde de justice devrait donc, à plus forte raison, être étendue au mandat de protection.
@@Dies ad quem
Le nouvel article 483 prévoit quatre causes d'extinction du mandat de protection.
Le rétablissement des facultés personnelles du mandant (art. 483, al.1, 1º). La disparition de l'inaptitude s'érige en cause naturelle d'extinction du mandat. Elle devra être établie, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, dans les mêmes formes que lors de sa survenance. La réforme n'a pas prévu la...

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